Code d'instruction criminelle 1808/Livre II, Titre IV, Chapitre III

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France
Livre II, Titre IV, Chapitre III : Des Crimes commis par des Juges, hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions.
(p. 109-114).

Chapitre III.
Des Crimes commis par des Juges, hors de leurs fonctions et dans l'exercice de leurs fonctions.

Section Première
De la poursuite et instruction contre des juges pour crimes et délits par eux commis hors de leurs fonctions.

479. Lorsqu’un juge de paix, un membre de tribunal correctionnel ou de première instance, ou un officier chargé du ministère public près l’un de ces tribunaux, sera prévenu d’avoir commis, hors de ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, le procureur général près la cour impériale le fera citer devant cette cour, qui prononcera sans qu’il puisse y avoir appel.

480. S’il s’agit d’un crime emportant peine afflictive ou infamante, le procureur général près la cour impériale et le premier président de cette cour désigneront, le premier, le magistrat qui exercera les fonctions d’officier de police judiciaire; le second, le magistrat qui exercera les fonctions de juge d’instruction.

481. Si c’est un membre de cour impériale ou un officier exerçant près d’elle le ministère public, qui soit prévenu d’avoir commis un délit ou un crime lors de ses fonctions, l’officier qui aura reçu les dénonciations ou les plaintes, sera tenu d’en envoyer de suite des copies au grand-juge ministre de la justice, sans aucun retard de l’instruction qui sera continuée comme il est précédemment réglé, et il adressera pareillement au grand-juge une copie des pièces.

482. Le grand-juge transmettra les pièces à la cour de cassation, qui renverra l’affaire, s’il y a lieu, soit à un tribunal de police correctionnelle, soit à un juge d’instruction, pris l’un et l’autre hors du ressort de la cour à laquelle appartient le membre inculpé.

S’il s’agit de prononcer la mise en accusation, le renvoi sera fait à une autre cour impériale.

Section II.
De la poursuite et instruction contre des juges et tribunaux autres que ceux désignés par l'article 101 du sénatus-consulte du 28 floréal an 12, pour forfaiture et autres crimes ou délits relatifs à leurs fonctions.

483. Lorsqu’un juge de paix ou de police, ou un juge faisant partie d’un tribunal de commerce, un officier de police judiciaire, un membre de tribunal correctionnel ou de première instance, ou un officier chargé du ministère public près l’un de ces juges ou tribunaux, sera prévenu d’avoir commis, dans l’exercice de ses fonctions, un délit emportant une peine correctionnelle, ce délit sera poursuivi et jugé comme il est dit à l’article 479.

484. Lorsque des fonctionnaires de la qualité exprimée en l’article précédent seront prévenus d’avoir commis un crime emportant la peine de forfaiture ou autre plus grave, les fonctions ordinairement dévolues au juge d’instruction et au procureur impérial seront immédiatement remplies par le premier président et le procureur général près la cour impériale, chacun en ce qui le concerne, ou par tels autres officiers qu’ils auront respectivement et spécialement désignés à cet effet.

Jusqu’à cette délégation, et dans le cas où il existerait un corps de délit, il pourra être constaté par tout officier de police judiciaire; et pour le surplus de la procédure, on suivra les dispositions générales du présent Code.

485. Lorsque le crime commis dans l’exercice des fonctions et emportant la peine de forfaiture ou autre plus grave, sera imputé, soit à un tribunal entier de commerce, correctionnel ou de première instance, soit individuellement à un ou plusieurs membres des cours impériales, et aux procureurs généraux et substituts près ces cours, il sera procédé comme il suit.

486. Le crime sera dénoncé au grand juge ministre de la justice, qui donnera, s’il y a lieu, ordre au procureur général impérial près la cour de cassation, de le poursuivre sur la dénonciation.

Le crime pourra aussi être dénoncé directement à la cour de cassation par les personnes qui se prétendront lésées, mais seulement lorsqu’elles demanderont à prendre le tribunal ou le juge à partie, ou lorsque la dénonciation sera incidente à une affaire pendante à la cour de cassation.

487. Si le procureur général près la cour de cassation ne trouve pas dans les pièces à lui transmises par le grand-juge, ou produites par les parties, tous les renseignements qu’il jugera nécessaires, il sera, sur son réquisitoire, désigné par le premier président de cette cour, un de ses membres, pour l’audition des témoins, et tous autres actes d’instruction qu’il peut y avoir lieu de faire dans la ville ou siège la cour de cassation.

488. Lorsqu’il y aura des témoins à entendre ou des actes d’instruction à faire hors de la ville où siège la cour de cassation, le premier président de cette cour fera à ce sujet toutes délégations nécessaires à un juge d’instruction, même d’un département ou d’un arrondissement autres que ceux du tribunal ou du juge prévenu.

489. Après avoir entendu les témoins et terminé l'instruction qui lui aura été déléguée, le juge d’instruction mentionné en l’article précédent renverra les procès-verbaux et les autres actes clos et cachetés au premier président de la cour de cassation.

490. Sur le vu soit des pièces qui auront été transmises par le grand-juge, ou produites par les parties, soit des renseignements ultérieurs qu’il se sera procurés, le premier président décernera, s’il y a lieu, le mandat de dépôt.

Ce mandat désignera la maison d’arrêt dans laquelle le prévenu devra être déposé.

491. Le premier président de la cour de cassation ordonnera de suite la communication de la procédure au procureur général, qui, dans les cinq jours suivants, adressera à la section des requêtes son réquisitoire contenant la dénonciation du prévenu.

492. Soit que la dénonciation portée à la section des requêtes, ait été ou non précédée d’un mandat de dépôt, cette section y statuera, toutes affaires cessantes.

Si elle la rejette, elle ordonnera la mise en liberté du prévenu.

Si elle l'admet, elle renverra le tribunal ou le juge prévenu, devant les juges de la section civile, qui prononceront sur la mise en accusation.

493. La dénonciation incidente à une affaire pendante à la cour de cassation, sera portée devant la section saisie de l’affaire; et, si elle est admise, elle sera renvoyée de la section criminelle ou de celle des requêtes à la section civile, et de la section civile à celle des requêtes.

494. Lorsque, dans l’examen d’une demande en prise à partie ou de toute autre affaire, et sans qu’il y ait de dénonciation directe ni incidente, l’une des sections de la cour de cassation apercevra quelque délit de nature à faire poursuivre criminellement un tribunal on un juge de la qualité exprimée en l’article 479, elle pourra d’office ordonner le renvoi, conformément à l’article précédent.

495. Lorsque l’examen d'une affaire portée devant les sections réunies donnera lieu au renvoi d’office exprimé dans l’article qui précède, ce renvoi sera fait à la section civile.

496. Dans tous les cas, la section à laquelle sera fait le renvoi sur dénonciation ou d’office, prononcera sur la mise en accusation.

Son président remplira les fonctions que la loi attribue aux juges d’instruction.

497. Ce président pourra déléguer l’audition des témoins et l’interrogatoire des prévenus à un autre juge d’instruction, pris même hors de l’arrondissement et du département où se trouvera le prévenu.

498. Le mandat d’arrêt que délivrera le président, désignera la maison d’arrêt dans laquelle le prévenu devra être conduit.

499. La section de la cour de cassation, saisie de l’affaire, délibérera sur la mise en accusation, en séance non publique : les juges devront être eu nombre impair.

Si la majorité des juges trouve que la mise en accusation ne doit pas avoir lieu, la dénonciation sera rejetée par un arrêt, et le procureur général fera mettre le prévenu en liberté.

500. Si la majorité des juges est pour la mise en accusation, cette mise en accusation sera prononcée pat un arrêt, qui portera en même temps ordonnance de prise de corps.

En exécution de cet arrêt, l'accusé sera transféré dans la maison de justice de la cour d'assises qui sera désignée par celle de cassation, dans l'arrêt même.

501. L’instruction ainsi faite devant la cour de cassation, ne pourra être attaquée quant à la forme.

Elle sera commune aux complices du tribunal ou du juge poursuivi, lors même qu’ils n’exerceraient point de fonctions judiciaires.

502. Seront au surplus observées les autres dispositions du présent Code qui ne sont pas contraires aux formes de procéder prescrites par le présent chapitre.

503. Lorsqu’il se trouvera, dans la section criminelle saisie du recours en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour d’assises à laquelle l’affaire aura été renvoyée, des juges qui auront concouru à la mise en accusation dans l’une des autres sections, ils s’abstiendront.

Et néanmoins, dans le cas d'un second recours qui donnera lieu à la réunion des sections, tous les juges en pourront connaître.