Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6007

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Correspondance de Voltaire/1765
Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 549-550).

6007. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT.
4 mai.

Je me flatte que mon Cicéron a commencé sa seconde philippique. Il n’est pas nécessaire, ce me semble, d’avoir la feuille du parlement toulousain qui confirme la sentence de Mazamet[1], pour que le protecteur de l’innocence et de la raison se livre au mouvement de son éloquence. Vous aurez la gloire d’avoir détruit de bien cruels préjugés. M. de Lavaysse le père me mande que, depuis trente ans, la canaille catholique du Languedoc est persuadée que la canaille calviniste égorge ses enfants pour les empêcher de communier avec du pain azyme. Une vieille huguenote du pays, qui s’amusait à consoler les mourants, passait pour les égorger tous, de peur qu’on ne leur donnât l’extrême-onction.

Vous avez dû recevoir les réponses du pauvre Sirven à vos questions : vous êtes son sauveur ; il faudra vous peindre avec les Calas à vos pieds. Pierre Calas veut retourner à Genève, où il fait un petit commerce. Il me semble qu’il serait plus convenable de faire ce commerce à Paris. Ne risquerait-il pas de choquer le gouvernement et de perdre ses bienfaits, s’il sortait de France après avoir obtenu une justice si éclatante et un présent de mille écus ? S’il veut retourner à Genève, il faut du moins qu’il en ait une permission authentique ; et le ministère, en la lui donnant, aurait encore une très-mauvaise opinion de lui. Je soumets mon avis au vôtre.

Mille respects à Mme de Beaumont.

  1. Contre les Sirven.