Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7195

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 547).
7195. — À M. HENNIN.
Mardi au soir, 1er mars.

Mon cher ministre, mon ministre prédicant, j’ai l’honneur de vous renvoyer votre gazette. Elle donne quelques espérances aux cœurs bien faits. Je commence a croire que les ordres donnés à tous les gouverneurs de place sont quelque chose de sérieux.

La petite mièvreté de La Harpe n’est pas si sérieuse[1] ; mais elle est certaine et avérée. Je sais que le Galien en avait retenu quelques vers ; mais je suis très-sûr qu’il n’en avait point pris de copie. D’ailleurs cet Antoine, ce sculpteur dont La Harpe prétendait tenir le manuscrit, a été interrogé par un de mes amis. Sa réponse a été que La Harpe était un menteur, et quelque chose de pis. Cette infidélité m’a fait beaucoup de peine. Mais je pardonne aisément. J’attends les beaux jours pour vous venir voir dans votre château de Gaillardin, car pour Genève, il n’y a pas moyen que j’aille me fourrer à travers de leurs tracasseries.

Maman[2] est partie ; me voilà ermite. Vous savez que le diable le devint quand il fut vieux. Mais, quoi qu’on die, je ne suis pas diable.

Intérim vale. V.

  1. Il avait pris copie du second chant de la Guerre civile de Genève, et soustrait quelques autres ouvrages de Voltaire ; voyez tome XXVII, page 17.
  2. Mme Denis.