Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6255
Mon cher frère, il y a deux hommes attendris et hors d’eux-mêmes : c’est Sirven et moi. Vous trouverez ici mes remerciements au généreux M. de Beaumont[1] : je vous prie de les lui faire passer. Je renverrai incessamment son mémoire. Je commence à espérer beaucoup. Il me paraît bien difficile qu’on résiste à des faits si avérés, à de si bons raisonnements, et à tant d’éloquence.
M. Bastard, premier président du parlement de Toulouse, que sa compagnie tient toujours exilé à Paris, pourra nous servir bien utilement. Je ne vous dis rien du factum ; vous verrez exactement ce que j’en pense dans la lettre que j’écris à l’auteur. Je vous enverrai le billet de Merlin dès que je serai sorti de mon lit, où je suis, et que j’aurai fouillé dans mes paperasses.
Mes voisins les Genevois sont toujours très-tranquilles. On n’a pas voulu me croire. J’assurai toujours qu’il n’y aurait pas la moindre ombre de tumulte. Il est plaisant de se donner la peine d’envoyer des ambassadeurs, parce que dans une petite ville fort au-dessous d’Orléans et de Tours il y a deux avis différents. Depuis les grenouilles et les rats[2], qui prièrent Jupiter de venir les accommoder, il ne s’est vu rien de semblable.
Je suis toujours très-languissant. J’ai besoin du repos de l’âme. Je voudrais qu’on cessât de prendre garde à moi, et qu’on ne m’imputât point de mauvaises plaisanteries que deux hommes de l’Académie de Berlin ont faites depuis quelques mois sur les miracles de Rousseau. Ce sont des lettres[3] dont en effet quelques-unes sont assez comiques, mais qui pourraient l’être davantage si on s’était livré à tout ce que le sujet fournissait.
Je n’ai point encore reçu le ballot[4] de Fauche. Tout le monde m’abandonne dans cette rude saison : vous en jugerez par la réponse que je fais à Briasson[5]. Je recommande ce petit billet à vos bontés.