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Bible Crampon 1923/Jude

La bibliothèque libre.
Traduction par Augustin Crampon.
Texte établi par Société de S. Jean l’Évagéliste, Desclée..


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ÉPÎTRE CATHOLIQUE DE S. JUDE.

PRÉAMBULE.


Adresse, salutation ; exorde : but et occasion de la lettre (1-4).


Jude serviteur de Jésus-Christ et frère de Jacques, aux élus qui ont été aimés en Dieu le Père, et gardés pour Jésus-Christ : 2la miséricorde, la paix et l’amour vous soient donnés pleinement. 3Bien-aimés, comme je mettais tout mon zèle à vous écrire au sujet de notre salut commun, je me suis vu dans la nécessité de vous adresser cette lettre, pour vous exhorter à combattre pour la foi qui a été transmise aux saints une fois pour toutes.[1] 4Car il s’est glissé parmi vous certains hommes, dont il a été écrit depuis longtemps qu’ils encouraient cette condamnation, hommes impies, qui changent la grâce de notre Dieu en licence, et qui renient notre seul Maître et Seigneur Jésus-Christ.[2]


I. — DES FAUX DOCTEURS.

[5. — 16.]


Les ancêtres de ces hérétiques dans l’Ancien Testament (5-7). Leur orgueil (8-10). Châtiment qui les attend (11-13), annoncé dès longtemps par Hénoch (14-16).

5Je veux vous rappeler ce que vous avez autrefois appris, que Jésus[3], après avoir sauvé son peuple de la terre d’Égypte, fit périr ensuite ceux qui furent incrédules ; 6et qu’il retint pour le jugement du grand jour, liés de chaînes éternelles, au sein des ténèbres, les anges qui n’ont pas conservé leur principauté, mais qui ont abandonné leur propre demeure. 7De même Sodome et Gomorrhe, et les villes voisines qui se livrèrent à la même sorte d’impudicité et abusèrent d’une chair étrangère, gisent là en exemple, subissant la peine d’un feu éternel.[4] 8Cependant, ces hommes eux aussi, dans leur délire[5], souillent pareillement leur chair, méprisent la souveraineté et injurient les gloires. 9L’archange Michel lui-même, lorsqu’il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse,[6] n’osa pas porter contre lui une

sentence d’exécration, mais il se contenta de dire : « Que le Seigneur te punisse ! » 10Mais ceux-ci, ils blasphèment tout ce qu’ils ignorent, et quant à ce qu’ils connaissent naturellement, comme les bêtes sans raison, ils s’y corrompent. 11Malheur à eux ! car ils sont entrés dans la voie de Caïn, ils se sont jetés pour un salaire dans l’égarement de Balaam, ils se sont perdus par la révolte de Coré ? 12Ils sont des écueils[7] dans vos agapes, où ils font impudemment bonne chère, ne songeant qu’à se repaître eux-mêmes ; nuées sans eau, emportées au hasard par les vents ; arbres d’automne sans fruits, deux fois morts, déracinés ; 13vagues furieuses de la mer ; jetant l’écume de leurs hontes ; astres errants, auxquels d’épaisses ténèbres sont réservées pour l’éternité. 14C’est d’eux aussi qu’Énoch,[8] le septième patriarche depuis Adam, a prophétisé en ces termes : « Voici que le Seigneur est venu avec la multitude innombrable de ses saints, 15pour exécuter son jugement sur tous, et convaincre tous les impies de toutes les œuvres d’impiété qu’ils ont commises et de toutes les paroles criminelles qu’eux, pécheurs impies, ont proférées contre lui. » 16Ce sont des gens qui murmurent et se plaignent sans cesse de leur sort, qui vivent au gré de leurs convoitises, ont la bouche remplie de paroles pompeuses, et qui par intérêt se font admirateurs d’autrui.

II. — EXHORTATION AUX FIDÈLES.

[17 — 23.]


Demeurer fidèles à l’enseignement des Apôtres 17-21). — Conduite à tenir à l’égard de trois sortes de chrétiens (22-23).

17Pour vous, bien-aimés, souvenez-vous de ce qui vous a été annoncé d’avance par les Apôtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ. 18Ils vous disaient qu’au dernier temps il y aurait des hommes moqueurs,[9] vivant au gré de leurs convoitises impies, 19gens qui provoquent des divisions, hommes sensuels qui n’ont pas l’esprit.[10] 20Pour vous, bien-aimés, vous édifiant vous-même sur le fondement de votre très sainte foi, et priant dans le Saint-Esprit, 21conservez-vous dans l’amour de Dieu, attendant la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour la vie éternelle. 22Il en est qu’il faut confondre comme déjà séparés de vous ;[11] 23d’autres, sauvez-les en les arrachant au feu ; pour les autres, ayez-en pitié, mais avec crainte, haïssant jusqu’à la tunique souillée par la chair.[12]

CONCLUSION.

[24 — 25.]


24À celui qui a le pouvoir de vous préserver de toute chute et de vous faire paraître irrépréhensibles et pleins d’allégresse devant le trône de sa gloire,[13] 25au seul Dieu notre Sauveur, par Jésus-Christ, Notre-Seigneur, soient gloire, majesté, force et empire dès avant tous les temps, et maintenant, et dans tous les siècles ! Amen ![14]

  1. 3. Ou bien : J’avais fort à cœur de vous écrire au sujet de notre salut commun, et je me vois maintenant dans l’obligation de le faire, afin de, etc.
  2. 4. Comp. Jean, x, 9 sv. ; Gal. ii, 4 ; II Pier. ii. Les vers. 5-7 sont parallèles avec II Pier. ii, 4-6.
  3. 5. Jésus : pour un fait de l’Ancien Testament, on attendrait plutôt le Christ (I Cor. x, 4, 9) ; une autre leçon porte ὀ Κὐριος, le Seigneur, mais avec le même sens. Il s’agit donc ici du Christ qui, comme Verbe sans la chair, comme Dieu se révélant, était le Seigneur et le Juge de l’ancienne alliance, de même qu’il est, comme Verbe incarné, le Seigneur et le Juge de la nouvelle. Dans les passages que S. Jude a en vue (Exod. xiv, 1 sv. ; Nombr. xiv, 22 sv.) et dans plusieurs autres (Exod. xxiii, 20 sv. ; Nombr. xx, 16), il est appelé l’Ange de l’alliance ou du Testament.
  4. 7. (Sag. x, 7). D’autres : offrent une image du feu éternel, en subissant leur peine. Le grec porte τὸν ὅμοιον ⸂τρόπον τούτοις⸃ au lieu de ταύτοις qu’on attendait. Le pronom se rapporte aux deux villes nommées dans ce verset même. L’accord grammatical demanderait τούτοις ; mais le masculin τούτοις répond mieux à la pensée de l’écrivain. D’autres rapportent τούτοις à ces hommes dont il est question vers. 4 et qui sont l’objet principal de cette lettre où ils sont désignés constamment par le même pronom démonstratif, vers. 8, 11, 12, 14. 16, 19.
  5. 8. Dans leur délire, grec ἐνυπνιαζόμενοι, hypnotisés par les fantômes que se forge leur esprit. La Vulg. a omis ce mot. — Les Gloires, les mauvais anges (vers. 9, 10) : comp. II Pier. ii, 10. Vulgate : et blasphèment la Majesté.
  6. 9. Allusion à une ancienne tradition juive, se rattachant à Deut. xxxiv, 5 sv., où il est dit que Yahweh déposa le corps de Moïse dans une vallée du pays de Moab, et que nul ne connaît son tombeau. — Que Dieu te punisse, Vulgate : te commande.
  7. 12. Écueils, selon le sens le plus ordinaire du mot grec. Vulgate, des souillures. — Dans vos (Vulg., dans leurs) agapes. Cf. II Pier. ii, 13 où la meilleure leçon paraît être ἀπάταις, tromperies.
  8. 14. Enlevé par Dieu, comme Élie (comp. Hébr. xi, 5), Hénoch demeurait l’un des personnages les plus vénérés de l’Ancien Testament, l’un de ceux par l’entremise desquels on s’attendait à voir, à entendre l’Éternel se manifester.
    Les paroles rapportées par saint Jude se lisent à peu près textuellement dans la version éthiopienne du Livre d’Hénoch, i, 9.
  9. 18. Moqueurs, le grec ἐμπαῖκται, qui appartient à la basse grécité, ne se lit qu’ici et II Pier. iii, 3. Il répond à l’hébreu letsîm. Comp. Is. iii, 4 où il est employé par les LXX pour rendre l’hébreu tha’aloulim, des enfants insolents.
  10. 19. Quelques manuscrits ajoutent le pronom ἑαυτους : ils se séparent eux-mêmes, ils font schisme.
  11. 22. Beaucoup traduisent le vers. 22 : Convainquez, ramenez à la foi par des raisonnements, ceux qui hésitent entre la fidélité à l’Église et la défection.
  12. 23. Laissant la tunique souillée c.‑à-d. même les apparences extérieures de la souillure ; ou craignez même l’habit de ceux qui sont engagés, dans la corruption.
  13. 24. La Vulgate ajoute : à l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ : ces mots manquent au grec et dans les meilleurs manuscrits latins.
  14. 25. Dieu est aussi appelé Sauveur dans les épîtres pastorales (I Tim. i, 2, 3 ; Tit. i, 3) : en lui est la raison dernière de notre salut ; il est notre Sauveur par J.‑C.