Contes populaires d’Afrique (Basset)/145

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 381-383).
LXXXIII. — ACHIRA[1]

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LE SERMENT TENU[2]


Atungulu-shimba était un roi parvenu au pouvoir par droit d’hérédité et qui avait fait bâtir huit maisons neuves. Mais Atungulu avait juré de manger tous ceux avec qui il entrerait en querelle. Il le fit comme il avait dit, mangeant ses ennemis les uns après les autres, jusqu’à ce qu’il resta seul dans ses domaines, et alors il épousa la belle Arondo-Ienu, fille d’un roi voisin.

C’était l’habitude d’Atungulu, une fois marié, d’aller toute la journée dans la forêt pour tendre des pièges aux animaux sauvages avec un filet achira et de laisser sa femme dans son village. Un jour, Njali, le frère aîné d’Arondo-Ienu, car Coriambé (le roi des airs), leur père, avait trois fils, vint pour arracher sa sœur aux griffes d’Atungulu-Shimba, mais le roi survint tout à coup et le mangea. Le second frère se présenta ensuite et fut mangé à son tour. Enfin arriva Reninga, le troisième frère. Il s’engagea entre lui et Atungulu une grande bataille qui dura depuis le lever du soleil jusqu’à midi. À la fin, Reninga fut vaincu et son adversaire le mangea comme ses deux frères.

Reninga, cependant, qui avait sur lui un puissant fétiche, sortit vivant du corps d’Atungulu. Le roi, en le revoyant, s’écria :

— Comment avez-vous fait pour vous tirer de là ?

Puis il se barbouilla de craie alumbi (magique) ainsi qu’Arondo-lenu et lui dit :

— Reninga, emmène ta sœur.

Après quoi, il alla se jeter à l’eau, de désespoir d’avoir perdu sa femme.

Avant de se noyer, il déclara que si Arondo-Ienu se remariait, elle mourrait ; et sa prédiction se vérifia, car la veuve épousa un autre homme et mourut bientôt après. Alors Reninga, désolé à son tour d’avoir perdu sa sœur, se jeta dans l’eau, à la même place où Atungulu avait péri et se noya aussi.

À l’endroit où Atungulu s’est précipité, le voyageur peut voir en regardant au fond de l’eau les corps d’Atungulu et de sa femme, gisant là côte à côte. Les ongles de cette belle créature sont polis et luisants comme une glace. C’est depuis ce temps-là que l’eau a acquis la propriété de réfléchir les objets et qu’elle a pris le nom d’Arondo-Ienu. Chacun peut voir aussi sa propre image dans les ondes, par suite de la transparence que leur ont communiquée les ongles d’Arondo-Ienu.




  1. Les Achira habitent à l’ouest des Apono, dans le Congo français.
  2. Du Chaillu, L’Afrique sauvage, p. 131-132.