Cécilia/1/5

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Cécilia, ou Mémoires d’une héritière (1782)
Traduction par un homme de goût.
Devaux et Patris (1p. 68-86).



CHAPITRE V.

Une Assemblée.


Madame Mears, dont le caractère n’avait rien de singulier ni de remarquable, les reçut avec les formalités d’usage en pareille occasion. Madame Harrel ne tarda pas à se mettre au jeu ; et Cécile, qui refusa de suivre son exemple, fut se placer à côté de mademoiselle Leeson, qui se leva pour lui rendre la révérence qu’elle lui avait faite en l’abordant ; après quoi elle ne daigna pas seulement la regarder.

Quoique Cécile aimât beaucoup la conversation, et fût née pour la société, elle était cependant trop réservée pour se hasarder de parler à une personne qui répondait si mal à ses avances ; en conséquence, elles gardèrent toutes deux le plus profond silence, jusqu’au moment le chevalier Robert Floyer, M. Harrel et M. Arnott entrèrent ensemble dans l’appartement, et s’avancèrent tout de suite vers Cécile.

Se peut-il, miss Beverley, s’écria M. Harrel, que vous ayez refusé de faire une partie ? Je souhaiterais fort, ajouta M. Arnott, pouvoir penser que miss Beverley n’aimât pas le jeu ; puisqu’en pareil cas j’aurais du moins l’avantage d’avoir quelque chose de commun avec elle. Je ne joue que bien rarement, répondit Cécile, et par conséquent très-mal. Oh ! il faut que vous preniez quelques leçons, dit M. Harrel, je suis sûr que le chevalier Floyer se fera un honneur de vous en donner.

Le chevalier, qui s’était placé vis-à-vis d’elle pour la fixer plus à son aise, fit une légère inclination de tête.

Je serais une bien mauvaise écolière, répondit Cécile ; car, outre l’application, je manquerais encore de volonté. Oh ! cela changera, dit M. Harrel : vous n’avez encore été que trois jours avec nous ; je vous attends au bout de trois mois, et alors nous verrons la différence. Je ne le souhaite pas, s’écria M. Arnott ; j’espère au contraire qu’il n’y en aura aucune.

M. Harrel ayant été joindre d’autres personnes, et M. Arnott trouvant tous les sièges voisins de celui de Cécile occupés, fit le tour, et fut se placer derrière elle, où il resta patiemment pendant tout le reste de la soirée. Le chevalier, de son côté, conserva son poste, et, sans se donner la peine d’articuler un seul mot, ne cessa de tenir les yeux attachés sur elle.

Cécile, piquée de son impudence, tourna la vue de tous côtés pour se dérober à ses regards. Son embarras prêtant un nouvel éclat à sa beauté, ne servit qu’à redoubler une attention qui sans cela aurait pu se lasser. Elle fut presque tentée de tourner sa chaise et de se mettre vis-à-vis de M. Arnott. Cependant, quelqu’envie qu’elle eût de témoigner son mécontentement au chevalier, elle n’osa le faire ; elle ne savait pas encore qu’il fût permis de s’entretenir en particulier avec quelqu’un, dans une nombreuse assemblée.

Placée aussi désagréablement, elle trouva peu de ressources dans le voisinage de M. Arnott, le désir qu’il avait de s’entretenir avec elle étant absolument réprimé par une impulsion involontaire et inquiétante, qui le forçait à observer attentivement les regards et les mouvements du chevalier. À la fin, ennuyée de rester toujours dans cette position fâcheuse, elle prit le parti de chercher à lier conversation avec mademoiselle Leeson. La difficulté était de savoir comment s’y prendre ; elle ne connaissait aucune des liaisons, de cette demoiselle, ou de ses amies, et n’était point instruite de sa façon de penser ; le son de sa voix même lui était étranger, et son air froid la glaçait. Comme il ne lui restait pourtant que cette seule ressource, elle résolut de la tenter, aimant mieux s’exposer à ses regards peu engageants, que d’être continuellement déconcertée par ceux du chevalier.

Après une mûre délibération sur le sujet qu’elle choisirait, elle se rappela que mademoiselle Larolles avait été présente à leur première entrevue, et il lui parut assez vraisemblable qu’elles se connussent. En conséquence, se penchant en avant, elle hasarda de lui demander si elle avait vu depuis peu cette jeune demoiselle.

Mademoiselle Leeson, d’une voix qui n’annonçait ni satisfaction ni mécontentement, lui répondit, tranquillement : non, mademoiselle. Cécile, découragée par le laconisme de cette réponse, garda quelque temps le silence ; mais la constance du chevalier à la fixer, excita la sienne à tâcher d’éviter ses yeux ; elle s’évertua au point d’ajouter : madame Mears attend-elle ici ce soir mademoiselle Larolles ? Mademoiselle Leeson lui repliqua gravement, sans lever la tête : je ne sais pas, mademoiselle. Elle se trouvait après cela absolument au bout de son rôle, et ne savait plus de quoi lui parler : car elle n’imagina plus aucune autre question à pouvoir lui faire, relativement à mademoiselle Larolles.

Cécile avait peu d’expérience du monde ; mais ce qu’elle en avait appris, elle le savait bien, et ses observations l’avaient convaincue que, pour les gens du monde, les spectacles et les lieux d’assemblée étaient une source intarissable de conversation. Elle espéra donc qu’en traitant un pareil sujet, elle réussirait mieux qu’elle n’avait fait jusqu’alors ; et comme ceux qui ont passé plus de temps dans la province qu’à Londres ne trouvent rien d’aussi intéressant que le théâtre, elle saisit avec avidité cette idée, et lui demanda si l’on avait donné depuis peu quelque nouveauté. Mademoiselle Leeson lui répondit avec autant de sécheresse que la première fois : je ne saurais vous le dire.

Il se fit ici une autre pause ; le courage de Cécile se trouva considérablement rallenti ; mais venant par hasard à se rappeler le nom d’Almack, elle s’arma de courage, et se félicitant en elle-même de pouvoir lui parler d’une maison trop fréquentée de la bonne compagnie pour qu’on pût ne pas la connaître, elle lui demanda d’un ton un peu plus assuré, si elle n’était pas du nombre des abonnés. Oui, mademoiselle. Y allez-vous régulièrement ? Non, mademoiselle. Après quoi elles observèrent le plus profond silence.

Rebutée du mauvais succès de ses différentes questions particulières, elle imagina qu’une autre plus générale obtiendrait une réponse moins laconique ; elle lui demanda donc quel était pour la saison l’amusement le plus à la mode, et le spectacle le plus fréquenté.

Cette question, à laquelle il était aussi facile de répondre qu’à aucune de celles qui l’avaient précédée, eut pour toute réplique : en vérité je l’ignore.

Cécile commença à désespérer de ses tentatives, et pendant quelques minutes à y renoncer comme étant inutiles ; ensuite, réfléchissant sur la frivolité des questions qu’elle lui avait faites, elle fut plus indulgente pour ses réponses, et elle finit par se persuader qu’elle s’était trompée en prenant pour stupidité ce qui n’était que mépris, et à être moins fâchée contre mademoiselle Leeson, que confuse de sa propre erreur. Dans cette idée, elle fit encore une épreuve de ses talents pour les questions, et la pria d’excuser la liberté qu’elle osait prendre, et de vouloir permettre qu’elle lui demandât s’il paraissait quelque production littéraire de son goût, qu’elle jugeât valoir la peine d’être lue.

Alors mademoiselle Leeson leva les yeux et la regarda d’un air qui annonçait qu’elle doutait si elle avait bien entendu ; et lorsque la contenance attentive de Cécile lui prouva qu’elle ne s’était pas trompée, son insensibilité fit place pour quelques instants à la surprise ; et avec un peu plus de vivacité qu’elle n’en avait encore montré, elle repartit : en vérité, je ne me mêle point du tout de cela.

Cécile, tout-à-fait déconcertée, presque fâchée contre elle-même, et très-irritée contre sa silencieuse voisine, se promit bien que rien ne serait plus capable à l’avenir de l’engager à renouveller une pareille épreuve.

Heureusement elle fut alors délivrée de l’attention mal-honnête du chevalier, qui, satisfait de l’avoir si long-temps considérée, s’approcha de M. Harrel, le prit par le bras, et ils sortirent ensemble.

M. Gosport vint alors aborder Cécile, (c’était un homme d’esprit, un peu satyrique, bon observateur, et qui parlait avec facilité) ; il lui dit, de manière à n’être pas entendu de mademoiselle Leeson : il y a déjà quelque temps que je désirais de vous aborder ; mais la crainte que j’avais que vous ne fussiez déjà trop étourdie du babil de votre belle voisine, m’a empêché d’entrer en conversation. Vous voulez, repartit Cécile, vous moquer de ma démangeaison de parler, et vous avez raison ; car je conviens que le peu de succès de mes tentatives les rend assez ridicules. Ne savez-vous donc pas encore, ajouta-t-il, qu’il existe de certaines jeunes demoiselles qui se sont prescrit la loi de ne jamais parler qu’à leurs intimes amies ? Mademoiselle Leeson est de ce nombre ; et jusqu’à ce que vous soyez initiée dans sa coterie, vous ne sauriez espérer de lui entendre prononcer un seul mot composé de plus de deux syllabes. Les demoiselles qu’on nomme du bon ton, dont la ville est actuellement infectée, sont divisées en deux classes, qui sont celles qui affectent la gravité, et celles qui se piquent de volubilité. Les premières, du nombre desquelles est Mademoiselle Leeson, sont silencieuses, méprisantes, froides, affectées, et se font un devoir de ne converser qu’avec leurs semblables. Les autres, telles que Mademoiselle Larolles, sont étourdies, communicatives, turbulentes, et entrent sur-le-champ en conversation avec le premier venu, pour peu qu’il attire leur attention. Voici cependant ce que ces deux classes ont de commun : l’une et l’autre ne pensent, quand elles sont au logis, qu’à leur parure ; dans le monde, qu’à être admirées ; et par-tout elles ont le plus grand mépris pour tout ce qui n’est pas elles. Probablement, dit Cécile, j’ai passé ce soir pour être de la classe de celles qui se piquent de volubilité. Il est vrai que l’avantage a été tout entier du côté de celles qui affectent le sérieux ; car j’ai été absolument repoussée. Êtes-vous bien sûre, cependant, de ne vous être pas exprimée trop savamment pour elle ? Un enfant de cinq ans, qui ne se serait pas mieux exprimé, aurait mérité le fouet.

Lorsque vous parlez avec des demoiselles du bon ton, ce n’est pas leur capacité seule que vous devez consulter ; car si l’on ne faisait attention qu’à leur jugement, rien ne serait si facile que de se procurer accès auprès d’elles. Pour rendre donc leur commerce un peu plus pénible, il suffit qu’elles se laissent aller à leur humeur, qui est toujours plus variée et plus extraordinaire, à proportion que leur esprit est plus faible et moins cultivé. Je possède pourtant une recette que j’ai toujours trouvée infaillible pour s’attirer l’attention des jeunes demoiselles, quels que puissent être leurs caractères. Si cela est ainsi, s’écria Cécile, daignez, je vous prie, m’en faire part ; puisqu’il se présente ici la plus belle occasion d’en faire usage, et d’éprouver son efficacité. Je vous la donnerai, répondit-il, ainsi que les instructions pour vous en servir. Lorsque tous rencontrerez une jeune demoiselle qui paraîtra bien décidée à garder le silence, ou qui, se trouvant forcée par une question qui lui sera directement adressée, de répondre, se contentera d’articuler une briève affirmative, ou froidement une laconique négative, en pareille circonstance, le remède que j’ai à vous proposer consiste en trois sujets de discours.

Quels sont-ils, je vous prie ? La parure, les lieux publics d’assemblées, et l’amour. Ces trois sujets, ajouta-t-il, doivent satisfaire à trois fins, puisqu’il n’y a pas moins de trois causes qui puissent occasionner le silence des jeunes demoiselles ; le chagrin, l’affectation et la stupidité.

N’accordez-vous donc rien, s’écria Cécile, à la modestie ? Au contraire, répartit-il ; considérée comme servant d’excuse, et même comme une espèce d’équivalent pour le manque d’esprit, je lui accorde beaucoup : mais quant à ce silence stupide qui résiste à toutes les avances, ce n’est qu’un simple prétexte, et point une cause. Il faut cependant, si vous voulez que je profite de vos instructions, que vous preniez la peine de vous expliquer plus clairement.

Eh bien donc, répondit-il, je vais vous faire une courte énumération des trois causes, avec les instructions nécessaires pour les trois méthodes propres à les guérir. Pour commencer par le chagrin, la taciturnité qui en résulte est ordinairement suivie d’une distraction incurable, et d’une insouciance totale de toute observation : alors les lieux d’assemblées publiques peuvent être vainement fréquentés, et la parure même sans effet ; mais l’amour !

Êtes-vous donc sûr, dit Cécile en riant, que le chagrin n’ait pas d’autre ressource ? Nullement, répondit-il ; car il peut arriver que le papa ait eu de l’humeur ; que maman ait grondé ; que la marchande de modes ait envoyé un pompon pour un autre ; que celle sous les auspices de qui elle devait aller à l’assemblée, soit tombée subitement malade.

Voilà, en vérité, des sujets bien graves d’affliction ! sont-ce les seuls que vous puissiez citer. Oui, sans-doute, et que peut-il jamais arriver de plus sérieux ? Ainsi donc si le chagrin de la belle patiente procède de papa, de maman ou de la gouvernante, alors la moindre mention des lieux publics d’assemblées, ces causes éternelles de dissention entre les vieilles et les jeunes gens, attirent leurs plaintes, et les plaintes portent avec elles leur propre remède ; car ceux qui se plaignent, se consolent facilement. Si la marchande de modes a occasionné la tristesse, les détails de la parure produiront le même effet ; et dans le cas où ces deux remèdes viendraient à manquer, l’amour ainsi que je l’ai déjà dit, se trouvera être une ressource infaillible ; car alors on aura épuisé tous les sujets de chagrin dont une jeune demoiselle soit jamais susceptible.

Il faut avouer qu’elles vous ont de grandes obligations, repartit Cécile, en lui faisant une profonde inclination, de leur supposer des objets de chagrin aussi terribles ; et je vous en remercie au nom de mon sexe.

Vous, Mademoiselle, ajouta-t-il en lui rendant son salut, vous êtes sûrement une heureuse exception à la règle générale. Vous ne paraissez pas susceptible de chagrins de cette espèce. Je passe à présent au silence affecté qui se manifeste d’abord par des regards à l’aventure autour de soi pour voir si l’on est apperçue, par une attention scrupuleuse à s’abstenir du moindre sourire, et par une variété d’attitudes qui toutes expriment le mécontentement d’être si peu remarquée. La parure et les spectacles deviènent alors une ressource insuffisante : il faut parler de galanterie, d’aventures où l’amour ait eu part ; alors la statue s’anime, vous écoute peu à peu ; un sourire que l’on cherche vainement à déguiser, décompose entièrement les traits du visage, et l’affaire se trouve tout-à-coup terminée ; car la jeune demoiselle soutient un système, ou argumente contre quelque proposition, avant qu’elle s’apperçoive qu’on est parvenu à lui faire rompre son triste silence.

En voilà assez, dit Cécile, relativement au chagrin et à l’affectation. Il est temps d’en venir à la stupidité, qui est vraisemblablement la plus connue des trois causes, et que je serai le plus souvent dans le cas de rencontrer.

Celle-ci ne sera pas aussi facile à définir que les autres, repartit-il. En ce cas, on peut parler d’amour sans exciter la moindre émotion, ou sans s’attirer aucune réponse, et disserter sur la parure, sans produire d’autre effet que celui d’une surprise momentanée ; tandis qu’en parlant des lieux d’assemblées, on est parfaitement sûr de réussir. Les personnes d’un caractère froid et pesant, que l’esprit ou la raison n’ont point le pouvoir d’émouvoir, parce qu’ils sont incapables d’en sentir le prix, qui sont destitués intérieurement de toute espèce de faculté de s’amuser, ont besoin d’être aiguillonés par le brillant, le bruit et le fracas ; sans quoi l’on ne saurait ni les intéresser, ni les tirer de leur léthargie. Entretenez-les de pareils sujets, et ils vous adoreront ; il est égal que ce que vous leur raconterez soit propre à inspirer la joie ou l’horreur : pourvu que la sensation soit forte, ils seront satisfaits. Le récit d’un combat leur est aussi agréable que celui de la cérémonie d’un couronnement, et une pompe funèbre les amuse tout autant qu’un mariage.

Je vous suis très-redevable, ajouta Cécile en souriant, de vos instructions ; j’avoue que je ne saurais trop comment en faire usage dans cette conjecture. J’ai déjà parlé des lieux d’assemblées, et cet essai ne m’a pas réussi ; je n’ose pas faire mention de la parure, dont je ne possède point encore les termes techniques.

Ils furent alors interrompus par l’arrivée de Mademoiselle Larolles qui, s’approchant de Cécile, s’écria : Bon Dieu ! que je suis enchantée de vous voir ! À propos, savez-vous qu’il m’est arrivé cette soirée la chose du monde la plus fâcheuse ? J’en suis tout-à-fait malade ! Je n’ai jamais de ma vie été si en colère ? Vous ne sauriez concevoir rien de pareil.

De pareil à quoi ? s’écria Cécile en éclatant de rire ; à votre colère, ou à votre malheur ?

Je vais vous dire ce dont il s’agit, et vous jugerez vous-même si cela peut se souffrir. J’avais chargé une de mes intimes amies, miss Mossat, de m’acheter, lors de son voyage à Paris, une garniture de robe ; Eh bien ! il y a environ un mois qu’elle me l’envoya par M. Meadows. C’est certainement tout ce qu’on peut voir au monde de plus joli. Je n’ai pas voulu encore m’en servir, parce qu’il n’y avait presque personne à Londres ; je comptais donc la faire paraître au bout de huit jours, et qu’elle serait la seule et la première de son espèce. Eh bien, ce soir, à l’assemblée de milady Jeanne Dranet, le croiriez-vous ? j’ai rencontré miss Mossat : il y avait déjà quelques jours qu’elle était arrivée, et elle avait eu tant d’affaires, qu’il ne m’avait pas été possible de la trouver chez elle. J’ai été enchantée de la voir ; car vous saurez que je l’aime prodigieusement ; j’ai donc couru pour l’embrasser. Croiriez-vous bien que la première chose qui m’a frappé la vue a été une garniture précisément la même que la mienne, sur une vilaine et odieuse robe presque sale ! Peut-on rien imaginer de plus chagrinant ? J’aurais pleuré de bon cœur. Pourquoi cela ? dit Cécile. Si sa garniture est sale, la vôtre en aura plus d’éclat. Oh, ciel ! tout le monde la croira passée de mode. La moitié de la ville en aura de pareilles : et je me suis presque ruinée pour la payer. Je ne crois pas qu’il soit jamais rien arrivé d’aussi mortifiant. J’en ai été si fort affectée qu’à peine ai-je eu la force de lui parler. Si elle avait séjourné un mois ou deux de plus à Paris, cela ne m’aurait rien fait ; mais il est bien cruel qu’elle arrive précisément dans ce moment. Je voudrais qu’on eût retenu ses hardes à la douanne jusqu’à l’été prochain. Ces vœux sont bien flateurs, dit Cécile, de la part d’une intime amie.

Les parties étant finies, Cécile, aussi fatiguée du commencement de la soirée qu’amusée de la fin, accepta la main de M. Arnott, qui l’aida à monter en carrosse.