Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5341

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Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 521-522).

5341. — À M. DAMILAVILLE[1].
21 juillet.

On m’a dit, mon cher frère, qu’une traduction d’une pièce anglaise en trois actes, intitulée Saül et David, se débite à Paris sous mon nom. C’est un libraire, nommé Besongne, qui a eu cette insolence et cette malice. Je regarde ces supercheries des libraires comme des crimes de faux : on est aussi coupable de mettre sur le compte d’un auteur un ouvrage dangereux que de contrefaire son écriture.

Je me trouve dans des circonstances épineuses, où ces odieuses imputations peuvent me faire un tort irréparable et empoisonner le reste de ma vie. Je veux bien être confesseur, mais je ne veux pas être martyr. Je vous prie, mon cher frère, au nom de l’amour de la vérité, qui nous unit, de vouloir bien faire parvenir cette lettre à M. Marin[2]. Il me semble qu’il vaut mieux s’adresser à ceux qui sont à portée de parler aux gens en place que de fatiguer par des désaveux, dans des journaux, un public qui ne vous croit pas. C’est un triste métier que celui d’homme de lettres ; mais il y a quelque chose de plus dangereux, c’est d’aimer la vérité.

  1. Jusqu’à ce jour, cette lettre avait été cousue à une autre lettre du 21 juillet 1764. (G. A.)
  2. Elle manque.