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Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6758

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 123-124).
6758. — À M. DAMILAVILLE.
20 février.

Les aveugles, mon cher ami, sont sujets à faire d’énormes méprises. Lorsque le paquet contenant le mémoire des Sirven arriva, nous ne songeâmes pas seulement s’il était accompagné d’une lettre. Nous nous jetâmes dessus avec avidité : il fut lu sur-le-champ, à haute et intelligible voix, par M. de La Harpe. Nous pleurions tous, nous disions tous : Ce M. de Beaumont s’est surpassé ; le mémoire des Sirven est bien supérieur au mémoire des Calas ; le conseil du roi fondra en larmes. Aussitôt nous envoyons le mémoire aux Sirven pour le signer ; ils le signent ; le mémoire part à l’adresse de M. de Courteilles. Quand tout cela est fait, on lit votre lettre ; on voit que le mémoire est de vous, qu’il n’est point juridique, que Sirven ne devait point le signer : alors nous nous promettons le secret. Je vous écris un mot à la hâte ; je vous dis que votre mémoire est chez M. de Courteilles. Si on ne vous l’a pas remis, courez vite chez lui, reprenez votre excellent ouvrage ; et, si vous voulez qu’il soit imprimé, renvoyez-le-moi : il fera un grand effet dans les pays étrangers ; mais, surtout, que M. de Beaumont donne le sien ; il nous fait périr par ses lenteurs.

Il y a six ans qu’une famille innocente gémit, et il y a deux ans que M. de Beaumont devrait avoir fini ses peines : il ne sait donc pas combien la vie est courte.

Bonsoir, mon très-cher ami ; mon corps et mes yeux vont bien mal ; mais aussi j’entre dans ma soixante et quatorzième année, malgré la fausse date de mes estampes. Écr. l’inf…