Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8768

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 306-307).
8768. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.
À Ferney, 12 février.

Je vous envoie, mon cher Baron, le billet que vous me demandez.

Vous devez actuellement, vous et M. d’Argental, connaître celui qui m’a joué ce tour cruel, et que j’ai deviné dès le premier moment[1] ; cela doit vous dégoûter de messieurs de la Comédie.

Le comédien qui se plaint de Valade se plaint sans doute de ce que ce libraire a mis trop tôt en vente l’indigne ouvrage qu’il lui avait vendu ; en un mot, cette infamie est démontrée.

J’écris à M. le maréchal de Richelieu, et je le supplie d’empêcher les comédiens de jouer une pièce si horriblement défigurée. Valade a menti impudemment à M. de Sartines. Il n’y a dans tout le pays, autour de Genève, d’autre exemplaire des Lois de Minos, actuellement, que celui que Grasset, libraire, habitué à Lausanne, a fait venir de Paris, et que Grasset lui-même m’a envoyé. J’ai cette infâme édition entre les mains. Grasset même, voulant l’imprimer, y a mis des pages blanches pour y faire les corrections nécessaires. Il est bien étrange qu’on n’ait pas fait saisir à Paris l’édition de Valade, sur laquelle il n’a nul droit.

L’état où je suis ne me permet pas d’en dire davantage sur cette malheureuse affaire ; je ne veux pas croire qu’elle ait contribué à augmenter mon mal.

Je suis très-fâché de toutes les peines que cette perfidie vous a causées, et j’oublie mon chagrin pour ne m’occuper que du vôtre.

  1. Il se trompait ; voyez la note 2 de la page précédente.