Code d'instruction criminelle 1808/Livre II, Titre III, Chapitre II

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France
Livre II, Titre III, Chapitre II : Des Demandes en cassation.
(p. 91-99).

Chapitre II.
Des Demandes en cassation.

416. Le recours en cassation contre les arrêts préparatoires et d’instruction, ou les jugements en dernier ressort de cette qualité, ne sera ouvert qu’après l’arrêt ou jugement définitif; l’exécution volontaire de tels arrêts ou jugements préparatoires ne pourra, en aucun cas, être opposée comme fin de non-recevoir.

La présente disposition ne s’applique point aux arrêts ou jugements rendus sur la compétence.

417. La déclaration de recours sera faite au greffier par la partie condamnée, et signée d’elle et du greffier; et si le déclarant ne peut ou ne veut signer, le greffier en fera mention.

Cette déclaration pourra être faite, dans la même forme, par l’avoué de la partie condamnée ou par un fondé de pouvoir spécial; dans ce dernier cas, le pouvoir demeurera annexé à la déclaration.

Elle sera inscrite sur un registre à ce destiné; ce registre sera public, et toute personne aura le droit de s’en faire délivrer des extraits.

418. Lorsque le recours en cassation contre un arrêt ou jugement en dernier ressort, rendu en matière criminelle, correctionnelle ou de police, sera exercé soit par la partie civile, s'il y en a une, soit par le ministère public, ce recours, outre l'inscription énoncée dans l'article précédent, sera notifié à la partie contre laquelle il sera dirigé, dans le délai de trois jours.

Lorsque cette partie sera actuellement détenue, l’acte contenant la déclaration de recours lui sera lu par le greffier; elle le signera; et si elle ne le peut ou ne le veut, le greffier en fera mention.

Lorsqu’elle sera en liberté, le demandeur en cassation lui notifiera son recours, par le ministère d’un huissier, soit à sa personne, soit au domicile par elle élu : le délai sera, en ce cas, augmenté d’un jour par chaque distance de trois myriamètres.

419. La partie civile qui se sera pourvue en cassation, est tenue de joindre aux pièces une expédition authentique de l’arrêt.

Elle est tenue, à peine de déchéance, de consigner une amende de cent cinquante francs, ou de la moitié de cette somme, si l'arrêt est rendu par contumace ou par défaut.

420. Sont dispensés de l’amende, 1° les condamnés en matière criminelle; 2° les agents publics, pour affaires qui concernent directement l’administration et les domaines ou revenus de l’État.

A l’égard de toutes autres personnes, l’amende sera encourue par celles qui succomberont dans leur recours : seront néanmoins dispensées de la consigner, celles qui joindront à leur demande en cassation, 1° un extrait du rôle des contributions, constatant qu’elles payent moins de six francs, ou un certificat du percepteur de leur commune, portant qu’elles ne sont point imposées; 2° un certificat d’indigence à elles délivré par le maire de la commune de leur domicile ou par son adjoint, visé par le sous-préfet et approuvé par le préfet de leur département.

421. Les condamnés, même en matière correctionnelle ou de police, à une peine emportant privation de la liberté, ne seront pas admis à se pourvoir en cassation, lorsqu’ils ne seront pas actuellement en état, ou lorsqu’ils n’auront pas été mis en liberté sous caution.

L’acte de leur écrou ou de leur mise en liberté sous caution, sera annexé à l’acte de recours en cassation.

Néanmoins, lorsque le recours en cassation sera motivé sur l'incompétence, il suffira au demandeur, pour que son recours soit reçu, de justifier qu’il s’est actuellement constitué dans la maison de justice du lieu où siège la cour de cassation; le gardien de cette maison pourra l’y recevoir sur la représentation de sa demande adressée au procureur général près cette cour, et visée par ce magistrat.

422. Le condamné ou la partie civile, soit en faisant sa déclaration, soit dans les dix jours suivants, pourra déposer au greffe de la cour ou du tribunal qui aura rendu l’arrêt ou le jugement attaqué, une requête contenant ses moyens de cassation. Le greffier lui en donnera reconnaissance, et remettra sur-le-champ cette requête au magistrat chargé du ministère public.

423. Après les dix jours qui suivront la déclaration, ce magistrat fera passer au grand-juge ministre de la justice les pièces du procès et les requêtes des parties, si elles en ont déposé.

Le greffier de la cour ou du tribunal qui aura rendu l’arrêt ou le jugement attaqué, rédigera sans frais et joindra un inventaire des pièces, sous peine de cent francs d’amende, laquelle sera prononcée par la cour de cassation.

424. Dans les vingt-quatre heures de la réception de ces pièces, le grand-juge ministre de la justice les adressera à la cour de cassation, et il en donnera avis au magistrat qui les lui aura transmises.

Les condamnés pourront aussi transmettre directement au greffe de la cour de cassation, soit leur requête, soit les expéditions ou copies signifiées, tant de l’arrêt ou jugement que de leurs demandes en cassation. Néanmoins la partie civile ne pourra user du bénéfice de la présente disposition, sans le ministère d’un avocat à la cour de cassation.

425. La cour de cassation, en toute affaire criminelle, correctionnelle ou de police, pourra statuer sur le recours en cassation, aussitôt après l’expiration des délais portés au présent chapitre, et devra y statuer, dans le mois au plus tard, à compter du jour où ces délais seront expirés.

426. La cour de cassation rejettera la demande ou annullera l’arrêt ou le jugement, sans qu’il soit besoin d’un arrêt préalable d’admission.

427. Lorsque la cour de cassation annullera un arrêt ou un jugement rendu, soit en matière correctionnelle, soit en matière de police, elle renverra le procès et les parties devant une cour ou un tribunal de même qualité que celui qui aura rendu l’arrêt ou le jugement annullé.

428. Lorsque la cour de cassation annullera un arrêt rendu en matière criminelle, il sera procédé comme il est dit aux sept articles suivants.

429. La cour de cassation prononcera le renvoi du procès, savoir :

Devant une cour impériale autre que celle qui aura réglé la compétence et prononcé la mise en accusation, si l’arrêt est annullé pour l’une des causes exprimées en l’art. 299;

Devant une cour d’assises autre que celle qui aura rendu l’arrêt, si l’arrêt et l’instruction sont annullés pour cause de nullités commises à la cour d’assises;

Devant un tribunal de première instance autre que celui auquel aura appartenu le juge d’instruction, si l’arrêt et l’instruction sont annullés aux chefs seulement qui concernent les intérêts civils : dans ce cas, le tribunal sera saisi sans citation préalable en conciliation.

Si l’arrêt et la procédure sont annullés pour cause d’incompétence, la cour de cassation renverra le procès devant les juges qui en doivent connaître et les désignera, toutefois, si la compétence se trouvait appartenir au tribunal de première instance où siège le juge qui aurait fait la première instruction, le renvoi sera fait à un autre tribunal de première instance.

Lorsque l’arrêt sera annullé, parce que le fait qui aura donné lieu à une condamnation se trouvera n’être pas un délit qualifié par la loi, le renvoi, s’il y a une partie civile, sera fait devant un tribunal de première instance autre que celui auquel aura appartenu le juge d’instruction, et, s’il n’y a pas de partie civile, aucun renvoi ne sera prononcé.

430. Dans tous les cas où la cour de cassation est autorisée à choisir une cour ou un tribunal pour le jugement d’une affaire renvoyée, ce choix ne pourra résulter que d’une délibération spéciale, prise en la chambre du conseil, immédiatement après la prononciation de l’arrêt de cassation, et dont il sera fait mention expresse dans cet arrêt.

431. Les nouveaux juges d’instruction auxquels il pourrait être fait des délégations pour compléter l’instruction des affaires renvoyées, ne pourront être pris parmi les juges d’instruction établis dans le ressort de la cour dont l’arrêt aura été annullé.

432. Lorsque le renvoi sera fait à une cour impériale, celle-ci, après avoir réparé l’instruction en ce qui le concerne, désignera, dans son ressort, la cour d’assises par laquelle le procès devra être jugé.

433. Lorsque le procès aura été renvoyé devant une cour d’assises, et qu’il y aura des complices qui ne seront pas en état d’accusation, cette cour commettra un juge d’instruction, et le procureur général l’un de ses substituts, pour faire, chacun en ce qui le concerne, l’instruction dont les pièces seront ensuite adressées à la cour impériale, qui prononcera s’il y a lieu ou non à la mise en accusation.

434. Si l’arrêt a été annullé pour avoir prononcé une peine autre que celle que la loi applique à la nature du crime, la cour d’assises, à qui le procès sera renvoyé, rendra son arrêt sur la déclaration déjà faite par le jury.

Si l’arrêt a été annullé pour autre cause, il sera procédé à de nouveaux débats devant la cour d’assises à laquelle le procès sera renvoyé.

La cour de cassation n’annullera qu’une partie de l’arrêt, lorsque la nullité ne viciera qu’une ou quelques-unes de ses dispositions.

435. L’accusé dont la condamnation aura été annullée, et qui devra subir un nouveau jugement au criminel, sera traduit, soit en état d’arrestation, soit en exécution de l’ordonnance de prise de corps, devant la cour impériale ou d’assises, à qui son procès sera renvoyé.

436. La partie civile qui succombera dans son recours, soit en matière criminelle, soit en matière correctionnelle ou de police, sera condamnée à une indemnité de cent cinquante francs, et aux frais envers la partie acquittée, absoute ou renvoyée : la partie civile sera de plus condamnée, envers l’État, à une amende de cent cinquante francs; ou de soixante-quinze francs seulement, si l’arrêt ou le jugement a été rendu par contumace ou défaut.

Les administrations ou régies de l’État, et les agents publics qui succomberont, ne seront condamnés qu’aux frais et à l’indemnité.

437. Lorsque l'arrêt ou le jugement aura été annullé, l’amende consignée sera rendue sans aucun délai, en quelques termes que soit conçu l’arrêt qui aura statué sur le recours, et quand même il aurait omis d’en ordonner la restitution.

438. Lorsqu’une demande en cassation aura été rejetée, la partie qui l’avait formée ne pourra plus se pourvoir en cassation contre le même arrêt ou jugement, sous quelque prétexte et par quelque moyen que ce soit.

439. L’arrêt qui aura rejeté la demande en cassation sera délivré dans les trois jours au procureur général près la cour de cassation, par simple extrait signé du greffier, lequel sera adressé au grand-juge ministre de la justice, et envoyé par celui-ci au magistrat chargé du ministère public près la cour ou le tribunal qui aura rendu l’arrêt ou le jugement attaqué.

440. Lorsqu'après une première cassation le second arrêt ou le jugement sur le fond sera attaqué par les mêmes moyens, il sera procédé selon les formes prescrites par la loi du 16 septembre 1807. *

441. Lorsque, sur l’exhibition d’un ordre formel à lui donné par le grand-juge ministre de la justice, le procureur général près la cour de cassation dénoncera à la section criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements pourront être annullés, et les officiers de police ou les juges poursuivis, s’il y a lieu, de la manière exprimée au chapitre III du titre IV du présent Livre.


Loi du 16 septembre. Art. 1er. « Il y a lieu à interprétation de la loi, si la cour de cassation annulle deux arrêts ou jugements en dernier ressort, rendus dans la même affaire entre les mêmes parties, et qui ont été attaqués par les mêmes moyens. »

2. Cette interprétation est donnée dans la forme des réglements d'administration publique. »

3. « Elle peut être demandée par la cour de cassation avant de prononcer le second arrêt. »

4. « Si elle n'est pas demandée, la cour de cassation ne peut rendre le second arrêt, que les sections réunies et sous la présidence du grand-juge. »

5. « Dans le cas déterminé en l'article précédent, si le troisième arrêt est attaqué, l'interprétation est de droit, et il sera procédé comme il est dit à l'art. 2. »


442. Lorsqu’il aura été rendu par une cour impériale ou d’assises, ou par un tribunal correctionnel ou de police, un arrêt ou jugement en dernier ressort sujet à cassation, et contre lequel néanmoins aucune des parties n’aurait réclamé, dans le délai déterminé, le procureur général près la cour de cassation pourra aussi d'office, et nonobstant l’expiration du délai, en donner connaissance à la cour de cassation; l'arrêt ou le jugement sera cassé, sans que les parties puissent s'en prévaloir pour s'opposer à son exécution.