Contes populaires d’Afrique (Basset)/57

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E. Guilmoto, Éditeur (Les Littératures populaires, tome XLVIIp. 142-146).

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LE LIÈVRE[1]


Une jeune fille vivait avec sa mère et son père, dans la même maison. La mère partit en voyage et dit à sa fille :

— Veille bien sur ton père.

Mais la jeune fille ne veilla pas sur lui : il souffrit de la faim.

Quand la mère fut de retour, le père avait maigri : alors elle chassa sa fille dans la forêt avec un grand panier pour aller chercher des fruits de sycomore. Elle arriva à un grand arbre ; cet arbre appartenait aux animaux, mais ceux-ci étaient absents.

La jeune fille remplit son panier des fruits de cet arbre. Mais le soir, les animaux revinrent et la trouvèrent encore sur l’arbre. Ils se réjouirent beaucoup parce qu’ils espéraient avoir de la viande quand ils dévoreraient la jeune fille.

Quelques animaux dirent :

— Ne la mangeons pas aujourd’hui, mais demain matin de bonne heure.

Pour que la jeune fille ne s’échappât pas, ils s’endormirent tous sous l’arbre.

La nuit, le lièvre s’éveilla : il monta sur l’arbre et demanda à la jeune fille si elle voulait vivre ou mourir. Elle désira vivre. Alors il lui dit :

— Si je te délivre, que me donneras-tu ?

— Je te donnerai tout ce que tu désireras.

Le lièvre répliqua :

— Je te demande des poules.

— Combien de poules veux-tu ?

— Beaucoup, beaucoup.

La jeune fille lui dit :

— Soit, aussitôt que je serai revenue à la maison.

Alors tous deux descendirent dans la maison de la jeune fille. Celle-ci donna au lièvre tant de poules qu’il en fut content. Il prit les poules et s’en retourna dans la forêt. Alors il les égorgea et versa leur sang dans un petit plateau. Après qu’il eut mangé à satiété, il revint à l’arbre en emportant le plateau avec le sang.

Il prit alors le sang et en enduisit le museau de la hyène et ses griffes, puis il alla dormir. Au matin, tous s’éveillèrent ; le lièvre faisait semblant de dormir, mais il écoutait tout. Les animaux se dirent les uns aux autres :

— Maintenant, nous allons manger de la viande.

Mais la viande avait disparu. Tous demandèrent :

— Où est-elle allée ?

Alors ils éveillèrent le lièvre et lui demandèrent :

— Où est la viande ?

— Je ne sais pas, dit-il, mais certainement la hyène l’a mangée : elle a du sang au museau et aux griffes.

Quelques animaux entrèrent en fureur contre la hyène et la battirent, mais les autres ne le crurent pas. Alors le lièvre dit :

— Nous allons faire une fosse profonde et large avec du feu dedans : tous les animaux sauteront par dessus le feu : ceux qui y tomberont seront coupables.

Tous sautèrent l’un après l’autre, mais tous y tombèrent. Le lièvre ne sauta pas ; il s’enfuit dans la forêt, joyeux de sa ruse.

Dans la forêt, il rencontra le renard : tous deux cherchèrent des fruits d’arbre. L’arbre appartenait à un autre maître. Lorsque celui-ci vint pour les cueillir, il n’en trouva plus. Il crut que des voleurs les avaient dérobés et voulut les prendre quand ils reviendraient.

Il fabriqua avec de la gomme une image de jeune fille et la plaça sur l’arbre. La nuit, le lièvre et le renard vinrent pour manger des fruits. Ils virent la jeune fille sur l’arbre. Le lièvre monta, elle resta toute tranquille ; il la frappa, mais ses pieds demeurèrent collés à la glu. Alors il cria :

— Lâche-moi ! lâche-moi !

Mais la jeune fille ne le lâcha pas.

Alors il appela le renard à son secours. Le renard monta aussi et il demeura collé également.

Le lièvre lui dit :

— Si le propriétaire de l’arbre vient et nous bat, que ferons-nous ?

Le lièvre reprit :

— Ne gémis pas beaucoup, mais seulement un peu, ensuite fais le mort de façon qu’il croie que tu l’es.

Le lendemain matin, le propriétaire du jardin arriva et les trouva tous deux sur l’arbre. Alors il monta et les battit tous les deux. Le renard gémit beaucoup jusqu’à ce qu’il crevât. Le lièvre gémit un peu, puis il fit le mort. Alors le propriétaire le prit, cueillit des fruits, les mit avec les deux animaux dans le panier et le porta sur sa tête à la maison. En route, le lièvre s’éveilla et voulut réveiller le renard, mais celui-ci était mort.

Alors le lièvre mangea beaucoup de fruits dans la corbeille et fit le mort de nouveau. Le propriétaire, en arrivant à la maison, ne trouva que peu de fruits, mais il ne savait pas pourquoi. Il mit alors les deux animaux avec la peau et le poil dans un grand pot pour les cuire. Mais quand l’eau devint chaude, le lièvre fit éclater la marmite, sauta dehors et s’enfuit. Le propriétaire le poursuivit, mais inutilement.




  1. Mitterutzner, Die Sprache der Bari, Brixen, 1867, in-8, Weger, p. 10-15.