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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7921

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 108-109).
7921. — DE M. HENNIN[1].
À Genève, le 17 juin 1770.

Vous êtes sans doute instruit, monsieur, de la manière dont le sergent de garde à la porte de Cornevin, et le visiteur de cette porte, ont traité votre commissionnaire. J’ai été averti sur-le-champ de cette affaire et des circonstances qui l’aggravent, parce qu’elles vous regardent. J’en ai demandé réparation par écrit au syndic de la garde. Il m’a répondu qu’il allait faire faire les informations. Nouvelle lettre de ma part, telle que je ne crois pas qu’on balance à punir ces insolents. Les têtes se renversent plus que jamais à Genève. On ne sait plus où est l’autorité, ni le moyen de se faire rendre justice. Il faudra se fâcher. J’ai un petit recueil de faits déplaisants que ces messieurs redresseront, ou ils éprouveront encore de la part de monsieur le duc à quoi s’exposent les petits, quand ils se croient puissants.

Je pense que les procédures contre les natifs qui sortent volontairement cesseront, parce que je demanderai en forme à ces messieurs si un Genevois, pour habiter en France, perd ses droits dans sa patrie. La réponse pourra les embarrasser. Ils en sentiront les conséquences. Et si les bourgeois qui obligent les magistrats à poursuivre les émigrants ne sont pas entièrement les maîtres, j’espère qu’on n’ajoutera pas cette sottise aux autres.

Je souhaite que vous puissiez faire tout le bien que vous désirez.

Mes respects à Mme Denis.

P. S. Je rouvre cette lettre, monsieur, pour vous assurer de nouveau que je vais suivre l’affaire qui en est l’objet. Je crois que c’est pour rendre la chose plus touchante que Dalloz m’a fourré dans les ordures de ces messieurs, car mes gens, qui étaient présents, et qui ont pensé rosser le sergent et le visiteur en vous entendant injurier, ne se seraient pas tus si j’avais été apostrophé. Faites, je vous prie, faire une déposition en forme à votre homme. Je juge de votre humeur par la mienne. Comptez que je ferai ce que je pourrai pour avoir pleine satisfaction. M. le duc de Choiseul est déjà prévenu que l’insolence de la nombreuse canaille de Genève est poussée à l’extrême. Reste à savoir comment il voudra y mettre fin, s’il est possible.

J’aurai l’honneur de vous voir dès que je le pourrai.

  1. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.