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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8779

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 317-318).
8779. — À M. LE MARQUIS DE CONDORCET[1].
1er mars.

J’ai reçu, monsieur, un petit ouvrage d’or[2] à mon vingt-deuxième accès de fièvre ; je l’ai lu tout de suite. Je ne suis pas guéri ; mais je suis en vie, et je crois que c’est à vous que je le dois.

Cet ouvrage est un monument bien précieux ; vous paraissez partout le maître de ceux dont vous parlez, mais un maître doux et modeste ; c’est un roi qui fait l’histoire de ses sujets. Je parle des Français, car pour Huygens et Roëmer, je les mets à part. Je n’ose vous remercier, parce que je n’ose me reconnaître dans un de vos portraits.

Si vous voyez M. de La Lande, je vous supplie de lui dire que mon triste état m’a empêché jusqu’à présent de lui faire réponse sur Coge pecus, mais que, si j’en réchappe, il aura bientôt de mes nouvelles[3].

Il est bien étrange que je sois obligé, la mort sur les lèvres, de répondre à un avocat, et que je sois en quelque façon partie dans le procès de M. de Morangiés.

Je soumets mes raisons à vos lumières. Il me semble que la cause de M. de Morangiés ne devrait être jugée que par des philosophes qui savent peser les probabilités.

Regardez, je vous prie, monsieur, comme une démonstration, les assurances de ma respectueuse estime et de mon tendre attachement.

Le vieux Malade de Ferney.

P. S. Je vous envoie ce chiffon par M. Marin. Si vous m’aviez donné votre adresse, je vous l’aurais adressé en droiture ; mais dans votre dernière lettre vous me dites des choses fort ingénieuses et fort agréables des dames de Paris, et vous ne m’avez point donné d’adresse.

  1. Œuvres de Condorcet, tome Ier ; Paris, 1847.
  2. Éloge des académiciens morts avant 1699.
  3. Voyez, tome XXIX, page 47, la Lettre sur la prétendue comète.