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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 8002

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 179).
8002. — À MADAME D’HORNOY.
À Ferney, 20 auguste.

Vous faites, madame, le bonheur d’un homme à qui je tiens par les liens de l’amitié encore plus que par ceux de la nature. Le seul plaisir qui reste aux vieillards est d’être sensibles à celui des autres. Je vous dois la plus grande satisfaction que je puisse goûter : la vôtre est bien rare de vivre avec un bon mari sans quitter le meilleur des pères. M. d’Hornoy égaye la retraite de Mme Denis et la mienne, en nous disant combien il est enchanté. Mme Denis doit vous dire tout ce qui peut plaire à de nouveaux mariés : les femmes entendent cela cent fois mieux que les hommes. Pour moi, je vous dirai que vous êtes bien bonne, au milieu du fracas des noces, de l’embarras des visites et des compliments, et des occupations plus sérieuses, d’écrire à un vieux solitaire inutile au monde ; je vous en remercie. Vous avez encore un mérite de plus, c’est que votre lettre est fort jolie, et que votre écriture ne ressemble pas à celle de votre mari, qui écrit comme un chat, aussi bien que son autre oncle l’abbé Mignot. L’abbé Dangeau, de notre Académie française, renvoyait les lettres de sa maîtresse quand elles étaient mal orthographiées, et rompait avec elle à la troisième fois. Moi, qui suis aussi de l’Académie, je ne vous renverrai pas votre lettre, madame : il n’y manque rien ; je la garderai comme une chose qui m’est bien chère. Je vous aime déjà comme si je vous avais vue et, sans oublier le respect qu’on doit aux dames, j’ai l’honneur d’être de tout mon cœur, madame, votre, etc.