Cécilia/8/6

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Cécilia, ou Mémoires d’une héritière
Devaux et Patris (5p. 162-198).



CHAPITRE VI.

Dispute.


Le reste de la journée se passa à s’entretenir de cette aventure ; mais la lettre suivante, que Cécile reçut de madame Delvile, lui fit bientôt oublier l’intérêt qu’elle y prenait.


À Miss Beverley.

» C’est avec chagrin que je trouble la tranquillité d’une retraite si prudemment choisie ; je gémis de la nécessité où je me trouve de mettre de nouveau à l’épreuve une vertu dont l’exercice, quoique très-fréquent, est pourtant si pénible ; mais, hélas ! ma jeune et excellente amie, nous ne sommes point dans ce monde pour jouir, mais pour souffrir : il n’y a d’heureux que ceux qui ne se sont point attiré leurs malheurs par leur imprudence, ou ne les ont point mérités par leurs crimes, et qui résistent courageusement, ou les souffrent avec patience.

» J’ai été informée de la louable fermeté que vous avez montrée ; elle est telle que je l’attendais de vous, et digne de mon admiration. J’espérais vous éviter tout éclaircissement pour la suite, et pouvoir m’en remettre à votre sagesse et à votre raison pour le rétablissement de votre tranquillité ; mais Mortimer dérange toutes mes vues, et notre ouvrage n’est point encore fini. Il prétend avoir pris des engagements solemnels avec vous, et en m’alléguant son honneur, il a mis fin à mes remontrances. Il ne veut convenir qu’il soit libre qu’autant que vous le lui déclarerez vous-même de bouche ; et malgré ma répugnance à vous imposer cette tâche, je ne saurais le faire taire, ni le tranquilliser, sans vous prier de vous en charger. Voulez-vous donc nous recevoir pour cet effet ? Pourrez-vous consentir à lui confirmer verbalement cette décision irrévocable ? Je suis sûre que vous serez sensible à l’affliction du pauvre Mortimer ; j’aurais bien souhaité qu’il m’eût été possible de vous l’épargner ; cependant, je compte si fort sur votre prudence, que le voyant absolument décidé à vous parler, je ne saurais m’empêcher d’espérer qu’étant lui-même témoin de la noblesse de vos sentiments, cette entrevue ne soit très-propre à le calmer.

» Vous voudrez bien réfléchir à ma proposition ; et si vous croyez, à ces conditions, être en état de recevoir mon fils, nous nous rendrons ensemble chez vous, où, et à l’heure qu’il vous plaira de nous indiquer ; mais si cet effort vous paraissait au-dessus de vos forces, ne craignez point de refuser notre visite. Dès que Mortimer connaîtra vos volontés, il ne manquera pas de s’y soumettre.

» Adieu, trop charmante et trop aimable Cécile. Quelle que soit votre décision, je m’y conformerai ; vous avez justement mérité, et vous conserverez éternellement l’estime, l’affection et la reconnaissance de

Augusta Delvile


Hélas ! s’écria Cécile, quand cesserai-je d’être tourmentée par de nouveaux combats ? Pourquoi faut-il que je refuse si souvent avec tant de dureté le seul homme que j’accepterais, et auquel j’aurais le plus d’envie de plaire !

Quel que fût cependant le chagrin qu’elle ressentait de cette nécessité, elle n’hésita pas un moment à se rendre à la prière de madame Delvile, et lui répondit sur le champ qu’elle serait le lendemain matin chez madame Charlton, où elle la recevrait. Elle retourna ensuite au sallon, fit ses excuses à madame Harrel et à monsieur Arnott de s’être si peu arrêtée chez eux, et d’être obligée de les quitter sitôt. Monsieur Arnott consterné, l’écouta en silence, et madame Harrel fit tout ce qu’elle put pour l’engager à rester, sa présence adoucissant un peu sa solitude ; mais voyant que ses sollicitations ne la persuadaient pas, elle la pria sérieusement de hâter le moment où elle irait habiter sa maison, afin d’abréger le temps de leur séparation ; et qu’elles pussent se rejoindre plutôt.

Cécile passa la nuit à penser à la manière dont elle se conduirait le lendemain ; elle vit tout ce que madame Delvile attendait d’elle ; puisqu’elle l’avait exhortée à refuser leur visite pour peu qu’elle se méfiât de ses forces. La constance de Delvile à exiger que le refus vînt directement de sa part, la surprit, lui plut, et l’affligea tour-à-tour ; elle avait imaginé qu’il se serait soumis sans réserve à la décision d’une mère aussi respectée que chérie, et elle avait peine à concevoir qu’il eût eu le courage de lui résister. Ce courage ne l’étonnait cependant pas plus qu’il ne la flattait ; car, connaissant toute l’étendue de sa piété filiale, il lui paraissait la preuve la plus indubitable qu’elle eût encore reçue de la sincérité et de la constance de son attachement. Mais après qu’elle aurait ratifié la décision de sa mère, ses combats intérieurs cesseraient-ils ? renoncerait-il pour toujours à ses prétentions ? C’était-là ce qui causait son incertitude, et le principal objet de ses réflexions. Quelle que fût néanmoins sa conduite, elle était bien décidée à ne point se laisser ébranler, et à persister dans sa résolution ; c’était à cela seul que se bornait toute son ambition ; mais elle craignait d’être témoin de la douleur de Delvile, et elle redoutait encore plus la faiblesse de son propre cœur.

Le lendemain matin, elle vit à regret que monsieur Arnott l’attendait au bas de l’escalier, et qu’il était si affecté de son départ, qu’il la conduisit à sa voiture sans avoir la force de lui dire un mot. Elle arriva de très-bonne heure chez madame Charlton, et retrouva sa vieille amie à peu près dans le même état où elle l’avait laissée. Elle lui apprit la raison pour laquelle elle avait avancé son retour, et la pria d’empêcher que ses petites filles la quittassent, afin que la conférence qui devait avoir lieu ne fût ni entendue ni interrompue. Elle descendit alors dans le sallon, pour recevoir la visite qu’elle attendait. Elle n’eut lieu qu’à onze heures ; et le temps qui s’écoula jusqu’à ce moment, fut employé aux réflexions les plus sombres et les plus accablantes.

Cécile, malgré tous ses efforts, avait eu peine à se tenir debout pour les recevoir. Ils entrèrent ensemble ; mais madame Delvile devançant son fils, et se plaçant de manière à empêcher qu’il ne la vît, dans l’espoir qu’il ne faudrait que quelques moments à Cécile pour que son émotion fût moins apparente, elle dit du ton le plus doux : miss Beverley nous fait autant de plaisir que d’honneur en consentant à recevoir notre visite. J’aurais été mortifiée de quitter la province, sans avoir eu la satisfaction de la revoir ; et mon fils, convaincu du respect et des égards qu’il lui doit, n’aurait pas voulu partir sans lui rendre son hommage. Cécile fit une révérence ; mais, mortifiée de la cruelle tâche dont il lui restait à s’acquitter, elle n’eut pas la force de parler ; et madame Delvile s’appercevant qu’elle tremblait, la pria de s’asseoir, et se plaça à côté d’elle. Delvile, encore plus ému, parce qu’il ne cherchait point à cacher son agitation, attendit impatiemment la fin des compliments d’usage ; après quoi, s’approchant de Cécile, il lui dit d’une voix émue et d’un air de dépit : j’espère, au moins, que vous ne refuserez pas de m’écouter en présence de ma mère, quoique mes lettres n’ayent point obtenu de réponse, que mes visites ayent été refusées, que vous m’ayez cruellement et inexorablement évité…

Mortimer, dit madame Delvile en l’interrompant, n’oubliez pas que ce que je vous ai annoncé est irrévocable ; vous ne voyez dans ce moment miss Beverley que pour lui donner et pour en recevoir l’assurance que vous renoncez mutuellement à tous les nœuds, à tous les engagements qui vous liaient l’un à l’autre. Pardonnez, madame, s’écria-t-il ; c’est une condition à laquelle je ne me suis jamais soumis. Je ne viens point ici pour m’en séparer, mais pour la réclamer. Je suis à elle, et j’y suis tout entier. Je le proteste à la face de l’univers. Il n’est actuellement plus temps d’exiger un pareil sacrifice ; car vous n’êtes pas plus ma mère qu’elle n’est mon épouse. Cécile, surprise de la hardiesse de sa déclaration, resta stupéfaite, tandis que madame Delvile, d’un air calme, quoique mécontente, lui répondit : ce n’est point à présent de cela qu’il est question ; j’avais espéré que vous auriez mieux connu ce que vous nous devez à l’une et à l’autre. Je n’ai consenti à cette entrevue, que pour vous procurer l’occasion de donner cette marque de respect à miss Berverley, qui se trouve obligée par les convenances de rompre les liaisons qui subsistaient entre vous. Cécile, hors d’elle-même, rassembla toutes ses forces pour dire : j’ai déjà renoncé, autant que cela dépend de moi, à tous les engagements qui subsistaient entre nous, et je suis actuellement prête à déclarer… Que vous m’abandonnez absolument ? interrompit Delvile ; c’est là sans doute ce que vous vouliez dire ?… En quoi vous ai-je offensée ? Comment ai-je mérité une pareille réprobation ?… Répondez, parlez-moi, Cécile, que vous ai-je fait ? Rien, monsieur, lui répartit Cécile, confondue d’un pareil langage en présence de sa mère, vous ne m’avez rien fait… et pourtant… — Et pourtant ?… Auriez-vous conçu de l’aversion pour moi ? Une affreuse antipathie aurait-elle fait place à votre estime ? Avouez-le de bonne foi, vous me haïssez ? Cécile soupira, détourna la tête, et madame Delvile indignée s’écria : quelle folie et quelle absurdité ! J’ai peine à vous reconnaître à cet emportement. Pourquoi interrompez-vous miss Beverley, et l’empêchez-vous de finir le seul discours que vous deviez écouter de sa part ? Pourquoi la tourmenter et l’irriter par des expressions auxquelles la passion a plus de part que la raison ? Continuez, charmante fille, finissez ce que vous avez si sagement, si judicieusement commencé, et par-là, vous serez délivrée de cette persécution.

Non, madame, il ne faut point qu’elle continue ! s’écria Delvile. Si elle daigne encore avoir quelque bonté pour moi, je ne souffrirai point qu’elle pousse plus loin… Pardonnez ; pardonnez, Cécile : votre trop de délicatesse détruit non-seulement ma félicité, mais la vôtre même. Je vous conjure encore une fois de m’écouter ; et après cela, si de votre propre mouvement, et sans y être forcée, vous renoncez à moi, je ne vous tourmenterai plus, je cesserai de m’opposer à vos volontés. Cécile honteuse se tut, et il continua : tout ce qui s’est passé entre nous, les promesses que je vous ai faites de fidélité, de constance et d’amour, le consentement que vous m’avez donné, et l’assurance que vous seriez à moi, le contrat qui a été dressé relativement à la disposition de vos biens, et l’honneur que vous m’avez fait en consentant que je vous conduise à l’autel… toutes ces circonstances sont déjà connues de tant de gens, que la moindre réflexion doit vous convaincre qu’elles ne seront bientôt plus ignorées de personne. Dites-moi donc si votre propre réputation ne parle pas en ma faveur, et si les scrupules qui vous portent à me refuser, ne devraient pas au contraire vous engager, que dis-je, vous obliger à accepter ma main… Vous hésitez, du moins… Ô miss Beverley ! je vois dans cette incertitude… Rien, rien ! s’écria-t-elle vivement ; il n’y a rien à voir pour vous, si ce n’est que, quelque puisse être le parti que j’embrasse, je ne saurais qu’être malheureuse.

Mortimer, dit madame Delvile, saisie de frayeur en voyant ce qui se passait intérieurement chez Cécile, vous avez parlé à miss Beverley ; il est nécessaire qu’après vous avoir écouté, je lui demande à mon tour la même condescendance. Laissez-la parler premièrement, repartit Delvile qui commençait à fonder de nouvelles espérances sur l’incertitude qu’il avait remarquée en elle ; laissez-la d’abord répondre aux questions qu’elle a bien voulu ne pas interrompre. Non, non : qu’elle m’entende, reprit madame Delvile ; ce n’est que d’après ce qu’il me reste à lui dire, qu’elle pourra juger de la réponse qu’il lui convient de faire. Et se tournant gravement du côté de Cécile, elle continua : vous voyez devant vous, miss Beverley, un jeune homme qui vous adore, et auquel l’excès de son amour fait oublier ses parents, sa famille et ses amis, les sentiments qu’on lui a inspirés dès sa naissance, l’honneur de sa maison ; ses premières vues, et ses devoirs… Une passion fondée sur l’oubli de tous les principes, est assurément indigne de vous ; ce mariage, par lequel il renoncerait au nom de ses aïeux, ne serait pas plus honteux pour lui qu’il serait révoltant pour votre délicatesse ; et je suis persuadée qu’à de pareilles conditions vous vous feriez scrupule d’y consentir.

Juste ciel, madame ! s’écria Delvile, quel discours ! Oh, puissé-je, reprit Cécile, n’en plus entendre de cette nature ! En vérité, madame, il est inutile de continuer à m’éprouver : rien au monde, après ce que vous venez de me dire, ne pourrait me résoudre à entrer dans votre famille. Enfin donc, madame, dit Delvile en se tournant d’un air piqué du côté de sa mère, vous êtes satisfaite, votre but est rempli ; et le poignard que vous avez plongé dans mon sein a-t-il pénétré assez avant pour vous appaiser ? Oh, que ne puis-je l’en retirer ! s’écria madame Delvile ; avec quel plaisir je consentirais à le voir enfoncé dans le mien, si cela pouvait guérir la blessure que je me vois forcée de vous faire ! Si cette charmante personne était sans fortune, je n’hésiterais pas un instant à vous donner mon consentement ; ses vertus l’emporteraient sur toutes les vues d’intérêt ; je ne m’affligerais point de votre indigence ; je ne m’occuperais que de votre félicité : mais céder dans cette conjoncture, ce serait renoncer à toutes les espérances que j’avais jusqu’à présent fondées sur mon fils.

Finissons donc, madame, cette conversation, dit Cécile ; j’ai parlé, j’ai écouté, vous avez prononcé ; ainsi… Vous êtes un ange ! s’écria madame Delvile, se levant et l’embrassant ; comment pourrais-je jamais reprocher à mon fils ce qui s’est passé, quand je considère l’objet en faveur duquel il faisait un si grand sacrifice ? Quant à vous, vous ne sauriez être malheureuse ; le témoignage de votre conscience ne saurait manquer de vous dédommager du sacrifice que vous faites… Mais puisque vous le trouvez convenable, nous allons nous séparer : j’aurais tort de différer encore. Non, non, nous ne nous séparerons pas ! s’écria Delvile avec une nouvelle chaleur. Si vous m’arrachez d’auprès d’elle, madame, vous me réduirez au désespoir ? Y a-t-il quelque chose au monde qui puisse me consoler de cette privation ? La vanité pourrait-elle offrir au plus orgueilleux des hommes le moindre équivalent ? Vous convenez de ses perfections ; la noblesse de ses procédés rend sa conduite semblable à la vôtre ; elle m’a généreusement donné son cœur… Ô dépôt enchanteur et sacré ! Après un présent si précieux, consentirais-je à une éternelle séparation ? Revenez sur vous même, ma Cécile ; vivons pour nous, et suivons les mouvements de notre conscience ; méprisons les vains préjugés du monde, et laissons-les à ceux auxquels ils tiènent lieu de tout.

Ne finirons-nous donc jamais, dit madame Delvile, ces vaines contestations ? Ô Mortimer ! il est temps de les terminer, renoncez-y, et rendez-moi heureuse ! Elle est équitable, et vous pardonnera : elle est généreuse, et vous estimera. Fuyez donc : dans cet instant critique, il n’y a que la fuite qui puisse vous sauver ; alors votre père retrouvera un fils, l’unique objet de ses espérances, et les bénédictions d’une mère qui vous chérit, adouciront vos afflictions, et dissiperont vos regrets. Ô madame ! s’écria Delvile, par pitié, par humanité, épargnez-moi ces remontrances cruelles. Si elles ne sont pas suffisantes, j’y ajouterai des ordres, et comme jusqu’à présent vous ne les avez jamais enfreints, cette première transgression serait suivie pour vous des plus affreux remords. Écoutez-moi, Mortimer ; je vous parle prophétiquement. Je connais votre cœur, je sais qu’il est toujours prêt à céder aux loix de l’équité et du devoir ; s’il venait à y manquer, il ne pourrait échapper au repentir vengeur.

Delvile, frappé de ces dernières paroles, détourna tout-à-coup les yeux de l’une et de l’autre, et alla dans le plus grand abattement se promener à l’autre extrémité de l’appartement. Madame Delvile sentit que l’instant était venu où elle reprenait tout son ascendant, et ne voulant pas lui donner le temps de s’y soustraire, elle prit la main de Cécile, et d’un air qui annonçait l’espoir qui venait de renaître dans son cœur : voyez, lui dit-elle, en lui montrant son fils, voyez si je me suis trompée ! Il est incapable de supporter la simple idée des remords dont il serait tourmenté par la suite. S’il venait à les éprouver réellement, comment pourrait-il les soutenir ? Non, il en serait accablé. Et vous, dont l’ame est si pure, et qui êtes si fidèle à vos principes, quel espoir de bonheur vous resterait-il avec un homme, qui n’ayant jamais commis de faute jusqu’au moment où il vous a connue, ne pourrait plus vous envisager sans le plus vif regret, quelle que fût d’ailleurs sa tendresse.

Ô madame ! s’écria Cécile, extrêmement alarmée, qu’il ne me voye donc plus !… Gardez-le, gardez-le pour vous seule ! pardonnez-lui ; consolez-le ! Je ne veux point qu’on puisse m’accuser de lui occasionner des remords, ni m’attirer les reproches d’une mère qu’il chérit si tendrement ! Ensuite, s’adressant d’un air triomphant à son fils : voyez, ajouta-t-elle, avec quelle grandeur d’ame une femme se conduit, lorsqu’elle est animée par le courage et la connaissance éclairée de ses devoirs. Suivez à votre tour l’exemple qu’elle aurait dû recevoir de vous, et méritez mon estime et mon amitié, ou renoncez-y pour toujours.

Ne saurais-je les mériter, dit Delvile du ton le plus douloureux, que par un sacrifice auquel mon bonheur et ma raison s’opposent également ? L’honneur que j’offense est un honneur imaginaire, qui n’a rien de réel. Quels sont les maux dont notre mariage est menacé ? ne sont-ils pas chimériques ? Dans le commerce ordinaire de la vie, on peut quelquefois céder aux préjugés reçus : mais dans les affaires importantes, c’est une faiblesse de se laisser gouverner par des scrupules aussi frivoles ; et il y a de la lâcheté à se conduire d’après des usages que nous condamnons. La religion et les loix de notre patrie doivent dans ce cas être seules consultées ; et toutes les fois qu’elles ne sont ni blessées, ni enfreintes, nous devons nous mettre au-dessus de toute autre considération.

Illusions, chimères ! répartit madame Delvile, et combien vous flattez-vous que cette félicité indépendante durerait ? Comment pourriez-vous vivre tranquille, au mépris de la censure publique, du mécontentement de vos parents, et de la malédiction paternelle ? La malédiction paternelle ! répéta-t-il en frémissant : oh non jamais mon père ne serait assez barbare ! Il le serait, n’en doutez pas, repartit-elle avec fermeté ; je connais sa manière de penser ; et si vous êtes si affecté de l’idée qu’il pourrait vous méconnaître pour son fils, pensez à tout ce que vous éprouveriez lorsque nous vous aurions interdit l’un et l’autre notre présence ; et représentez-vous quels seraient vos regrets d’avoir enveloppé miss Beverley dans votre disgrâce ! Épargnez-moi ces menaces, s’écria-t-il consterné ; lui faire partager ma disgrâce… être méconnu par vous… Je vous conjure de ne plus me présenter des objets aussi effrayants ! Ils seraient cependant inévitables, continua-t-elle ; encore ne vous ai-je pas tout dit : pensez aux reproches amers que vous vous feriez, lorsque votre nom sera devenu étranger à vos oreilles, et que vous vous entendrez appeler de celui que vous aurez si lâchement adopté ! Arrêtez, arrêtez, madame, interrompit-il, en voilà beaucoup plus que je ne puis en soutenir. Juste ciel ! continua-t-elle sans l’écouter : y a-t-il rien au monde qui puisse dédommager d’une pareille ignominie ! Pensez-y bien tandis qu’il est encore temps. Songez au sang qui coule dans vos veines, et combien vous seriez confus, lorsque vous recevriez les compliments qu’on vous ferait sur votre mariage, et que vous vous entendriez nommer monsieur Beverley.

Delvile, cruellement blessé, mais sans faire le moindre effort pour lui répondre, se contenta de continuer à se promener dans la chambre avec beaucoup d’émotion. Cécile aurait voulu se retirer ; mais elle craignit de l’irriter au point de lui faire commettre quelqu’extravagance ; et madame Delvile ajouta : quant à Cécile, je ne cesserais point de la voir ; car je plaindrais votre femme… Mais jamais je ne voudrais voir mon fils dégradé, et devenu l’objet du mépris. Non, cela n’arrivera jamais, s’écria-t-elle dans un accès de rage ; cessez, cessez de me désespérer !… Soyez satisfaite, madame, vous m’avez vaincu. Et vous êtes véritablement mon fils, dit-elle en l’embrassant avec transport ; je reconnais à présent mon cher Mortimer ; je revois en lui tout ce que ses premières années me promettaient.

Cécile croyant que tout était fini, voulut aussi les féliciter de leur réconciliation ; mais ayant seulement articulé, permettez… la voix lui manqua : elle s’arrêta tout-à-coup ; et se flattant qu’on ne l’aurait pas entendue, elle chercha à s’échapper. Mais Delvile, pénétré et charmé de sa sensibilité, se dégagea des bras de sa mère, et saisissant une de ses mains, s’écria : ô miss Beverley, si vous n’êtes pas heureuse… Je le suis, je le suis, repartit-elle avec promptitude, laissez-moi passer… et ne pensez plus à moi. Cette voix… ce regard… s’écria-t-il en continuant à la retenir, n’annoncent point la sérénité dont vous vous vantez… Oh ! si j’ai troublé votre repos… si ce cœur pur comme les intelligences célestes, et qui mérite autant qu’elles d’être exempt de douleur, cessait à cause de moi de jouir de la tranquillité !… Je reconnais toute l’élévation de votre âme ; et si cet affreux sacrifice n’accablait que moi ; si je croyais que vous pussiez recouvrer votre première félicité… je m’efforcerais de le soutenir. Vous pouvez en être assûré, lui répondit-elle avec sa dignité ordinaire ; je ne dois pas espérer d’être exempte de toutes les calamités attachées à l’humanité ; mais je saurai les supporter patiemment, et sans m’en plaindre. Que le ciel vous comble de ses bénédictions, reprit-il. Et laissant sa main il s’empressa de sortir. Ô devoir ! que ton triomphe est glorieux ! s’écria madame Delvile en courant à Cécile et la serrant entre ses bras. Fille généreuse et incomparable ! je n’aurais jamais cru que tant de vertu fût compatible avec la faiblesse humaine.

L’héroïsme de Cécile, en perdant son objet, perdit aussi sa force ; elle soupira, ne put parler, ses yeux se remplirent de larmes ; et baisant la main de madame Delvile d’un air qui lui prouva qu’il était impossible de s’entretenir plus long-temps avec elle, elle se hâta de se retirer, quoiqu’elle eût à peine la force de se soutenir, dans l’intention d’aller se renfermer dans son appartement ; et madame Delvile qui s’apperçut qu’elle était épuisée par les efforts qu’elle avait été obligée de faire, ne s’opposa point à sa retraite, et évita prudemment d’augmenter son trouble en la suivant.

En entrant dans le corridor, Cécile fut saisie d’effroi à la vue de Delvile, qui, ne se croyant pas en état de paraître, par l’extrême agitation dans laquelle il se trouvait, s’y était arrêté pour tâcher de se remettre un peu avant de quitter la maison. Au premier bruit que fit la porte en s’ouvrant, il voulut chercher à se cacher ; mais appercevant Cécile, et voyant sa situation, il retourna promptement sur ses pas, en disant : est-il possible !… Serait-ce moi que vous chercheriez ? Elle fit signe de la tête et de la main que non, et voulut s’en aller. Vous pleurez ! s’écria-t-il. Ô miss Beverley, est-ce là votre bonheur ? Je suis très-bien, continua-t-elle, sachant à peine ce qu’elle lui disait ; je suis tout-à-fait bien… Je vous prie, allez… je suis… La voix lui manqua. Ô quels sons inarticulés ! dit-il, ils me percent l’âme ! Madame Delvile s’avança alors à la porte de la salle, et fut frappée de la situation dans laquelle elle les trouva. Cécile continua à s’éloigner, et étant parvenue au pied de l’escalier, elle chancela, et fut obligée de s’appuyer à la balustrade. Permettez que je vous donne le bras, s’écria-t-il ; vous êtes hors d’état de vous soutenir… Où voulez-vous aller ? Cela est égal… Je l’ignore, répondit-elle, pourvu que vous me laissiez, je serai bien. En s’éloignant de lui, elle retourna du côté de la salle, s’appercevant à sa faiblesse, et au tremblement général de tous ses membres, qu’il lui serait impossible de parvenir jusqu’à son appartement. Donnez-moi la main, ma chère, lui dit Mme Delvile, cruellement alarmée de son retour ; et au moment où ils rentrèrent tous dans la salle, elle dit d’un air impatienté, à son fils : Mortimer, pourquoi n’êtes-vous pas parti ? Il ne l’entendit pas ; toute son attention était pour Cécile, qui, se laissant tomber sur une chaise, cacha son visage en l’appuyant contre madame Delvile ; mais bientôt s’étant un peu remise, et rougissant de la faiblesse qu’elle avait fait paraître, elle leva la tête et dit avec une fermeté affectée… Je me trouve mieux… beaucoup mieux… J’étais un peu indisposée… Voilà qui est passé ; et à présent, si vous daignez le permettre, j’irai dans ma chambre. Elle se leva ; mais ses genoux tremblaient ; la tête lui tourna ; et s’étant rassise, elle s’efforça de sourire, et dit : je ferai peut-être mieux de me tenir tranquille.

Est il possible que je supporte une pareille épreuve ! s’écria Delvile. Non, j’y succombe… Trop charmante, trop adorable Cécile ! pardonnez la déclaration trop précipitée que je viens de faire. Je la désavoue, et je la rétracte ; un faux orgueil, une fierté déplacée ne m’en arracheront jamais une pareille ! Daignez lever les yeux, imprudent jeune homme, dit madame Delvile en l’interrompant avec hauteur et colère ; si vous ne pouvez être raisonnable, soyez du moins assez prudent pour vous taire. Venez, miss Beverley, et laissons-le.

La honte et ses propres réflexions rendirent alors un peu de forces à Cécile, qui vit avec effroi dans les regards de madame Delvile les différents mouvements dont elle était agitée ; elle voulut sortir, mais son fils s’y opposa en se plaçant entr’elles et la porte : Arrêtez, madame, arrêtez ! Je ne saurais vous laisser aller : je vois votre intention, je vois votre projet ; vous voulez piquer la fierté de miss Beverley, vous voulez en extorquer la promesse de ne plus me voir. Gardez-vous de vous opposer à ma sortie, repartit madame Delvile, dont la voix, l’air et le ton annonçaient l’agitation la plus violente. Je ne vous ai que trop long-temps parlé en vain : il faut à présent que je prène des mesures plus efficaces pour assurer l’honneur de ma famille.

Ce moment parut décisif à Delvile ; et son désespoir ayant vaincu sa timidité, rien ne fut plus capable de le retenir : il s’avança hardiment, et arrachant la main de Cécile d’entre celles de sa mère, il s’écria : je ne puis ni ne veux l’abandonner… ni à présent, madame, ni jamais ! Je le déclare solemnellement, j’en jure par mes espérances les plus flatteuses, j’en jure par tout ce qu’il y a de plus sacré.

À la vue d’un dénouement aussi imprévu et aussi décisif, l’horreur et la douleur du désespoir s’emparèrent de madame Delvile qui, se frappant le front de sa main, s’écria, j’ai la tête en feu ! et sortit brusquement de la salle. Cécile se dégagea pour lors des mains de Delvile qui, étourdi de cette exclamation, et confondu de la retraite soudaine de sa mère, se hâta de la suivre. Elle n’avait fait que passer dans la salle voisine ; il y entra, et frémit de la trouver étendue sur le plancher, le visage, les mains et la gorge couverts de sang.

Grand dieu, s’écria-t-il en se précipitant à ses côtés ; qu’avez-vous fait ?… Êtes-vous blessée ?… Quelle affreuse malédiction avez-vous prononcée contre votre fils ? Ne pouvant parler, elle secoua la tête avec colère et indignation, et fit un signe de la main pour lui commander de s’éloigner. Cécile, qui l’avait suivie, quoiqu’extrêmement troublée, eut cependant encore assez de présence d’esprit pour appeler du secours. Un domestique vint sur-le-champ ; et Delvile se levant d’auprès de sa mère, ordonna qu’on allât chercher le premier médecin ou le premier chirurgien qu’on pourrait trouver.

L’alarme s’étant répandue dans la maison, le reste des domestiques ne tarda pas à paraître ; l’on releva madame Delvile, qu’on plaça sur un fauteuil. Elle continuait à garder le silence, et témoignait sa répugnance à recevoir le moindre secours de son fils, qui, s’en étant apperçu, la remit entre les mains des gens de la maison, et plongé lui-même dans le plus affreux désespoir, la regardait en silence. Cécile n’osait l’approcher, incertaine de ce qui était arrivé ; elle se regardait néanmoins comme la principale cause de cette scène affreuse, et redoutait d’augmenter encore son émotion par sa présence.

Le domestique revint au bout de quelques minutes avec un chirurgien. Cécile, hors d’état d’attendre et d’écouter ce qu’il disait, se déroba promptement de la salle ; et Delvile, encore plus agité, s’empressa de la suivre dans la chambre voisine, où s’étant avancé précipitamment pour lui parler, il se détourna tout-à-coup d’elle, et repassa dans la salle, la parcourut à pas redoublés, sans avoir le courage de faire la moindre question. Enfin le chirurgien sortit. Delvile vola après lui, et l’arrêta sans pouvoir lui parler ; sa contenance cependant rendit toute explication inutile ; le chirurgien le comprit, et lui dit : madame sera bientôt rétablie ; un des vaisseaux s’est rompu, et je ne crois pas que cela ait aucune suite fâcheuse. Il faut qu’elle soit tranquille, et empêcher absolument qu’elle parle, ou fasse le moindre mouvement.

Delvile le laissa aller, et s’en fut à l’écart remercier le ciel de ce que cet accident, quoique considérable, l’était pourtant moins qu’il ne l’avait d’abord craint. Après quoi il alla retrouver Cécile, en s’écriant vivement : dieu soit loué ! ma mère ne m’a pas maudit. Eh bien donc, repartit Cécile ; allez, et faites en sorte qu’elle vous bénisse encore ; la violence de son agitation l’a presque mise au tombeau ; son tempérament est trop faible pour soutenir le choc de tant de passions opposées : allez la trouver, calmez le trouble de ses esprits, en acquiesçant entièrement à sa volonté, et rendez-lui le fils qu’elle croit avoir perdu. Hélas ! repartit-il du ton le plus touché, je viens de m’y préparer, et je n’attendais plus que vos ordres pour achever de me décider. Allons tous deux la trouver, dit Cécile ; le moindre délai pourrait lui être funeste. Elle entra la première, et s’approcha de madame Delvile qui, languissante et faible, était dans le fauteuil, la tête appuyée contre l’épaule d’une domestique dont elle prit la place, en lui disant : penchez-vous, ma chère dame, sur moi ; ne parlez pas, mais écoutez-nous.

Delvile s’avança alors ; mais à sa vue, les yeux de sa mère reprenant leur air courroucé, lui lancèrent un regard qui exprimait un si grand mécontentement, que tremblant d’exciter de nouveau des mouvements qui lui avaient déjà été si funestes, il mit un genou en terre, et s’écria tout-à-coup : regardez-moi avec moins de colère ; je ne viens que pour me résigner à vos volontés. J’en fais de même, ajouta Cécile ; nous les connaissons, et il est inutile que vous nous les répétiez ; nous promettons ici solemnellement de nous séparer pour toujours. Vivez donc, ma mère, dit Delvile ; comptez sur la parole d’honneur que nous vous donnons, et ne vous occupez plus que de votre santé ; votre fils ne vous offensera plus.

Madame Delvile, étonnée et affectée, lui présenta la main d’un air de compassion et de gratitude ; et laissant tomber sa tête sur le sein de Cécile, qu’elle pressa de son autre bras, elle versa un torrent de larmes. Allez, allez, monsieur, s’écria Cécile alarmée, vous avez dit tout ce qu’il fallait ; laissez à présent madame. Il obéit sans hésiter, et sa mère, dont la bouche continuait à se remplir de sang, quoiqu’il ne coulât plus avec la même violence, voulut bien, à la prière de Cécile, qu’on la conduisît dans l’appartement de miss ; et comme il aurait été dangereux de la transporter ailleurs, elle consentit aussi, quoiqu’à regret, à l’occuper jusqu’au lendemain.

Cette affaire arrangée, Cécile la quitta pour aller faire part à madame Charlton de ce qui venait de se passer ; mais un des domestiques vint lui dire que M. Delvile était dans la chambre voisine, et souhaitait lui parler. Elle hésita un moment, ne sachant si elle devait consentir à ce qu’il exigeait ; mais réfléchissant qu’il convenait de l’informer que sa mère passerait la nuit chez madame Charlton, elle fut le trouver. Que vous êtes indulgente ! s’écria-t-il d’une voix triste et dolente au moment où elle ouvrit la porte ; je vais courir en poste chez le docteur Lyster, que je prierai de se rendre ici sur-le-champ. Comme je craindrais de causer une nouvelle émotion à ma mère, j’ose m’en remettre à vous du soin de lui apprendre ce que je suis devenu. Vous pouvez y compter ; je l’ai suppliée de passer ici la nuit, et j’espère avoir assez de crédit sur elle pour l’engager à y rester jusqu’à l’arrivée du docteur, après quoi, elle suivra sans doute ses conseils, soit en demeurant plus long-temps avec moi, ou en se faisant transporter ailleurs.

Vous êtes en vérité trop bonne, dit-il en poussant un profond soupir ; et comment pourrais-je soutenir ?… Mais je ne compte point revenir ici, du moins dans cette maison… à moins pourtant que les rapports du docteur Lyster ne fussent alarmants. J’abandonne donc ma mère à vos soins et à vos bontés : tout ce que j’espère, tout ce dont je vous supplie, c’est que votre propre santé… votre paix, votre tranquillité… par les veilles que vous lui donnerez… par votre pitié pour son fils… Il s’arrêta, et parut chercher à reprendre haleine. Cécile détourna la tête pour cacher son émotion, et il continua avec une précipitation qui prouvait combien il craignait de rester plus long-temps avec elle, et la peine qu’il avait à la quitter. La promesse que vous avez faite à ma mère, au nom de nous deux, me lie ; je l’observerai religieusement. Je ne vois que trop que de nouvelles contradictions lui feraient perdre la raison ou la vie. Il n’est donc plus temps de m’occuper de moi… Je ne vous dis point adieu… Je ne le pourrais ! Je voudrais pourtant bien vous assurer du profond respect ;… mais il vaut encore mieux me taire. Beaucoup mieux, s’écria Cécile avec un sourire faible et forcé. Ne perdez donc pas un instant, et hâtez-vous de vous rendre chez le docteur Lyster. Je vais partir, répondit-il en s’avançant vers la porte ; quand il y fut, il s’arrêta, et se retournant, il ajouta : je voudrais encore dire une seule chose… J’avoue que j’ai été emporté, violent, déraisonnable : j’ai blâmé la noblesse même de cette conduite, qui excitait mon admiration, mon estime, mon attachement pour vous ; je ne saurais oublier la douceur avec laquelle vous m’avez supporté, dans le temps où je vous offensais le plus grièvement, par mon impatience et mes emportements ; j’en ai les plus vifs regrets ; je vous en demande bien sincèrement pardon ; et si, avant mon départ, vous daignez me l’accorder, il me semble que je vous quitterai avec moins de douleur. Ne parlez point de pardon, repartit Cécile ; vous ne m’avez jamais offensée. J’ai toujours connu… toujours été sûre… Elle ne put en dire davantage.

Pénétré d’un embarras et d’une anxiété qui n’étaient que trop visibles, il eut peine à s’empêcher de tomber à ses pieds ; mais après un moment de silence et de réflexion, il lui dit : je conçois tout le prix de l’indulgence généreuse que vous m’avez témoignée ; j’en conserverai toute ma vie la plus sincère reconnaissance, et je me repentirai toujours d’en avoir abusé ; je ne vous demande point de vous ressouvenir de moi… Je vous souhaite trop de bonheur, et des idées plus agréables que celles que pourrait vous procurer un pareil souvenir ; je ne veux pas vous faire souffrir plus long-temps. Vous direz à ma mère… non, cela est inutile… Le ciel vous préserve, mon angélique Cécile !… miss Beverley !… Le ciel vous guide, vous protège et vous bénisse ! Et si je ne vous revoyais plus, si ce triste moment était le dernier… Puissé-je du moins apprendre bientôt que vous avez recouvré votre première tranquillité ! C’est la seule chose qui puisse modérer ma douleur, et apporter quelque soulagement aux maux que je souffre. Après quoi il se retira brusquement. Cécile resta quelque temps dans la même position où il l’avait laissée, sans mouvement et presque insensible.