Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6358

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 302-303).

6358. — À M.  DAMILAVILLE.
30 mai.

Je me console, vendredi au soir, d’un très-vilain temps et des maux que je souffre par l’espérance de recevoir demain samedi, 31 du mois, des nouvelles de mon cher frère.

Il faut que je lui fasse une petite récapitulation de tous les objets de mes lettres précédentes :

1° Le buste d’ivoire de son frère, parti de Genève probablement le 14 mai, adressé, par la diligence de Lyon, au quai Saint-Bernard. à Paris ;

2° La Défense du président de Thou[1], dont il est bon de faire retentir tous les journaux, et dont il convient surtout d’envoyer copie au Journal de Bouillon ;

3° Le recueil complet[2], que je suppose envoyé chez M. Chabanon ;

4° Un autre recueil Complet, en feuilles, dont je vous supplie instamment de gratifier l’avocat-libraire Lacombe, quai de Conti ;

5° Un autre, relié, pour M.  Thomas ;

6° J’accuse enfin la réception du mémoire d’Élie pour M.  de La Luzerne, et des mémoires pour et contre ce malheureux Lally. Le factum d’Élie me paraît victorieux ; mais je ne sais pas quel est le jugement. Pour les mémoires de Lally, je n’y ai vu que des injures vagues ; le corps du délit est apparemment dans les interrogatoires, qui restent toujours secrets. Les arrêts ne sont jamais motivés en France, ainsi le public n’est jamais instruit.

Je suis bien plus en peine du factum en faveur des Sirven ; mais je ne prétends pas que M.  de Beaumont se presse trop. Je fais céder mon impatience à l’intérêt que je prends à sa santé, et à mon désir extrême de voir dans ce mémoire un ouvrage parfait qui n’ait ni la pesante sécheresse du barreau, ni la fausse éloquence de la plupart de nos orateurs. Quelle que soit l’issue de cette entreprise, elle fera toujours beaucoup d’honneur à M. de Beaumont, et sera utile à la société en augmentant l’horreur du fanatisme, qui a fait tant de mal aux hommes, et qui leur en fait encore.

Je ne sais plus que penser de l’ouvrage de Fréret[3], je n’en entends plus parler. Vous savez, mon cher ami, combien il excitait ma curiosité. Il ne paraît rien actuellement qui soit marqué au bon coin. J’ai acquis depuis peu des livres très-rares ; mais ils ne sont que rares. Je tâcherai de me procurer incessamment le recueil des vingt Lettres[4] de MM. Covelle, Baudinet, et compagnie ; on ne les trouve point à Genève, où il n’est question que du procès des citoyens contre les citoyens. Je crois que, par ma dernière lettre, je vous ai prié d’envoyer à Lacombe deux petits volumes[5]. Je vous recommande fortement cette bonne œuvre ; l’exemplaire vous sera très-exactement rendu avant qu’il soit peu. Si vous avez quelque nouvelle des capucins, ne m’oubliez pas ; vous savez combien je m’intéresse à l’ordre séraphique. Mes compliments à vos amis. Voici un petit mot pour Thieriot. Aimez-moi.

  1. Le Président de Thou justifié, etc. ; voyez tome XXV, page 477.
  2. Un exemplaire de la collection des Œuvres de Voltaire.
  3. Voyez une note sur la lettre 6306.
  4. La collection des Lettres sur les miracles ; voyez tome XXV, page 357.
  5. Dans sa lettre du 26 mai (n° 6352), Voltaire ne parle pas de deux petits volumes.