Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5137

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 335).

5137. — À M. MOULTOU[1].
Janvier 1763.

Vous partagez, monsieur, mes craintes et ma douleur. Les Lettres toulousaines s’étendent beaucoup sur l’aventure de Sirven et de sa fille. Voilà ce qui nous perdra. L’affaire de Sirven n’a point été jugée. Le parlement de Toulouse joindra au conseil ces deux affaires ensemble, et justifiera l’une par l’autre. Il soutiendra que les protestants sont en droit d’assassiner leurs fils et leurs filles quand ils veulent changer de religion. Ils[2] feront voir en trois mois de temps deux pères de famille accusés par la voix publique de ce crime épouvantable. Ils diront qu’ils ont cru absolument nécessaire de faire un exemple. J’avais recommandé expressément à nos trois avocats de ne jamais parler de l’affaire de Sirven ; ils m’ont tenu parole.

Vous écrivez sans doute à Lausanne et à Vevey. Si vous pouvez obtenir que l’auteur supprime le débit du livre jusqu’à la fin du procès, nous sommes sauvés ; sinon, tout est perdu. L’auteur ne risque rien en différant ; il détruit tout notre ouvrage en se pressant. Qu’il attende la fin de notre procès, il aura de quoi faire un second volume intéressant. Je lui fournirai plusieurs pièces et plusieurs anecdotes.

J’espère beaucoup du pouvoir que votre aimable éloquence doit avoir sur tous les esprits.


Lundi soir.
  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Les juges de Toulouse.