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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7865

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 58).
7865. — À M. ÉLIE DE BEAUMONT. [1].
Le 25 d’avril.

Mon cher ami, les dévots qui cabalaient contre M. de Lupé étaient sans doute les Grizel et les Billard. Votre second mémoire est un des plus forts, des plus éloquents, des plus concluants que vous ayez jamais faits. J’approuve fort le respect avec lequel vous recevez les lettres de cachet ; mais pour la joie, il me paraît qu’elle est de trop. Le respect suffisait. La joie n’est bien placée qu’à l’audience, où l’on fait payer une lettre de cachet vingt mille francs[2].

On pourrait parler de cette affaire dans le Dictionnaire encyclopédique, et vous rendre justice sur tous les points, excepté sur celui de la joie. On pourrait glisser cet article dans celui d’Arrêts notables. On n’oublierait pas M. Target ; mais il serait bon d’avoir son plaidoyer.

Peut-être le beau-frère de Fréron, à qui ce Fréron a servi d’espion, dont il avait été le délateur, et contre lequel il a obtenu une lettre de cachet, vous priera de le prendre sous sa protection. C’est alors que le public vous bénirait, et qu’on vous battrait des mains depuis votre maison jusqu’à la grand’chambre.

Je n’ai pas plus de nouvelles aujourd’hui de l’affaire de Sirven que s’il ne l’eût jamais entreprise. Il se pourrait bien faire qu’il l’eût abandonnée. Je vous ai déjà dit que je soupçonnais fort sa cervelle et celles de toute sa famille d’être mal timbrées.

Ma lettre est courte, mon cher ami ; nous sommes tous malades au château, et moi plus que les autres, parce que je suis le plus vieux. Nous avons au mois d’avril dix pieds de neige d’un côté et trente de l’autre. Ce sont là de terribles lettres de cachet de la cour d’en haut.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Élie de Beaumont avait fait obtenir ce dédommagement à la comtesse de Lancize, mise arbitrairement à la Bastille.