Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8165
Je suis très-abasourdi, monsieur, très-affligé et très-malade. Si quelque chose peut me consoler, c’est que vous n’êtes rien de tout cela. Vous devez être tranquille au milieu des orages ; rien ne doit vous alarmer, parce que rien ne peut vous nuire. Vous conservez toujours vos places, et vous aurez pour vous la voix publique.
Je n’écris point au très-aimable commandant de la Bresse et du petit pays de Gex, où l’on meurt de faim et où le pain blanc coûte neuf sous la livre. On a été obligé de renvoyer un bataillon d’artillerie qui était à Versoy, parce qu’on n’avait pas de quoi le nourrir. Tout nourrit ma douleur, et il n’y a que cela de bien nourri dans mes déserts.
Je vous prie, monsieur, si vous voyez, comme je n’en doute pas, mon très-aimable commandant[2], d’avoir la bonté de l’assurer des inutiles sentiments du plus humble et du plus triste de vos serviteurs, qui vous sera attaché bien respectueusement tant qu’il vivra.