Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8228
Mon cher philosophe ne m’a point répondu quand je lui ai demandé[1] s’il avait reçu trois volumes par la voie de M. Marin ; le prie instamment de vouloir bien m’en informer. Je hasarde enfin de lui envoyer l’Épître au roi de Danemark[2], avec un peu de prose versifiée, adressée à lui-même[3]. Ce n’est pas trop le temps de s’occuper de ces coïonneries ; mais j’aime mieux m’égayer sur les excréments de la littérature que sur d’autres excréments.
Je supplie mon cher philosophe de ne donner aucune copie des fadaises à lui envoyées. Il peut les lire tant qu’il voudra à ses amis, mais il ne faut pas mettre le public dans sa confidence.
Voilà donc une quatrième place à remplir[4] ; donnez-la à qui vous voudrez ; pourvu que ce ne soit pas à ce fripon de nasillonneur[5], je suis content. Demandez à Lalande, qui est voisin de ses terres, s’il n’est pas célèbre dans le pays par les rapines les plus odieuses. M. de Condorcet pourrait-il succéder [6] à M. de Mairan ? Il n’a rien fait, dira-t-on ; tant mieux : nous avons plus besoin de gens qui jugent que de gens qui fassent.
Je n’ai rien à dire sur tout ce qui se passe aujourd’hui ; tout ce que je puis me permettre, c’est de détester du fond de mon cœur les assassins du chevalier de La Barre jusqu’au dernier moment de ma vie : c’est ainsi que je vous aimerai.