Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5001

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5001. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 13 auguste.

Ma santé, madame, ne me permet guère d’écrire ; je suis réduit à dicter, et à me plaindre de ne pouvoir jouir de la consolation de vous voir. On passe son temps à former des projets, et on n’en exécute guère. L’épitaphe latine que vous m’avez envoyée est pleine de solécismes, mais il n’y a pas grand mal ; on dira seulement que le prêtre allemand qui l’a composée ne savait pas le latin ; ce petit inconvénient n’est pas à considérer dans une si grande perte. Je vois que madame votre belle-fille aggrave encore vos douleurs ; c’est une peine de plus que je partage avec vous. Je me flatte du moins que vous n’aurez pas de procès ; ce serait éprouver à la fois de trop grands chagrins.

Vous savez qu’on parle beaucoup de paix. Plût à Dieu qu’on n’eût jamais fait cette guerre qui vous a été si funeste ! Les nouvelles de Russie ont bien dû vous étonner[1], madame ; peut-être mettront-elles des obstacles à cette paix tant désirée. Je vois de bien loin toutes ces révolutions dans mon heureuse retraite.

J’y serais encore plus heureux si Ferney n’était pas à cent lieues de l’Ile Jard. Je regretterai toujours les charmes de votre commerce ; je m’intéresserai toujours tendrement à votre conservation et à votre bonheur. Conservez-moi des bontés qui font ma plus chère consolation. Recevez les tendres respects de V.

  1. La mort de Pierre III.