Astronomie populaire (Arago)/VIII/01

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GIDE et J. BAUDRY (Tome 1p. 299-305).

CHAPITRE PREMIER

formation d’un catalogue d’étoiles


Une fois en possession d’un cercle méridien sur lequel sont marqués les points correspondants à la ligne des pôles et à l’équateur, indiquons le parti qu’on tire de ces instruments pour former un catalogue d’étoiles. Ce que nous allons dire n’est pas un moyen de démonstration, c’est l’indication de la méthode actuellement en usage dans tous les observatoires.

Fig. 97. — Parallèles célestes.

Concevons que par les différentes étoiles, on fasse passer des plans perpendiculaires à l’axe du monde. La sphère étoilée se trouvera ainsi partagée, comme nous l’avons déjà dit (liv. vi, chap. iii), en zones plus ou moins épaisses, terminées sur les deux sens par des circonférences de cercle appelées des parallèles célestes, allant en grandissant depuis le pôle nord P (fig. 97) jusqu’à l’équateur EE′, et en diminuant au contraire depuis l’équateur jusqu’au pôle austral P′.

Fig. 98. — Cercles horaires.

Imaginons que par les diverses étoiles et par la ligne des pôles on fasse passer une série de plans PEP′, PAP′, PBP′, etc. (fig. 98), il en résultera une suite de grands cercles aboutissant aux deux pôles ; chacun de ces grands cercles est incliné vers l’orient depuis le moment du lever de l’étoile qu’il contient, jusqu’au moment du passage de cette étoile au méridien, l’inclinaison aura lieu vers l’occident depuis ce même moment du passage au méridien jusqu’à celui du coucher. Il est évident que ces divers plans et les cercles qui les terminent coïncideront entièrement avec le méridien, lorsque l’étoile par laquelle ils passent sera elle-même dans le plan méridien. En effet, deux plans coïncident parfaitement quand ils ont trois points communs ; or, les trois points communs sont maintenant l’étoile qui momentanément est située dans le méridien et les deux pôles. Ces divers cercles, qui viendront se confondre avec le méridien à des heures différentes, ont été nommés par cette raison des cercles horaires, ainsi que nous avons déjà eu occasion de le dire (liv. vii, chap. ier).

Une étoile est complétement déterminée lorsqu’on connaît le parallèle et le cercle horaire sur lesquels elle est située. Voyons à quel système d’observation méridienne nous pourrons avoir recours pour trouver les deux éléments qui fixent ainsi la position des étoiles dans l’espace. Tous les points du parallèle d’une étoile sont à la même distance du pôle ; si nous trouvons cette distance pour un seul de ces points, nous l’aurons obtenue pour tous les autres. Lorsqu’en vertu du mouvement diurne, une étoile vient se placer dans le méridien, on dirige la lunette du cercle méridien sur cette étoile, et l’on marque sur la graduation le point où elle s’est arrêtée. Antérieurement on avait déterminé, comme on l’a vu plus haut (liv. vi, chap. vi), le point où la lunette correspondait, quand elle était tournée vers le pôle ; on a ainsi, par la simple comparaison de deux divisions, la distance du pôle à tous les points du parallèle de l’étoile. Retranchant cette distance observée de 90°, on aura évidemment l’arc du méridien compris entre l’étoile et l’équateur. Cette dernière distance s’appelle, avons-nous déjà dit (liv. vii, chap. iv), la déclinaison de l’astre. S’il fallait placer cette étoile à la surface d’un globe, on saurait par là sur quel parallèle elle devrait être dessinée.

Les cercles horaires venant chacun à leur tour coïncider avec le plan du méridien, ne peuvent être distingués les uns des autres ; nous aurons donc à faire un choix et à fixer arbitrairement celui auquel tous les autres seront comparés, celui qui passera par la division zéro de l’équateur. Supposons que le cercle horaire aboutisse à l’étoile la plus brillante du ciel, à l’étoile nommée Sirius ; l’intersection de ce grand cercle et du parallèle de Sirius, dont nous avons pu trouver la position d’avance, donnera la véritable place de cette étoile. Tout est maintenant parfaitement déterminé. Le mouvement de révolution du ciel se fait uniformément ; deux cercles horaires, quelle que soit la distance qui les sépare, viendront coïncider avec le plan méridien après un temps qui sera à celui que la sphère emploie à faire une révolution complète, comme l’angle que ces deux cercles embrassent sur la division de l’équateur est à la circonférence entière ou 360°.

Supposons que l’observateur soit muni d’une montre ou d’une pendule qui marque par exemple exactement 24 heures entre deux passages successifs du cercle horaire passant par Sirius avec le méridien : ainsi zéro heure et 24 heures correspondent à deux passages du point zéro de l’équateur par le méridien, ou à 360° de cet équateur. Cette montre ou cette pendule prend le nom de montre ou pendule sidérale. Le temps qu’elle marque s’appelle le temps sidéral (liv. vii, chap. i ; chap. iv).

Considérons maintenant une étoile qui arrive au méridien une heure après Sirius, elle sera située sur un cercle horaire qui formera avec celui de cette étoile un angle égal à . L’étoile qui viendra au méridien deux heures après Sirius appartiendra à un cercle horaire faisant, avec celui que nous avons pris pour terme de comparaison, un angle égal à . On voit donc que dans la supposition d’où nous sommes partis, une heure correspond toujours à 15° ; en effectuant le calcul numérique, on trouvera qu’une minute de temps correspond à 15′ de degré, et une seconde de temps à 15″ de degré. Quel que soit l’intervalle évalué en heures, minutes, secondes de temps, qui s’est écoulé entre le passage de Sirius et celui d’une autre étoile, nous saurons quel est en degrés l’angle formé par les cercles horaires de ces deux étoiles, ou quelle est la division du cercle équatorial où se termine le cercle horaire de la seconde étoile, le premier (celui de Sirius) passant toujours par le zéro.

Si la montre qui sert à faire ces observations, au lieu de marquer vingt-quatre heures entre deux passages consécutifs de Sirius au méridien indiquait un nombre différent, 25 heures par exemple, il faudrait pour transformer les heures en degrés faire cette proportion : 25 heures correspondent à 360°, le nombre d’heures indiquant l’intervalle compris entre le passage de Sirius et celui de l’étoile qu’on lui compare étant déterminé par l’observation, trouver à quel nombre de degrés il correspond.

On voit, je le répète, que dans ce système d’observations le mouvement diurne, loin d’être un obstacle, est devenu le moyen de mesure, et les heures, minutes, secondes de temps sont transformées en degrés, minutes, secondes de degré. L’arc de l’équateur compris entre le point zéro, entre le point où s’arrête le cercle horaire de Sirius et la division où aboutit le cercle horaire d’une autre étoile, forme ce qu’on appelle (liv. vii, chap. iv) l’ascension droite de cette étoile ; cette ascension droite est exprimée soit en degrés, minutes et secondes de degré, soit en heures, minutes et secondes de temps, d’après la supposition que 24 heures correspondent à 360°.

Toutes les étoiles, plus ou moins voisines du pôle, qui sont situées sur un même cercle horaire, toutes les étoiles qui arrivent au méridien au même moment, ont la même ascension droite ; ce qui, en d’autres termes, veut dire que le nombre de degrés compris entre le zéro de l’équateur et le point où aboutit un cercle horaire, serait le même quel que fût le parallèle sur la graduation duquel on mesurerait l’intervalle des deux intersections ; ainsi, pour que l’on comprenne bien le sens de ce qui précède, supposons que le cercle horaire de Sirius passe toujours par le point zéro de l’équateur, que le cercle horaire d’une étoile corresponde à 15° de ce même équateur : en bien, si les points d’intersection de tous les parallèles avec le cercle horaire de Sirius sont marqués zéro, les points d’intersection de ces mêmes parallèles avec le cercle horaire de la seconde étoile seront au 15e degré de la division de chacun d’eux. En d’autres termes, on voit que les degrés des parallèles, quelque petits qu’ils soient, emploient exactement le même temps à traverser le méridien.

L’exactitude avec laquelle on est parvenu à déterminer les ascensions droites, a dépendu en très-grande partie de la résolution qu’on a prise dans tous les observatoires modernes d’observer les passages au méridien avec un instrument spécial, la lunette méridienne. Cette lunette, par sa construction, peut être amenée à décrire un plan presque mathématique (voir livre vii, chap. iv), ce qu’on obtenait difficilement quand la lunette était toujours attachée à un limbe quelque bien dressé qu’il fût. Le nom du savant à qui l’on doit cette innovation me paraît devoir être mentionné ici, c’est Roemer. Les déclinaisons avaient été de tout temps observées avec des quarts de cercle auxquels on donnait de très-grandes dimensions ; l’énormité de ces dimensions avait empêché d’exécuter des cercles entiers, mais depuis que les progrès qu’on a faits dans la mécanique permettent d’évaluer sur des instruments de grandeurs modérées les plus minimes subdivisions du degré, des cercles entiers ont été substitués aux anciens quarts de cercle. Avec ces instruments attachés à des murs orientés du sud au nord et qu’on appelle des cercles muraux (liv. vii, chap. iv), l’astronome peut observer à la fois les étoiles méridionales et les étoiles boréales en les rapportant toutes directement au pôle, ou par un calcul très-simple à l’équateur.