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Aurora Floyd/35

La bibliothèque libre.
Traduction par Charles Bernard-Derosne.
Hachette (tome IIp. 201-219).

CHAPITRE XXXV

Sous un nuage.

Bulstrode et sa femme vinrent à Mellish Park peu de jours après le retour de John et d’Aurora. Lucy était heureuse de voir sa cousine, contente qu’il lui fût permis de l’aimer sans réserve, reconnaissante envers son mari de la bonté affable qu’il déployait en ne mettant aucune barrière entre elle et l’amie qu’elle affectionnait.

Et Talbot, qui dira les pensées qui occupaient son esprit, lorsqu’il s’assit dans le coin d’un wagon de première classe, absorbé, selon toutes les apparences, dans la lecture du premier article du Times ?

Je me demande ce que Bulstrode comprit ce matin au merveilleux anglais des rédacteurs de ce journal !

Le grand papier sur lequel on imprime le Times est un écran des plus commodes. Dieu sait combien de souffrances ont été endurées derrière ce masque imprimé ! Une femme mariée, une heureuse mère, regarde assez négligemment les naissances, les mariages et les morts, et lit peut-être que l’homme qu’elle a aimé, qui est parti, qui lui a brisé le cœur, il y a de cela quinze ou vingt ans, est tombé mort, atteint au cœur, bien loin, sur un champ de bataille aux Indes. Elle tient le papier assez ferme devant sa figure, et son mari continue son déjeuner, remue son café, ou casse ses œufs, pendant qu’elle souffre, tandis que la table du déjeuner s’obscurcit et disparaît, que le jour passé depuis longtemps où le cruel vaisseau a quitté Southampton revient à sa mémoire, où des voix amies osent mettre en avant d’une manière monotone la folie des mariages imprévoyants. Ne vaudrait-il pas mieux, soit dit en passant, que les femmes prissent l’habitude de dire à leurs maris toutes les petites histoires sentimentales qui ont précédé leur mariage ? Ne vaudrait-il pas mieux rire librement à propos des yeux noirs et de la moustache de Charles, et espérer que le pauvre garçon fait pour le mieux en partant au service des Indes, que de garder un squelette, sous la forme du fantôme d’un enseigne au 87e, caché au fond de quelque sombre recoin de la mémoire féminine ?

Mais d’autres souffrances que celles des femmes s’endurent derrière le Times. Le mari lit les mauvaises nouvelles de la Compagnie de chemin de fer dans laquelle il a si inconsidérément placé l’argent, que sa femme croit en sûreté dans les Consolidés et suivant son petit bonhomme de chemin à trois pour cent. Un élégant fils de famille, ayant le goût et les tendances de Newmarket, lit de mauvaises nouvelles du cheval pour lequel il a parié si hardiment, peut-être d’après les conseils d’un prophète de Manchester, qui garantissait de faire gagner à ses amis un chapeau plein d’argent pour la petite récompense de trois shillings six pence en timbres-poste. Visions d’un livre qu’il ne serait pas très-facile de régler : d’une liste noire, d’engagements de jeu ou de payement à faire à une multitude de teneurs de livres de paris, en colère, criant après ce qui est dû, et nullement paresseux pour suggérer l’idée d’un abreuvoir à la portée de la main et aussi la possibilité d’avoir du goudron et des plumes à défaut de Welshers traînants et de mauvais goûts ; toutes ces choses se heurtent dans le cerveau désorganisé du jeune homme, tandis que ses sœurs supplient qu’on leur dise si les Diamants de la Couronne doivent se jouer le soir et si cette chère Mlle Pyne gazouillera les variations de Rode avant la chute du rideau. Et pendant ce temps il a regardé le programme de Covent Garden, donné les informations demandées, et il est prêt à déposer le journal et à commencer tranquillement son déjeuner, méditant les manières et les moyens de sortir d’embarras.

Lucy lisait un roman, tandis que son mari était assis, le Times devant lui, pensant à tout ce qui lui était arrivé depuis sa première rencontre avec la fille du banquier. Comme cette ancienne histoire d’amour semblait éloignée depuis que le tranquille bonheur de sa vie domestique avait commencé par son mariage avec Lucy ! Il n’avait jamais été infidèle, dans l’ombre la plus éloignée de sa pensée, à son second amour ; mais maintenant qu’il connaissait le secret de la vie d’Aurora, il regardait en arrière et se demandait comment il aurait pu supporter cette cruelle révélation, si la destinée de John avait été la sienne ; s’il s’était fié à cette femme, s’il avait continué à l’aimer malgré le monde, malgré les paroles étranges qui avaient si terriblement fortifié ses craintes et si cruellement redoublé ses sombres doutes.

— Pauvre fille, — pensa-t-il ; — ce n’est pas étonnant qu’elle ait tremblé en me racontant cette histoire humiliante. Je n’ai pas été assez tendre. Je l’ai jugée avec mon orgueil obstiné et sans pitié. Je pensais à moi plutôt qu’à elle et à ses chagrins. J’ai été barbare et mal élevé, et je ne m’étonne pas qu’elle ait refusé de se confier à moi.

Talbot, en raisonnant après le fait, découvrait les points faibles de sa conduite avec une clarté de vision surnaturelle, et ne put réprimer un vif regret de n’avoir pas agi plus généreusement. Il n’y avait nulle infidélité à Lucy dans ses pensées ; il n’aurait pas échangé sa petite femme si dévouée contre la divinité aux yeux noirs du passé, quand bien même une fée toute-puissante se fût levée à ses côtés pour annuler son mariage et pour former un nouveau lien entre lui et Aurora. Mais il était homme, et il sentait qu’il avait fait beaucoup de mal, insulté et humilié une femme dont la plus grande faute avait été la confiante folie d’une innocente jeune fille.

— Je l’ai laissée sur le plancher de cette chambre de Felden, — pensa-t-il, — à genoux par terre, avec sa magnifique tête courbée devant moi. Ô moi ! Dieu ! puis-je jamais oublier l’angoisse de ce moment ! Puis-je oublier combien cela m’a coûté de faire ce que je pensais être juste !

Une sueur froide lui vint au front, au souvenir de cette affliction passée, ainsi que cela arrive à un poltron, se rappelant d’une manière trop vive l’extraction d’une double dent après trois reprises, ou l’amputation d’un membre.

— Mellish a été dix fois plus sage que moi, — pensa Bulstrode ; — il s’est fié à son instinct et a reconnu une femme fidèle quand il l’a rencontrée. J’avais l’habitude de me moquer de lui à Rugby, parce qu’il ne pouvait traduire Cicéron. Jamais je n’aurais cru qu’il serait devenu plus sage que moi.

Bulstrode plia le Times et le déposa sur une place vide à côté de lui. Lucy ferma le troisième volume de son roman. Comment aurait-elle pu avoir envie de lire, quand il plaisait à son mari de cesser de le faire !

— Lucy, — dit Bulstrode, prenant la main de sa femme (ils avaient un compartiment à eux, bonne fortune qui arrive souvent aux voyageurs qui donnent une demi-couronne à l’employé), — Lucy, j’ai fait jadis bien du mal à votre cousine ; aujourd’hui je désire le réparer. Si quelque malheur que personne ne peut prévenir lui arrive, je désirerais être son ami. Pensez-vous que j’aie le droit d’avoir ce désir ?

— Le droit, Talbot !

Mme Bulstrode ne put que répéter ce mot avec une excessive surprise. Comment aurait-elle pu penser autrement que son mari, qui était l’être le plus vrai, le plus sage et le plus parfait.

Tout paraissait très-tranquille à Mellish quand les visiteurs arrivèrent. Il n’y avait personne dans le salon ni dans la petite pièce qui le précédait. Les stores étaient fermés, car le jour était chaud et étouffant ; mais il n’y avait pas de livre ouvert, aucun fouillis de travaux à l’aiguille ni d’instruments à dessin qui indiquât la présence d’Aurora.

M. et Mme Mellish vous attendaient par le dernier train, je crois, monsieur, — dit le domestique en faisant entrer Talbot et sa femme dans le salon.

— Dois-je aller chercher Aurora ? — dit Lucy. Je suis sûre qu’elle est dans sa chambre.

Talbot dit qu’il vaudrait peut-être mieux attendre que Mme Mellish vînt à eux. Lucy fut ainsi obligée de rester où elle était. Elle se dirigea vers une des fenêtres ouvertes et poussa les volets. Le brillant éclat du soleil envahit la pièce et la noya dans sa lumière. La douce pelouse était ornée de géraniums écarlates, de belles roses et de fleurs de toutes couleurs ; mais Mme Bulstrode regarda au-delà de ce parterre, vers le bois épais qui paraissait d’un pourpre foncé en contraste avec le ciel brillant.

C’était dans ce même bois que son mari lui avait déclaré son amour, ce même bois qui depuis avait été souillé par la violence et le meurtre.

— Cet homme… cet homme est enterré, n’est-ce pas, Talbot ? dit-elle à son époux.

— Je le crois, ma chère.

— Je ne me soucierais plus de vivre dans cet endroit, si j’étais Aurora…

La porte s’ouvrit avant que Mme Bulstrode eût fini sa phrase, et la maîtresse de la maison vint au-devant d’eux. Elle les reçut avec affection et bonté ; elle prit Lucy dans ses bras et l’embrassa très-tendrement ; mais Talbot s’aperçut qu’elle avait terriblement changé pendant les quelques jours qui s’étaient écoulés depuis son retour dans le comté d’York, et son cœur souffrit quand il remarqua son visage pâle et le cercle noir qui entourait ses yeux caves.

Qu’avait-elle pu entendre ?… Quelqu’un aurait-il pu laisser supposer ?…

— Vous n’êtes pas bien portante, madame Mellish, — lui dit-il, quand il prit sa main.

— Non, pas très-bien. Ce temps accablant me donne mal à la tête.

— Je suis fâché de vous voir malade. Où pourrai-je trouver John ? — demanda Bulstrode.

Le pâle visage d’Aurora s’empourpra soudainement.

— Je… je ne sais pas, — bégaya-t-elle. — Il n’est pas à la maison ; il est sorti pour aller aux écuries ou à la ferme, je crois. Je vais l’envoyer chercher.

— Non, non, — dit Talbot en arrêtant sa main qui se dirigeait vers la sonnette ; — je vais aller le chercher moi-même. Lucy sera contente de causer avec vous, et elle n’est pas fâchée de se débarrasser de moi.

Lucy passa le bras autour de la taille de sa cousine, et acquiesça à cet arrangement. Elle était peinée de voir le changement d’Aurora et la contrainte contre nature de ses manières.

Bulstrode s’en alla, en se félicitant d’avoir agi si sagement.

— Lucy est très-probablement plus à même que moi de découvrir ce qu’il y a, — pensa-t-il. — Il y a une espèce de franc-maçonnerie entre les femmes, une affinité électrique que la présence d’un homme détruit toujours. Comme Aurora paraît mortellement pâle ! Est-il possible que le chagrin que j’attendais soit venu si tôt.

Il alla aux écuries, moins pour chercher Mellish que dans l’espoir d’y trouver quelqu’un d’assez intelligent pour lui faire un récit plus exact du meurtre que ceux qu’il avait entendus jusque-là.

— Quelqu’un, aussi bien qu’Aurora, a avoir des raisons pour désirer se débarrasser de cet homme, — pensa-t-il. — Il ne manque pas de motifs : la vengeance, la cupidité, quelque chose qui n’a pas encore été découvert.

Il pénétra dans la cour ; mais il n’eut pas l’occasion de continuer longtemps ses recherches, car John était dans une attitude nonchalante devant une petite forge, surveillant le ferrage d’un de ses chevaux. Le jeune châtelain le regarda avec étonnement ; lorsqu’il reconnut Talbot, il lui donna sa main avec quelques mots de bienvenue qu’il étrangla. Bulstrode vit tout de suite qu’il y avait peut-être plus de changement dans l’apparence de John que dans celle d’Aurora. Ses yeux bleus avaient perdu leur éclat ; ses pas leur élasticité ; sa figure semblait défaillante et son regard hagard, et évidemment il évitait de rencontrer les yeux de Talbot. Il quitta la forge avec insouciance, marchant à côté de son hôte dans la direction des portes de l’écurie ; mais il avait l’air d’un homme qui ne sait pas où il va et qui ne se soucie pas de le savoir.

— Rentrons-nous à la maison ? — dit-il. — Vous devez avoir besoin de prendre quelque chose, après votre voyage.

Il regarda sa montre en disant cela. Il était trois heures et demie, une heure plus tard que celle fixée d’ordinaire pour le lunch à Mellish.

— J’ai passé toute la matinée à l’écurie, — dit-il ; — nous sommes occupés de nos préparatifs pour les courses d’été d’York.

— Quels chevaux faites-vous courir ? demanda Bulstrode, affectant par politesse de s’intéresser à un sujet qui lui était complétement indifférent, dans l’espoir que cette causerie sur l’écurie réveillerait peut-être John de son apathie.

— Quels chevaux ? — répéta Mellish vaguement ; — je… je le sais à peine. Langley arrange tout cela pour moi, vous savez. J’ai… j’ai oublié les noms des chevaux qu’il a proposés, et…

Bulstrode se retourna tout à coup vers son ami et le regarda fixement. Pendant ce temps, ils avaient quitté l’écurie et se trouvaient dans un sentier ombragé qui conduisait à la maison, à travers des taillis.

— Mellish, — dit-il, — ce n’est pas bien avec un ancien ami. Vous avez quelque chose dans l’esprit et vous cherchez à me le cacher. John détourna la tête.

— Oui, Talbot, — dit-il tranquillement. — Si vous pouviez m’aider, je vous aurais demandé votre secours plutôt qu’à qui que ce soit. Mais vous ne le pouvez pas… vous ne le pouvez pas…

— Mais supposez que je croie pouvoir vous aider, s’écria Bulstrode. Supposez que je veuille essayer de le faire, que vous le vouliez ou non ? Je devine ce qui vous inquiète, John ; mais j’ai pensé que vous seriez assez honnête homme pour ne pas vous occuper de cela. J’ai pensé que vous étiez justement la sorte d’homme qu’il fallait pour lutter noblement et bravement et sortir de tout cela par la force de votre volonté.

— Que voulez-vous dire ? — s’écria Mellish. — Vous pouvez deviner… vous savez… vous croyez ! Ne voyez-vous donc pas que je suis presque fou, et qu’il n’est plus temps de m’imposer votre amitié ? Avez-vous besoin que je me trahisse ? Désirez-vous que…

Il s’arrêta soudain, comme si ces mots lui avaient fait mal, et frappant vivement la terre du pied, il marcha à grands pas, ayant toujours son ami à ses côtés.

La salle à manger semblait passablement triste, quand les deux hommes entrèrent, quoique la table offrît la promesse d’un lunch très-substantiel ; mais il n’y avait personne pour les recevoir ni pour les servir.

John s’assit avec lassitude au bout de la table.

— Vous feriez mieux d’aller voir si Mme Bulstrode et votre maîtresse viennent déjeuner, — dit-il à un domestique qui sortit pour remplir le message de son maître, et qui revint trois minutes après dire que ces dames ne viendraient pas.

Ces dames étaient assises l’une à côté de l’autre sur un sofa, dans la chambre d’Aurora. Mme Mellish avait la tête appuyée sur l’épaule de sa cousine. Rappelez-vous qu’elle n’avait jamais eu de sœur, et que Lucy remplaçait pour elle cette tendre consolatrice. Talbot avait eu raison ; Lucy avait accompli ce que lui n’aurait jamais pu arriver à faire : elle avait trouvé la clef du malheur de sa cousine.

— Lui… cesser de vous aimer, chère ! — s’écria Mme Bulstrode, en répétant comme un écho les derniers mots d’Aurora ; — mais c’est impossible !

— C’est cependant vrai, Lucy, — répondit Mme Mellish avec désespoir. — Il a cessé de m’aimer. Il y a un nuage noir entre nous… maintenant que tous les secrets ont été révélés. C’est très-dur pour moi à supporter, Lucy : car je pensais que nous serions heureux et unis. Mais… mais ce n’est que naturel. La honte l’a accablé… Comment peut-il me regarder sans se souvenir qui je suis et ce que je suis ?… la veuve de son domestique !… Puis-je m’étonner s’il m’évite ?

— Vous éviter, chère.

— Oui, il m’évite. Nous nous sommes à peine dit douze mots depuis le soir de notre retour. Il était si bon pour moi, si tendre, si dévoué pendant le voyage et jusqu’à la maison ; il me répétait que cette découverte n’avait pas affaibli son amour, que tous les chagrins et les horreurs des derniers jours lui avaient seulement montré la violence de son affection. Mais le soir de notre retour, Lucy, il a changé, changé subitement et d’une manière inexplicable, et maintenant je sens qu’il y a entre nous un abîme infranchissable. Il est séparé de moi pour toujours.

Mme Bulstrode tressaillit en regardant sa cousine. Était-il bien possible que le chagrin et la confusion des deux dernières semaines eussent ainsi dérangé l’intelligence de cette pauvre femme.

— Ma pauvre Aurora, — murmura-t-elle en éloignant des yeux remplis de larmes de sa cousine ses longs cheveux ; — ma pauvre chérie ! comment est-il possible que John ait changé vis-à-vis de vous. Il vous chérissait tant… d’une manière si dévouée… Rien ne peut l’éloigner de vous.

— Je le pensais comme vous, Lucy, — murmura Aurora d’une voix tendre et brisée par la douleur. — Je pensais que rien ne pourrait jamais nous séparer. Il me disait qu’il me suivrait jusqu’au bout du monde ; il disait qu’aucun obstacle sur la terre ne pourrait nous séparer, et maintenant…

Elle ne put achever sa phrase, car elle éclata en sanglots convulsifs, et courba sa tête sur l’épaule de sa cousine.

— Ô mon amour, mon amour ! — s’écria-t-elle tristement. — Pourquoi me suis-je sauvée et me suis-je cachée de vous ! Pourquoi ne me suis-je pas fiée à mon premier instinct, et ne me suis-je pas enfuie pour toujours ! Toute autre souffrance serait préférable à celle-ci !

Son vif chagrin se changea en une attaque de nerfs, dans laquelle elle ne fut plus maîtresse d’elle-même. Elle avait souffert depuis quelques jours plus amèrement que tout ce qu’elle avait souffert jusqu’alors.

Lucy comprenait tout cela. C’était une de ces natures dont la tendresse instinctive comprend les chagrins des autres. Elle sut comment s’y prendre avec sa cousine, et moins d’une heure après cette crise, Aurora était étendue sur son lit, pâle et épuisée, mais dormant tranquillement. Pendant plusieurs jours elle avait supporté en silence le fardeau de sa douleur, et avait passé des nuits sans sommeil, se nourrissant de son chagrin ; sa conversation avec Lucy l’avait reposée, et elle dormait paisiblement après l’orage.

Lucy s’assit près du lit, veilla la dormeuse un moment, puis sortit sans bruit de la chambre sur la pointe des pieds. Elle alla, bien entendu, raconter à son époux tout ce qui s’était passé, et prendre conseil de sa suprême sagesse.

Elle trouva Talbot seul dans le salon ; il avait fait un triste déjeuner en compagnie de John, et son hôte l’avait abandonné en hâte après le repas. On n’avait pas entendu le bruit d’une seule voiture sur la route sablée durant toute la matinée : il n’y avait pas eu de visiteurs à Mellish Park depuis le retour de John ; car l’horrible scandale s’était répandu dans tout le pays, et ceux qui parlaient du jeune squire et de sa femme le faisaient d’un ton solennel, en se demandant bravement si quelques démarches sérieuses ne devaient pas être faites au sujet de cette affaire, qui occupait tous les esprits.

Lucy répéta à Talbot tout ce qu’Aurora lui avait dit. Ce n’était pas un abus de confiance dans le code de morale de la jeune femme ; car elle et son mari ne faisaient-ils pas qu’un, et aurait-elle pu avoir des secrets pour lui ?

— Je pense comme vous, — dit Bulstrode quand Lucy eut fini son récit.

— Que pensez-vous, cher ?

— Que la rupture entre John et Aurora est sérieuse. Ne me regardez pas d’un air si triste, ma chérie. C’est notre affaire de les réunir. Vous allez consoler Aurora, Lucy ; moi, je veillerai sur John.

Bulstrode embrassa sa femme et s’en alla remplir son amicale mission. Il trouva John dans sa chambre, la chambre dans laquelle Aurora lui avait écrit le jour de sa fuite, la chambre d’où l’arme meurtrière avait été volée par une main inconnue. John avait caché le pistolet rouillé dans un des tiroirs de son secrétaire ; mais il ne faut pas croire que cette découverte eût pu être tenue secrète ou cachée longtemps. Elle avait été complètement discutée à l’office, et qui doutera qu’elle n’eût été plus loin, en se faufilant à travers quelques-uns de ces canaux tortueux qui conduisent tout au dehors de chaque maison.

— Venez vous promener avec moi, John, — dit Talbot d’un ton impératif. — Mettez votre chapeau et venez dans le parc ; vous êtes le plus agréable gentilhomme auquel j’aie jamais rendu visite, et l’attention que vous accordez à vos hôtes est vraiment quelque chose de remarquable.

Mellish ne fit aucune réponse à ce discours. Il se tint devant son ami, pâle, silencieux et triste. Il ne ressemblait pas plus au cordial châtelain que nous avons connu qu’il ne ressemblait au vicomte Palmerston ou à lord Clyde. Il était complétement transformé par quelque grand chagrin qui pesait sur son esprit : et ayant une organisation pleine de droiture, il lui était impossible de cacher son inquiétude.

— John, John ! — dit Talbot, — nous avons été petits garçons ensemble à Rugby, et nous nous sommes battus l’un contre l’autre dans une douzaine de luttes enfantines. Est-ce bien à vous de me retirer votre amitié à présent, quand je suis venu dans le dessein d’être votre ami… le vôtre et celui d’Aurora ?

Mellish détourna la tête, quand son ami prononça ce nom familier, et ce geste ne fut pas perdu pour Bulstrode.

— John, pourquoi me refusez-vous votre confiance ?

— Je ne refuse pas. Je… Pourquoi êtes-vous venu dans cette maison maudite ? — dit Mellish vivement ; — pourquoi êtes-vous venu ici, Talbot ? Vous ne savez pas la fièvre qui règne dans cet endroit et qui s’empare des personnes qui l’habitent, ou vous n’y seriez pas plus venu que dans une ville frappée de la peste ? Savez-vous que quand moi et… et… ma femme… nous allons le dimanche à l’église, les gens que nous connaissions se détournent comme si nous avions le typhus ? Savez-vous que la foule maudite vient de Doncastre pour regarder à travers les palissades du parc, et que cette maison est un spectacle pour la moitié du West Riding ? Pourquoi venez-vous ici ? Vous serez regardé et bafoué, et couvert d’opprobre… vous qui… Retournez à Londres ce soir même, Talbot, si vous ne voulez pas me rendre fou !

— Non pas, jusqu’à ce que vous m’ayez dit vos peines, John, — répondit Bulstrode avec fermeté. — Mettez votre chapeau et venez avec moi. Je désire que vous me montriez l’endroit où le meurtre s’est accompli.

— Vous pouvez aller chercher quelqu’un d’autre, — murmura John, — je n’irai pas.

— John ! — dit Talbot subitement, — dois-je vous prendre pour un lâche ou pour un imbécile ? Par le ciel ! c’est au-dessus de moi. Vous me forceriez d’avoir cette idée si vous persistez dans cette folie. Venez dans le parc avec moi, j’ai la prétention d’avoir une vieille amitié pour vous et je n’abandonnerai pas cette prétention pour une folie.

Les deux hommes allèrent vers la pelouse, John acquiesçant assez bien à la demande de son ami. Ils marchèrent silencieusement dans le parc, vers la portion du bois dans laquelle Conyers avait trouvé la mort. Ils avaient gagné une des avenues les plus solitaires et les plus ombreuses du bois, et se trouvaient tout près de l’endroit d’où Prodder avait surveillé sa nièce et son interlocuteur dans la nuit du meurtre, quand Talbot s’arrêta subitement et posa sa main sur l’épaule du squire.

— John, — dit-il d’une voix ferme, — avant que nous allions regarder la place où ce misérable est mort, avouez-moi votre peine.

Mellish se retourna fièrement et regarda Bulstrode avec une sombre défiance.

— Je ne dirai à aucun homme ce que je n’ai pas envie de dire, — dit-il d’une voix ferme ; et puis avec un changement subit qui était terrible à voir, il s’écria impétueusement : — Pourquoi me tourmentez-vous, Talbot ? Je vous dis que je ne puis vous confier… Je ne puis confier à personne sur la terre… Si… si je vous disais… l’affreuse pensée que… si je vous la disais, ce serait votre devoir de… je… Talbot, Talbot, ayez pitié de moi…, laissez-moi seul… allez-vous-en… je…

Frappant furieusement du pied, comme s’il avait voulu écraser le lâche désespoir pour lequel il se méprisait lui-même, et frappant son front avec ses poings crispés, Mellish se détourna de son ami, et s’appuyant contré la branche noueuse d’un grand chêne, il se mit à pleurer tout haut. Bulstrode attendit que cette crise fût passée ; mais quand son ami fut devenu plus calme, il pencha son bras vers lui et l’entraîna presque aussi tendrement que si John eût été une femme ayant sérieusement besoin d’aide et de secours.

— John, John, — dit-il gravement, — remerciez Dieu, remerciez Dieu que quelque chose rompe la glace entre nous. Je connais votre douleur, mon pauvre ami, et je sais qu’elle n’a aucune raison d’être. Levez la tête, mon ami, et regardez votre bonheur à venir. Je connais la noire pensée qui torture votre pauvre cœur : vous croyez qu’Aurora a assassiné le domestique !

Mellish s’arrêta, frémissant convulsivement.

— Non… non, — dit-il, — qui a dit cela ?… qui ?…

— Vous le pensez, John, — continua Bulstrode, — et vous lui faites la plus grande injure qui ait jamais été faite à une femme : une injure plus honteuse que celle que j’ai commise quand j’ai pensé qu’Aurora était coupable de quelque vile intrigue.

— Vous ne savez pas… — dit John.

— Je ne sais pas !… Je sais tout et j’ai prévu la peine pour vous, avant que vous ayez vu le nuage dans le ciel. Mais je n’ai jamais songé à cela. J’ai pensé que les paysans soupçonneraient votre femme, comme il plaît toujours aux gens de charger d’un crime la personne pour laquelle ce crime est d’autant plus affreux. J’y étais préparé ; mais penser que vous… vous, John, qui devriez avoir appris à connaître votre femme, penser que vous ayez soupçonné la femme que vous avez aimée, d’un assassinat !…

— Comment avons-nous su que… que l’homme ait été assassiné ? dit John avec véhémence. — Qui dit que le coup a été traîtreusement donné ? Il peut l’avoir poursuivie au-delà de toute patience, l’avoir insultée dans sa généreuse fierté, et dans la folie de sa passion, ayant ce misérable pistolet en sa possession…

— Arrêtez ! — interrompit Talbot. — Quel pistolet ?… Vous me disiez qu’on n’avait pas trouvé l’arme.

— On l’a trouvée le soir de notre retour.

— Oui ; mais pourquoi mêlez-vous cette arme au nom d’Aurora ? Que pensez-vous en disant que le pistolet était en sa possession ?

— Parce que… Ô mon Dieu ! Talbot, pourquoi m’arrachez-vous le cœur ?…

— Pour votre propre bien, et pour la justification d’une innocente ; ainsi aidez-moi, au nom du ciel ! répondit Bulstrode. N’ayez pas peur d’être franc avec moi, John. Rien ne me fera croire qu’Aurora est coupable de ce crime.

Mellish se tourna subitement vers son ami, et s’appuyant sur les épaules de Bulstrode, il pleura pour la seconde fois.

— Que Dieu vous bénisse, Talbot ! — dit-il vivement. — Ah ! mon amour, ma chérie, quel misérable j’ai été pour vous ! Mais le ciel m’est témoin que, même dans ma peine la plus grande, mon amour n’a jamais faibli. Cela ne se pourrait jamais !

— John, mon vieil ami, — dit Bulstrode amicalement, — peut-être, au lieu de parler de cette folie, qui me laisse entièrement dans l’obscurité sur tout ce qui s’est passé depuis votre départ de Londres, feriez-vous bien de m’éclairer sur la cause de ces absurdes soupçons.

Ils avaient atteint la cabane en ruine et la pièce d’eau au bord de laquelle Conyers avait trouvé la mort. Bulstrode s’assit sur une pile de bois, tandis que Mellish marchait de long en large sur l’espace de terre nue qui se trouvait entre la maison et l’eau, et racontait d’une manière saccadée l’histoire de la trouvaille du pistolet qui avait été volé dans sa chambre.

— J’ai vu le pistolet le jour même du meurtre, — dit-il ; — j’en ai pris note, car je nettoyais mes armes ce jour-là, et je les ai toutes laissées en désordre quand je me rendis au cottage pour aller voir l’entraîneur. Quand je revins… je…

— Bien ; ensuite ?

— Aurora mettait mes armes en ordre.

— Vous en déduisez que votre femme a pris le pistolet ?

John regarda son ami ; mais le sourire de Talbot le rassura.

— Personne n’avait la permission d’entrer dans la pièce, — répondit-il. — J’y garde mes papiers et mes comptes, comme vous le savez, et il était entendu que pas une servante n’aurait la permission d’y entrer, excepté pour la nettoyer.

— Certainement ; mais cette pièce n’est pas fermée à clef, je suppose.

— Fermée à clef, non sans doute !

— Et les fenêtres qui s’ouvrent sur la cour sont quelquefois restées ouvertes, je pense ?

— Presque toujours, par un temps pareil à celui-ci.

— Ainsi, mon cher John, il est possible que quelqu’un qui n’avait pas la permission d’entrer dans cette pièce l’ait fait cependant, dans l’intention de s’emparer du pistolet. Avez-vous demandé à Aurora pourquoi elle avait pris la peine de mettre vos armes en ordre ? Elle ne l’avait jamais fait auparavant, je pense ?

— Oh ! si, très-souvent. J’ai l’habitude de les laisser après les avoir nettoyées ; et ma chérie s’entend à tout cela autant que moi. Elle les avait souvent rangées pour moi.

— Donc il n’y a rien d’extraordinaire à ce qu’elle a fait le jour du meurtre. Lui avez-vous demandé combien de temps elle est restée dans votre chambre, et si elle peut se rappeler d’avoir eu le pistolet ?

— Lui demander ? — s’écria John. — Comment pouvais-je lui demander, lorsque…

— Lorsque vous avez été assez fou pour la soupçonner. Ah ! mon pauvre ami, vous avez commis la même erreur que j’ai commise à Felden. Vous avez admis la culpabilité de la femme que vous aimiez et vous avez été trop lâche pour chercher l’évidence sur laquelle vous bâtissiez vos soupçons. Si j’avais été assez sage, au lieu de questionner aveuglément cette pauvre fille effrayée, pour lui dire brutalement ce que j’ai soupçonné, la vérité incontestable aurait jailli de ses yeux irrités, et un démenti plein d’indignation m’aurait dit que je l’avais bassement injuriée. Vous ne commettrez pas l’erreur que j’ai commise, John. Vous devez aller franchement et sans crainte vers la femme que vous aimez, vous lui direz le soupçon qui obscurcit sa réputation, et vous lui demanderez de vous aider de tout son pouvoir à démêler le mystère de la mort de cet homme. L’assassin, il faut qu’il se trouve, John ; car aussi longtemps qu’il restera inconnu, vous et votre femme vous serez les victimes de chaque griffonneur à un penny la ligne qui se trouvera aux abois pour un article.

— Oui, — répondit amèrement Mellish, — les journaux ont déjà été durs pour cela ; et il y a eu un drôle qui a rôdé par ici dans ces derniers jours que j’avais une forte envie de rosser. Quelque journaliste sans doute qui vient prendre des informations.

— Je le suppose aussi, — répondit Talbot pensivement. — Quelle espèce d’homme était-ce ?

— Un individu d’assez bonne façon, mais de Londres, j’imagine, et… Arrêtez, — s’écria subitement John, — voici un homme qui vient vers nous du côté du tourniquet, et à moins que je ne me trompe, c’est ce même individu.

Mellish avait raison.

Le bois était libre pour quiconque voulait jouir de l’abri bienfaisant des hêtres et marcher sur le tapis uni d’un terrain mousseux plutôt que de suivre péniblement la grand’route poudreuse.

L’étranger qui s’avançait du côté du tourniquet avait bonne façon, il avait un habit noir boutonné jusqu’au menton. Il regarda Talbot et John en passant près d’eux, pas insolemment ni même d’une manière méfiante, mais avec un regard brillant et un coup d’œil pénétrant, qui semblait saisir dans la même minute les détails les plus saillants de l’aspect extérieur des deux gentlemen. Puis, faisant quelques pas, il s’arrêta et regarda pensivement l’étang et le banc.

— C’est là la place, je crois, messieurs ? — dit-il d’une manière franche et assez délibérée.

Talbot le regarda avec intérêt.

— Si vous voulez parler de l’endroit où le meurtre a été commis, c’est là, — dit-il.

— Oh ! je comprends bien, — répondit l’inconnu.

Il regarda le banc, l’examinant d’un côté puis d’un autre, comme un habile tapissier qui prend des mesures pour une fourniture. Puis, marchant lentement autour de l’étang, il parut plonger dans la profondeur de l’eau stagnante, avec ses petits yeux gris.

Bulstrode surveillait cet homme, tandis qu’il prenait cette photographie mentale de l’emplacement. Tout cela paraissait être naturel à ses manières, qui étaient tout à fait différentes de la pénétrante curiosité d’un médisant ou d’un officieux.

Bulstrode se leva quand l’homme s’en alla, et marcha lentement vers lui.

— Restez où vous êtes, John ! — dit-il en quittant son compagnon. — Je veux savoir quel est cet homme.

Il s’éloigna, et rejoignit l’étranger à environ cent pas de l’étang.

— Je désire vous dire quelques mots avant que vous quittiez le parc, mon ami, — dit-il tranquillement. — À moins que je ne me trompe, vous êtes un agent de la police secrète, et vous avez des lettres de créance de Scotland Yard.

L’homme secoua la tête avec un calme sourire.

— Je ne suis pas obligé de dire à tout le monde mes affaires, dit-il froidement. — Ce sentier est un passage public, je pense ?

— Écoutez-moi, mon bon ami, — dit Bulstrode. — Cela sert peut-être vos projets de vouloir jouer au fin, mais moi je n’ai pas de raison pour le faire, et j’aime autant venir tout de suite au fait. Si vous êtes venu ici dans le but de découvrir le meurtrier de James Conyers, vous ne pouvez pas être mieux reçu que par le maître de la maison.

En parlant, il désigna les cheminées gothiques.

— Si ceux qui vous emploient vous ont promis une bonne récompense, M. Mellish triplera volontiers la somme offerte. Vous n’aurez pas à vous plaindre de sa libéralité, si vous réussissez dans l’accomplissement de votre mission. Si vous pensez que vous gagnerez quelque chose en agissant en dessous main et en vous tenant dans l’obscurité, vous vous trompez grandement, car personne n’est plus à même et n’a plus de volonté de vous aider que M. et Mme Mellish.

L’agent de police, car il avait tacitement avoué sa profession, regarda Talbot avec un air de doute.

— Vous êtes homme de loi, je crois ? — dit-il.

— Je suis M. Talbot Bulstrode, représentant de Penruthy et le mari de la cousine germaine de Mme Mellish.

L’agent s’inclina.

— Mon nom est Joseph Grimstone, de Scotland Yard et de Ball’s Pond, — dit-il ; — et certainement je ne vois aucun obstacle à ce que nous travaillions ensemble. Si M. Mellish est disposé à agir dans mes vues, je suis prêt à le faire avec lui et à accepter la récompense que sa générosité m’offrira. Mais si lui ou un de ses amis a envie de tromper Joseph Grimstone, il vaut mieux pour lui qu’il réfléchisse deux fois avant de l’essayer : voilà tout.

Bulstrode ne fit aucune attention à cette menace, mais regarda à sa montre avant de répondre.

— Il est six heures et quart, — dit-il, — monsieur Mellish dîne à sept heures. Pouvez-vous passer à la maison ce soir à neuf heures ? Vous aurez toute l’assistance qu’il sera en notre pouvoir de vous donner.

— Certainement, monsieur ; à neuf heures, ce soir !

— Nous serons prêts à vous recevoir. Bonsoir.

Grimstone toucha son chapeau et s’en alla tranquillement sous les ombrages des hêtres, tandis que Bulstrode rejoignait ses amis.

Il est peut-être utile d’expliquer l’apparition matinale de l’agent de police à Mellish Park. Le jour de l’enquête, et par conséquent le surlendemain du meurtre, deux lettres anonymes, faites de la même manière et écrites par la même main, avaient été reçues par des constables de Doncastre et par le chef de la police de Scotland Yard.

Ces communications anonymes, écrites par une main qui, en dépit de tout effort pour se déguiser, avait encore les marques distinctives de finesse d’une calligraphie féminine, désignaient, par une suite détournée d’inductions et de raisonnements, Aurora comme l’assassin de Conyers. Je n’ai pas besoin de dire que l’écrivain n’était autre que Mme Powell. Elle a disparu pour toujours de mon histoire, et je n’ai pas le désir de noircir un caractère qui supporterait mal qu’on le salisse. La veuve de l’enseigne croyait actuellement à la culpabilité de sa belle maîtresse. Il est si facile pour une femme envieuse de croire d’horribles choses sur le compte d’une sœur plus heureuse qu’elle déteste.