Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6452

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 380-381).

6452. — À M. DAMILAVIILLE.
9 auguste.

Je vous prie, monsieur, de n’écrire qu’à moi le résultat de nos affaires. Il n’y a point d’autre adresse qu’à M. Boursier, chez M. Souchai, au Lion d’or, à Genève. Mes associés sont toujours dans les mêmes sentiments. Il y a des blessures que le temps guérit ; il y en a d’autres qu’il envenime.

Nous avons reçu toutes vos lettres. Les espérances que vous nous avez données nous ont apporté quelques consolations ; mais les idées que nous avons conçues sont si flatteuses que je crains bien que ce ne soit un beau roman.

Je vous l’ai déjà dit[1] : les plus petits liens arrêtent les plus grandes résolutions. Il y a des monstres qui n’ont subsisté que parce que les Hercules qui pouvaient les détruire n’ont pas voulu s’éloigner de leurs commères.

Comme on s’entretient de tout à Genève, on a beaucoup parlé de la fausse démarche du parlement. Nos politiques prétendent que si le parlement s’était contenté de présenter humblement au roi le mémoire de M. de La Chalotais, il aurait touché Sa Majesté au lieu de l’aigrir. Pour moi, qui ne suis point politique, et qui ne me mêle que des affaires de mon commerce, je ne décide point sur ces questions délicates. Je joins, comme vous, un peu de philosophie à mes occupations, et c’est là que je trouve le seul soulagement qu’on puisse éprouver dans les malheurs de la vie.

J’ai entendu parler confusément de ces jeunes écervelés d’Abbeville ; mais comme on dit que ce sont des enfants de quinze à seize ans, je crois qu’on aura pitié de leur âge, et qu’on ne leur fera point de mal.

Nous vous sommes plus tendrement attachés que jamais.


Boursier et compagnie.

  1. Voyez lettre 6446.