Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8292
Madame, j’ai actuellement dans mon ermitage un de vos sujets de votre royaume de Cazan : c’est M. Polianski. Je n’ai jamais vu tant de politesse, de circonspection, et de reconnaissance pour les bontés de Votre Majesté impériale on dit qu’Attila était originaire de Cazan ; si la chose est vraie, il se peut fort bien que le fléau de Dieu ait été un aimable homme : je n’en doute pas même, puisque Honoria, la sœur d’un sot empereur, Valentinien III, devint amoureuse de lui, et voulut à toute force l’épouser.
La cour du roi d’Espagne admire la générosité de M. le comte Alexis Orlof, et la reconnaissance du bacha. Pour la cour de Versailles, elle n’est occupée que des tracasseries des cours de justice[1].
Pendant que ces pauvretés welches amusent sérieusement l’oisiveté de toute la France, peut-être dans ce moment votre flotte détruit celle des Turcs, peut-être vos troupes ont-elles passé le Danube.
On dit cependant que Votre Majesté impériale, à qui le Turc a déjà rendu M. Obreskoff[2], est en train d’écouter des propositions de paix ; pour moi, je crois qu’elle n’est en train que de vaincre.
Je me mets à ses pieds avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance.