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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8279

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Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 425).
8279. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE[1].
8 mai.

Il est aussi impossible, mon cher Baron, d’avoir une montre à répétition pour quatre louis que d’avoir à Paris un esturgeon pour quatre sous ; ainsi je vous conseille de renoncer à cette idée.

M. de Belloy mérite une pension de la cour pour avoir ramené au spectacle les oisifs de Paris[2], qui ne s’occupaient que de brochures pour et contre l’ancien parlement. Il fait là une belle diversion dont le gouvernement doit lui être très-obligé. C’est le poëte tragique de la nation ; les autres étaient Grecs et Romains. Il est bon qu’il y en ait un qui soit citoyen. Je vous prie de lui faire mes très-sincères compliments.

Je ne me porte pas assez bien, j’ai des affaires trop épineuses et des occupations trop tristes pour songer actuellement à des vers. Chaque chose a son temps ; je suis bien aise d’ailleurs d’oublier entièrement un ouvrage pour le revoir avec des yeux frais.

Portez-vous bien ; Mme Denis s’intéresse bien vivement à votre santé, quoiqu’elle n’écrive point. Ayez la bonté de faire la cour à mes anges, vos voisins, quand vous les verrez, et conservez-moi votre amitié, qui me sera toujours bien précieuse. Je suis un peu aveugle et sourd, et presque mourant ; mais cela n’est rien.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. On venait de jouer Gaston et Bayard avec un grand succès.