Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6377

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 320-321).

6377. — À M.  THIERIOT.
26 juin.

Mon cher et ancien ami, j’aurais plus de foi à votre régime qu’à l’eau de M.  Vyl. La véritable eau de santé est de l’eau fraîche, et tous ceux qui prétendent faire subsister ensemble l’intempérance et la santé sont des charlatans. Une meilleure recette est celle qu’on vous envoie de Brandebourg tous les trois mois[1]. Votre arrangement me paraît très-bien fait et très-adroit : il n’y a personne auprès de votre correspondant qui puisse l’avertir qu’on lui donne du vieux pour du nouveau. Il serait à souhaiter que le public donnât dans le même panneau, et qu’il relût nos auteurs du bon temps, au lieu de se gâter le goût par les misérables nouveautés dont on nous accable.

Vous êtes sans doute informé du nouveau livre qui paraît sous le nom de Frèret[2] ; c’est un excellent ouvrage qui doit déjà être connu en Allemagne. Les citations sont aussi fidèles que curieuses, les preuves claires, et le raisonnement si vigoureux qu’il n’y a qu’un sot qui puisse y répliquer. Les Lettres sur les miracles[3] de Baudinet et de Covelle ne sont point encore connues en France.

Si je trouve dans mes paperasses quelques petits morceaux qui puissent figurer dans vos envois, je ne manquerai pas de vous en faire part ; mais à présent je suis si occupé de l’édition in-4° que les Cramer font de mes anciennes sottises, je suis si enseveli dans des tas de papiers, que je ne peux rien débrouiller ; mais quand je serai défait de cet embarras désagréable, je chercherai tous les matériaux qui pourront vous convenir. Nous comptons avoir incessamment un des neveux de votre correspondant. J’aime bien autant les voir chez moi que de les aller chercher chez eux. Nous avons eu l’abbé Morellet ; c’est un homme très-aimable, très-instruit, très-vertueux. Voilà comme les vrais philosophes sont faits, et ce sont eux qu’on veut persécuter ! Adieu, mon cher ami ; vivez tranquille et heureux.

  1. Le payement de ce que lui donnait le roi de Prusse, dont il était le correspondant littéraire.
  2. Voyez lettre 6306.
  3. Voyez tome XXV, page 357.