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Correspondance de Voltaire/1772/Lettre 8711

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Correspondance : année 1772GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 248-249).
8711. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
18 décembre.

Mon cher ange, il faut que je vous dise que les deux polissons nommés Blancardi[2] sont à Lyon. Ils m’ont écrit un volume prodigieusement fou et absurde ; ils prétendent que M. le marquis de Felino a été obligé de leur envoyer de l’argent. C’est le malheur de ma position sur le chemin d’Italie, d’Allemagne, de Savoie et de Suisse, d’être continuellement exposé à recevoir de tels chevaliers errants et d’industrie. J’ai beau m’en débarrasser autant que je le puis ; si on les chasse par la porte, ils rentrent par la cheminée.

Je fais toujours des réflexions profondes sur la Crète ; je vois que je joue mon argent comptant contre des fiches. Mais, après tout, cet argent comptant n’est que de la fumée. C’est la fumée de la gloire, dit-on ; d’accord. Mais on dit aussi que les sifflets font plus de peine que les battements de mains ne font de plaisir. On dit que, si cela est joué froidement, me voilà honni sans rémission, que nos seigneurs du tripot n’ont pas encore commencé une seule répétition, qu’ils se soucient fort peu de faire valoir une pièce nouvelle.

La scène de Sertorius et de Pompée a de grandes beautés, concedo ; mais que le reste de la pièce soit passable, nego. Oh ! comme je serais bafoué, si je donnais une telle pièce aujourd’hui ! Quel rôle je jouerais dans les journaux !

Mais venons à des choses plus intéressantes. Est-il vrai que le roi d’Espagne a retranché environ quatre cent mille livres de rente à votre infant ?

Comment se porte surtout Mme d’Argental ?

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la lettre à d’Argental du 8 juillet.