Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4946

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 148-149).

4946. — À M.  DEBRUS[1].

Si la personne qui a parlé au jeune Lavaysse d’une façon si étrange n’a pas eu dessein de l’éprouver, si elle a parlé sérieusement, elle est bien condamnable, et rien ne peut excuser un pareil discours. Il y a grande apparence que le parlement de Toulouse lui a donné cette prévention[2]. Je sais déjà que plusieurs conseillers d’État pensent autrement.

Je parlerai fortement à M. le maréchal de Richelieu, quand il sera chez moi. Mais pour l’autre personne à qui on veut que je parle, comme elle n’influera en rien sur les juges, dont elle ne connaît aucun, ce n’est point du tout la peine.

Ne songeons qu’aux juges, et laissons là tout le reste.

J’écris à M. Mariette. Je ne crois point du tout que sa bonne volonté se ralentisse. Les erreurs dans lesquelles M. de Lavaysse a laissé tomber M. de Beaumont ne préjudicieront en rien à la cause, et seront aisément rectifiées par M. Mariette.

Je fais mille compliments à M. Debrus, à M. de Végobre et à M. Cathala.

  1. Éditeur, A Coquerel. — Autographe. L’adresse est : « A monsieur, monsieur de Bruce, derrière le Rhône, près du Lion-d’Or, à Genève. »
  2. David Lavaysse, père du jeune Alexandre Gaubert-Lavaysse, qui fut impliqué fortuitement dans tous les malheurs des Calas, pour avoir soupé avec eux le jour où Marc-Antoine se tua, était un homme faible et intéressé. Pendant la première procédure, on réussit à le tromper ; on lui persuada que le crime des Calas était prouvé et l’on ménagea une entrevue entre lui et son fils prisonnier, en présence de M. de Senaux, président au parlement, un des magistrats les plus fanatiques de Toulouse. Lavaysse, devant M. de Senaux, conjura son fils d’éviter la torture et la mort en avouant que les Calas avaient étranglé Marc-Antoine.

    Plus tard il fallut que Voltaire gourmandât vigoureusement la faiblesse de Lavaysse pour qu’il se décidât à braver le parlement et à agir de nouveau en faveur de son fils.

    Cette faiblesse trop connue de sa famille, et le fait que ce jeune homme n’avait aucun lien de parenté avec les autres accusés, expliquent les obsessions auxquelles il fut exposé à diverses reprises ; mais rien n’indique exactement à quelle circonstance Voltaire fait allusion. (Note du premier éditeur.)