Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4972

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Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 178-179).

4972. — À M. DE LA CHALOTAIS.
Aux Délices, le 21 juillet.

Je crois, monsieur, que c’est à vos bontés que je dois la réception de votre nouveau chef-d’œuvre[1]. Tous les deux sont d’autant plus forts qu’ils sont ou paraissent être plus modérés. Les jésuites diront : Hæc est ærugo mera[2]. Tous les bons Français vous doivent des remerciements de ces mots : En un mot, des maximes ultramondaines.

Ces deux ouvrages sont la voix de la patrie, qui s’explique par l’organe de l’éloquence et de l’érudition. Vous avez jeté des germes qui produiront un jour plus qu’on ne pense. Et quand la France n’aura plus un maître italien qu’il faut payer, elle dira : C’est à M. de La Chalotais que nous en sommes redevables.

Vous m’avez donné tant d’enthousiasme, monsieur, que je m’emporte jusqu’à prendre la liberté de recommander à votre justice l’affaire de M. Cathala, négociant à Genève. Il implore le parlement pour être payé d’une dette. C’est un très-honnête homme, très-exact, incapable de redemander ce qui ne lui est pas dû. Je sais bien qu’en qualité d’huguenot, il sera damné ; mais, en attendant, il faut qu’il ait son argent en ce monde.

Pardonnez-moi, monsieur, la démarche que je fais auprès de vous. Je sais qu’il est très-inutile de vous solliciter, mais je n’ai pu m’empêcher de vous dire combien j’estime la probité de mon huguenot. Je ne suis point suspect de favoriser les mécréants, puisque je viens de faire bâtir une église.

Je n’ai point d’expressions pour vous dire avec quel respect j’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Second Compte rendu, etc. ; voyez lettre 4856.
  2. Horace, livre I, satire iv, vers 100-101.