Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6759

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 124).
6759. — À M. LE DUC DE CHOISEUL.
À Ferney, 20 février.

Monseigneur, j’ai reçu les deux lettres dont vous m’avez honoré, avec un passe-port général, mais non pas dans leur temps, parce que vos bontés ne me sont parvenues que par les cascades de la dragonnade.

Je vous ai envoyé le Discours[1] de M. de La Harpe, qui a remporté le prix à l’Académie. La justice qu’il vous a rendue a beaucoup contribué à lui faire remporter ce prix. Son ouvrage a été applaudi de tout le public.

Je ne sais si on vous a envoyé le mémoire ci-joint : permettez-moi la liberté de vous le présenter ; comptez qu’il est exact et fidèle. Il sera bien difficile de vivre dorénavant dans le pays de Gex sans votre protection. Je vous la demande aussi pour les Scythes ; je les ai retravaillés suivant les judicieuses remarques que vous avez daigné faire. Je n’en ai fait imprimer que quelques exemplaires, pour épargner la peine des copistes ; l’édition ne paraîtra à Paris que quand vous en serez content.

Je serais bien flatté si vous pouviez honorer la première représentation de votre présence.

J’ai bien des querelles avec M. d’Argental pour les Scythes, sur le cinquième acte ; mais je m’en rapporte à vous.

Je suis pénétré de vos bontés, elles font ma consolation dans mes misères. M. le chevalier de Jaucourt ne m’a vu qu’aveugle et malade. J’étais mort, si je ne m’étais pas égayé aux dépens de Jean-Jacques, de la demoiselle Levasseur, et de Catherine[2].

Je me mets à vos pieds avec la plus tendre reconnaissance et le plus profond respect.

  1. Voyez la note sur la lettre 6622.
  2. Catherine Ferbot, qui joue un rôle dans le poème de la Guerre civile de Genève ; voyez tome IX, et aussi les Questions sur les miracles, tome XXV, page 406.