Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5159

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 355).

5159. — À MADAME DE FLORIAN.
À Ferney, 26 janvier.

Je perds les yeux, ma chère nièce, mais j’entrevois encore assez pour vous dire que j’aime presque autant votre petit Dupuits qu’il aime Mlle  Corneille. Voilà tous les dragons mariés : Dieu soit béni ! Il est plaisant qu’on joue à la Comédie le mariage d’un Dupuis. On dit la pièce très-jolie ; Dupuits l’est aussi : tout cela va le mieux du monde. Ô destinée ! voilà Mlle  Corneille heureuse. Daumart est couché sur le dos depuis deux ans et demi, toujours suppurant, sans pouvoir remuer ; il faut lui donner à manger comme à un enfant : quel contraste ! Soyez heureuse, vous et le grand écuyer de Cyrus. Le nombre des gens qui remercient Dieu est petit ; ceux qui se donnent au diable composent la grande partie de ce monde. Pour moi, je jouis du bonheur d’autrui, mais surtout du vôtre. Si vous écrivez à votre sœur, fourrez dans votre lettre un petit mot pour l’oncle, qui vous aimera tant qu’il respirera. Pourvu que nous sachions que vous vous portez bien, que vous vous réjouissez, nous sommes contents. Il faut aussi que les Calas gagnent leur procès. Bonsoir, bonsoir ; je n’en peux plus, et je vous embrasse tous deux.