Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5023

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 223-224).

5023. — À M. COLINI.
Aux Délices, 30 auguste.

Vous allez donc, mon cher ami, être l’inspecteur des jeux[1]. Si la trappe réussit, je suis pour la trappe. Je ne me servis de coulisses pour brûler Olympie que parce que je ne pouvais avoir de trappe. Je faisais apporter un autel haut d’environ trois pieds ; on portait sur cet autel les offrandes qu’Olympie devait faire ; elle montait sur un petit gradin derrière cet autel. Les flammes cependant s’élançaient à droite et à gauche fort au-dessus des deux coulisses fermées, sur lesquelles étaient peints des tisons enflammés. Olympie descendait rapidement de son petit marchepied, elle passait comme un trait, en se baissant un peu, entre les deux coulisses ouvertes, qui se refermaient sur-le-champ ; elle se mettait en sûreté, et alors les flammes redoublaient.

Au reste, s’il en est encore temps, vous trouverez ci-joint un petit changement, au cinquième acte, qui m’a paru nécessaire. Nous allons jouer aussi Cassandre à Ferney ; mais à peine pourrai-je l’entendre, car, en vérité, je deviens sourd et aveugle. Le pays de Gex est charmant, mais il est entouré de montagnes de neige que je crois fort malsaines.

On dit que la tragédie de Russie recommence ; qu’on est sur le point de voir une seconde révolution. Je ne crois pas cette nouvelle fondée ; mais enfin, dans ce monde, il faut s’attendre à tout. Ma fluxion m’empêche de vous écrire de ma main ; je suis dans un état désagréable : c’est le partage de la vieillesse.

Je vous prie très-instamment d’empêcher l’impression de la pièce ; de ne la donner au souffleur qu’au moment de la représentation, et de retirer les rôles dès qu’elle aura été jouée.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. C’est-à-dire de la représentation d’Olympie, qui eut lieu à Schwetzinjen le 30 septembre. (B.)