Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 611

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611. — À M. LE LIEUTENANT GENERAL DE POLICE[1].

Je n’ai pu être encore assez heureux : pour vous trouver chez vous. J’apprends dans le moment que Jore est venu se plaindre de vous chez Demoulin, rue de Long-pont, lequel Demoulin est celui qui l´incite à cette mauvaise manœuvre. Il lui a conseillé d’aller chez monsieur le garde des sceaux, le flattant que monseigneur le garde des sceaux le soustrairait aussitôt à votre tribunal. Jore, aussi absurde que méchant, y est allé.

Je vous supplie, monsieur, de faire attention que ce Demoulin ci-devant, mon homme d’affaires, m’ayant volé mon bien, garde encore tous mes manuscrits.

Il ne tiendrait qu’à vous, monsieur, de lui ordonner de vous les apporter ; ils seraient entre vos mains, et ce serait une nouvelle obligation que je vous aurais.

J’ai déjà été forcé d’abandonner à ce fripon de Demoulin 24,000 livres que je lui avais prêtées et qu’il m’a mangées[2].

Je n’ai plus rien. Jore, par ses procédures, a fait des saisies sur le peu de bien qui me reste. Je ne fais point casser ses procédures, parce que je m’en suis remis à votre jugement. En attendant, je suis dans une situation très-violente ; je me console par l’espérance que vous punirez un fourbe et un insolent qui veut se soustraire à votre autorité et à votre arbitrage.

  1. Éditeur, Léouzon Leduc.
  2. Voyez la lettre 635.