Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4879

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4879. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Ferney, 5 avril.

Comme monsieur votre fils[1], madame, n’avait servi ni sous César ni sous Auguste, il ne faut pas d’épitaphe latine. C’est une pédanterie ridicule. Il faut pour un Français une épitaphe française, d’autant plus que les Romains n’ayant point dans leurs armées de grades qui répondent précisément aux nôtres, il est impossible, en ce cas, d’exprimer ce qu’on veut dire. Il est d’ailleurs de l’honneur de la langue française qu’on l’emploie dans les monuments. Elle est entendue plus généralement que la latine. Je suis fâché, madame, de vous parler d’une chose qui renouvelle vos douleurs ; mais aussi c’est une consolation que vous vous donnez et que je me donne à moi-même. Sans une occupation qui me tiendra ici une année entière, je viendrais pleurer avec vous. On ne m’a rien mandé de l’œil de Mme  de Pompadour, ni des deux de M. d’Argenson. Je les plains l’un et l’autre ; mais je suis obligé de plaindre M. d’Argenson au double.

Adieu, madame ; conservez vos yeux. Ni vous ni moi ne portons encore de lunettes. Remercions la nature.

Mille tendres respects.

  1. Voyez lettre 4841.