Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4430

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Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 164-165).

4430. — À MADAME LA COMTESSE DE BASSEVITZ[1].
Ferney, 22 janvier 1761.

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · Une Polonaise, en 1722, vint à Paris, et se logea à quelques pas de la maison que j’occupais. Elle avait quelques traits de ressemblance avec l’épouse du czarowitz. Un officier français, nommé d’Aubant, qui avait servi en Russie, fut étonné de la ressemblance : cette méprise donna envie à la dame d’être princesse ; elle avoua ingénument à l’officier qu’elle était la veuve de l’héritier de la Russie ; qu’elle avait fait enterrer une bûche à sa place, pour se sauver de son mari. D’Aubant fut amoureux d’elle et de sa principauté ; ils se marièrent. D’Aubant, nommé gouverneur dans une partie de la Louisiane, mena sa princesse en Amérique. Le bonhomme est mort croyant fermement avoir épousé une belle-sœur d’un empereur d’Allemagne, et la bru d’un empereur de Russie ; ses enfants le croient aussi, et ses petits-enfants n’en douteront pas…

  1. Je donne ce morceau, quoique ce ne soit qu’un fragment, parce que le sujet est très-intéressant, et que la lettre à Schouvalow, du 21 septembre 1760, rend ce fragment précieux.

    Le Journal de Paris, du 19 juillet 1782, d’où je l’ai extrait, dit que Mme la comtesse de B… vivait encore à D***, dans le Mecklembourg. C’est aussi à Mme de Bassevitz qu’est adressée une lettre du 25 décembre 1761. (B.)

    — Il est assez longuement question de Mme d’Aubant ou d’Auban dans la Correspondance littéraire de Grimm, juin et novembre 1777. Voyez ci-dessus les lettres 4264 et 4325.