Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/8/1768/Septembre

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SEPTEMBRE
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1er septembre 1768.

Le petit roman de l’Ingénu, dont M. de Voltaire nous fit présent l’année dernière, eut le succès le plus brillant. Un auteur qui n’aurait jamais fait que cette bagatelle serait compté à juste titre parmi les plus beaux esprits de la nation ; dans les chefs-d’œuvre de tout genre que nous devons au premier homme du siècle, ce petit roman est à peine aperçu et se perd dans la foule, ou s’il est compté parmi les titres de M. de Voltaire à l’immortalité, ce n’est que parce qu’il est sans exemple qu’un vieillard de soixante-quatorze ans ait conservé la chaleur et les grâces de l’imagination, les agréments et le charme des écrits de sa première jeunesse.

Le succès du roman a fait naître l’idée de procurer à l’Ingénu un établissement sur le théâtre de la Comédie-Italienne, parmi les notables de l’opéra-comique du nouveau genre. Il s’est fait afficher le Huron, comédie en deux actes et en vers, mêlée d’ariettes, et a pris son rang le 20 du mois passé au milieu des applaudissements et des acclamations du public. Il est vrai qu’il doit l’accueil qu’il a reçu principalement à son musicien et aux acteurs, et qu’on a dit avec assez de raison beaucoup de mal de l’auteur de la pièce ; mais, dans la disette absolue où nous sommes de poëtes qui entendent ce genre, il faut encore savoir gré à celui qui n’entraîne pas son musicien avec lui dans sa chute, ou le féliciter s’il a trouvé un compositeur assez excellent pour l’empêcher de tomber malgré tout ce qu’il a pu faire pour se casser le cou.

L’auteur du Huron a cette obligation à son musicien. Il n’avait qu’à faire mettre sa pièce en musique par M. Kohaut, et c’eût été un moyen infaillible de tomber tout à plat : le génie de M. Grétry a soutenu le poëte sur le bord du précipice où sa maussaderie et sa maladresse l’auraient infailliblement jeté ; grâce à ce charmant compositeur, le Huron restera même au théâtre, malgré tout ce que le poëte a fait pour l’en faire chasser.

Il n’a pas senti qu’il faut avoir tout juste le double de la gaieté, de la folie, de la verve de l’auteur du roman, quand on veut mettre ce roman sur la scène. Il a cru qu’en suivant pas à pas le roman, en copiant servilement jusqu’aux discours et aux expressions, il en ferait passer l’originalité et les agréments dans sa pièce. C’est un barbouilleur du pont Notre-Dame, qui, par une grisaille lourdement et maussadement faite, se flatte d’avoir atteint l’esprit et la vérité d’un tableau de Téniers.

L’auteur du Huron ne s’est pas fait connaître ; mais tout le public a nommé M. Marmontel, et il n’y a pas moyen de se refuser à l’évidence. Cette pièce est certainement son ouvrage, il porte son cachet à chaque ligne ; il doit au jeu niais de Laruette, à la voix de Mme Laruette, à la beauté et au jeu du charmant Huron Caillot en habit sauvage, et surtout à la musique admirable et délicieuse de M. Grétry, un succès qui n’est pas exempt d’amertume pour lui, puisque le public, tout en se portant à cette pièce avec une affluence prodigieuse, continue de dire beaucoup de mal des paroles.

Il en dit même trop ; car, enfin, ce qu’il y a de choquant passe si vite, est masqué par une musique si charmante, qu’on ne s’ennuie pas un instant. Le poëte a même un mérite sur lequel on ne lui a pas rendu justice, et qui n’est pas médiocre : c’est d’avoir bien senti la place de l’air et d’en avoir bien coupé les paroles. Je ne sais comment on a pu apprendre ce secret à notre ami Marmontel ; je me souviens que dans le temps de la Bergère des Alpes il n’y eut jamais moyen de lui faire comprendre que la longueur et la coupe des vers n’étaient pas indifférentes pour le rhythme de la musique. Il se débattait dans ce temps-là comme un forcené contre les arguments du chevalier de Chastellux et de l’abbé Morellet, et je me divertissais beaucoup de l’endoctrinement obstiné des uns et de l’invincible résistance de l’autre. Il faut que, cette fois-ci, M. le comte de Creutz, ou le musicien même, ait trouvé le secret de le rendre docile car il est constant que la plupart des paroles des airs sont très-bien faites. Il n’a pas su en varier les caractères aussi heureusement, mais c’est faute d’entente du théâtre ; il a placé, par exemple, au commencement du premier acte deux ou trois airs tendres de suite pour le Huron, et à la fin du second acte il lui fait chanter de suite deux ou trois airs de grand mouvement et de désespoir : c’est ne pas savoir employer ses richesses, et leur faire tort par sa gaucherie. Ce pauvre Marmontel n’entendra de sa vie ni le théâtre en général, ni ce genre particulier qui exige une grande rapidité et une grande variété de situations. Je le trouvai à la seconde représentation ; je me plaçai à côté de lui. Nous avions devant nous un certain M. Girard qui a été longtemps en Italie, et qui est grand connaisseur en musique nous faisions nos remarques sur la musique du Huron à mesure que la pièce avançait ; vers la fin, Marmontel me dit avec une bonne foi qui me fit rire : « Je vous avoue que je ne comprends absolument rien à tout ce que vous venez de dire. »

Son musicien nous aurait bien compris. Ce M. Grétry est un jeune homme qui fait ici son coup d’essai ; mais ce coup d’essai est le chef-d’œuvre d’un maître qui élève l’auteur sans contradiction au premier rang. Il n’y a dans toute la France que Philidor qui puisse se mesurer avec celui-là, et espérer de conserver sa réputation et sa place. Le style de Grétry est purement italien. Philidor a le style un peu allemand, et en tout moins châtié ; il entraîne souvent de force, par son nerf et par sa vigueur. Grétry entraîne d’une manière plus douce, plus séduisante, plus voluptueuse ; sans manquer de force lorsqu’il le faut, il vous ôte, par le charme de son style, la volonté de lui résister ; du côté du métier, il est savant et profond, mais jamais aux dépens du goût. La pureté de son style enchante : le plus grand agrément est toujours à côté du plus grand savoir ; il sait surtout finir ses airs et leur donner la juste étendue, secret très-peu connu de nos compositeurs. Vous avez pu remarquer dans le cours de l’extrait de cette pièce combien sa musique est variée depuis le grand tragique jusqu’au comique, depuis le gracieux jusqu’aux finesses d’une déclamation tranquille et sans passion, on trouve dans son opéra des modèles de tous les caractères. Cet ouvrage a réveillé en moi la fureur de la musique, à laquelle mes occupations m’empêchent de me livrer, et que j’ai tant de peine à dompter malgré toute l’assistance que je reçois de la part des compositeurs français.

M. Grétry est de Liége ; il est jeune, il a l’air pâle, blême, souffrant, tourmenté, tous les symptômes d’un homme de génie. Qu’il tâche de vivre, s’il est possible[1] ! Il a passé dix ans de sa vie à Naples ; et quand on entend son harmonie et son faire, on n’en peut douter. Il a passé ensuite quelque temps à Genève, et puis il est venu à Paris. J’ai quelque regret de le voir abandonner une langue divine pour une langue si ingrate en musique ; mais si c’est là son arrêt de condamnation, qu’il s’y soumette et qu’il nous enchante ! Il avait commencé à travailler pour le théâtre de l’Opéra, en mettant en musique les Mariages Samnites, poëme de M. Légier, tiré des Contes de M. Marmontel ; il y a environ neuf ou dix mois qu’on en fit une répétition chez M. le prince de Conti, en présence de deux cents personnes du premier rang. Cette répétition se fit si précipitamment, avec tant de négligence ou de mauvaise volonté, qu’il n’y eut pas moyen d’y rien connaître ; et les directeurs de l’Opéra laissèrent là le compositeur et son ouvrage. Ces messieurs ont une peur de diable que la musique ne prenne racine dans leur boutique, et ne les force de se défaire de ce vieux et détestable fonds dont ils osent nous repasser les guenilles l’une après l’autre avec une témérité bien justifiée par la dureté et l’ineptie de nos oreilles. Le succès brillant que M. Grétry vient d’avoir sur le seul théâtre que la musique puisse regarder comme son asile en France peut du moins faire sentir à ces tristes directeurs quel homme ils ont dédaigné ou desservi. Tous les polissons réussiront avec leurs pauvretés sur le théâtre de l’Opéra ; vous verrez que les deux seuls hommes qui sachent faire de la musique en France, Philidor et Grétry, seront les seuls aussi qui ne pourront réussir à l’Opéra.

On dit que M. Grétry a pris quelques-uns des plus beaux morceaux des Mariages Samnites pour les mettre dans le Huron. Le récitatif obligé et l’air de Mme Laruette sont sans doute de ce nombre. Son Huron tel qu’il est peut se placer hardiment à côté de Tom Jones, le plus bel ouvrage qui soit au théâtre, et bien hardi celui qui osera se mettre au milieu.

Puis que nous avons parlé de l’Opéra, que rien ne devrait rappeler quand il est question de musique, il faut dire ici qu’on avait proposé de donner l’opéra d’Ernelinde, par Philidor, pendant le séjour prochain du roi de Danemark en cette capitale ; mais un grand politique ayant remarqué qu’il y avait dans cet opéra un prince danois dans les fers, quoique injustement, et s’en tirant glorieusement, on prétend que cet ouvrage ne sera pas repris et qu’on donnera l’opéra de Phaéton, dont l’histoire n’a de liaison avec celle du Danemark qu’autant qu’il peut y avoir des cochers maladroits en tout pays. On dit que les trois spectacles tâcheront de contribuer de leur mieux à l’amusement de ce monarque, et que Mlle Clairon jouera pour Sa Majesté successivement les rôles d’Ariane, d’Aménaïde et d’Électre, sur le théâtre des Menus-Plaisirs du roi. Il court, à l’occasion de l’arrivée du roi de Danemark, un mot de M. le baron de Gleichen, son ministre en France, et ce mot a eu un grand succès. Une dame de la cour, qu’on ne nomme point, apostropha M. de Gleichen au milieu d’un cercle à Compiègne, et lui dit : « Monsieur l’envoyé, on dit que votre roi est une tête… — Couronnée, madame, » lui répondit M. de Gleichen avec son air doux, humble et fin, en s’inclinant profondément.

— Un Anglais causant dernièrement avec M. Diderot lui disait : « Je ne sais comment vous avez fait en France pour fixer votre langue depuis plus de cent ans et la rendre pour ainsi dire immuable, tandis que la nôtre varie sans cesse et n’a point de règle constante. — C’est, monsieur, lui répondit le philosophe, que vous n’avez pas comme nous quarante oies qui gardent le Capitole. » Si ce mot vient aux oreilles du vieux Piron il sera, je crois, très-fâché de ne pas l’avoir dit ; mais si les quarante oisons de l’Académie continuent de marcher dans le sentier bourbeux qu’ils ont enfilé depuis quelque temps, ils seront bientôt couverts de boue, et, au lieu de garder le Capitole, ils l’auront trahi et livré. Ce qui vient d’arriver au sujet du prix de poésie que l’Académie avait à distribuer cette année est tout à fait scandaleux. Après avoir exclu du concours la pièce de M. Rulhière pour des motifs étrangers au mérite de la poésie, l’Académie a décerné le prix à M. l’abbé de Langeac, auteur d’une Lettre d’un fils parvenu à son père laboureur. Cet abbé de Langeac est un enfant de quinze ans. Il est fils de cette célèbre Mme Sabatin qui a épousé un marquis de Langeac, il y a quelques années, et qui, ainsi que ses enfants, en porte le nom depuis cette époque. Son fils l’abbé avait pour concurrent au prix M. de La Harpe et plusieurs autres poëtes qui ont un peu de réputation. Vous me direz que si l’abbé enfant a mieux fait que ses rivaux, l’Académie n’a fait que justice en le couronnant. Mais cette Lettre d’un fils parvenu à son père laboureur est misérable. Elle est fort courte et on ne peut pas la lire sans être excédé de sa pauvreté et de sa platitude. Cela n’annonce aucun talent, cela ne renferme aucune idée passable. C’est le ramage insipide d’un petit serin qui n’a pas plus de sang dans ses veines que de cervelle dans sa tête. Si, parmi les quatre-vingt-six pièces que l’Académie avait reçues pour disputer le prix de poésie, il ne s’en est trouvé aucune qui ait été jugée digne de l’emporter sur la Lettre du fils parvenu, il ne fallait pas donner de prix du tout ; il fallait que l’Académie le réservât pour l’année prochaine et pour un concours plus digne de l’avoir pour arbitre. Mais sans connaître la pièce intitulée le Philosophe, que M. de La Harpe avait envoyée au concours, je soutiens qu’il est impossible qu’elle n’ait pas été supérieure à cette pitoyable Lettre d’un fils parvenu, car enfin M. de La Harpe sait faire des vers ; il est bien difficile qu’il en ait fait une centaine sans en rencontrer quelques-uns d’heureux, et s’il y a un seul bon vers dans sa pièce elle méritait la préférence sur celle de M. de Langeac. M. de La Harpe n’a pas voulu faire imprimer son discours en vers. Il dit que c’est par égard pour l’Académie ; cela peut n’être pas prudent à dire, mais je crois cela vrai dans toute sa rigueur ; bien plus : je soutiens que le discours de M. Le Prieur, avocat au Parlement, intitulé la Nécessité d’être utile, qui a concouru et qu’on a imprimé depuis, est très-supérieur à la pièce couronnée, et qu’elle ne devait pas lui disputer le prix un instant.

Cette bassesse des Quarante a remporté de son côté le prix de l’indignation publique, qui lui a été décerné sur-le-champ. Et d’abord l’Académie s’est jugée elle-même. Ordinairement elle publie avant la fin de juillet le nom du poëte couronné ; cette fois-ci elle a tenu le cas secret jusqu’à la séance publique. Malgré ses précautions, la chose s’est ébruitée quelques jours auparavant ; le secret même qu’on affectait n’était qu’une maladresse insigne, puisqu’il préparait le public à une décision extraordinaire et qu’il redoublait sa curiosité. Lorsqu’on sut le nom du poëte couronné, le mépris pour la décision de l’Académie perçait déjà de tous côtés. Cependant les jugements restaient suspendus. Il n’était pas impossible qu’un enfant de quinze ans ait fait une belle pièce de vers ; M. de Voltaire aurait pu être couronné à quinze ans sans aucune injustice ; peut-être l’enfant couronné était-il un second Voltaire. On pouvait encore supposer que l’abbé de Langeac ne manquait pas de teinturier, et que quelque poëte courtisan avait fort bien pu lui faire présent d’une épître en vers en échange d’une protection assurée. Le jour de l’assemblée publique devait fixer et réunir tous les jugements. Ce jour arrive. Toute la jeunesse poétique se porte en foule à l’Académie. Il y avait tant de monde que la pièce qui précède celle où l’Académie tient sa séance publique était aussi remplie que la salle même. L’académicien Marmontel était chargé de lire la pièce couronnée. C’est un des plus grands lecteurs que je connaisse ; il a un art singulier pour faire valoir les mauvaises choses, soit en les escamotant, soit en vous étourdissant d’un ronflement des plus imposants. Il commence. On écoute. Bientôt on juge l’épître telle qu’elle est, les huées s’en mêlent. La jeunesse qui est dans la pièce voisine fait d’autant plus de bruit qu’elle ne peut rien entendre de ce qui se passe dans la salle de l’Académie. Elle se range autour d’une longue table et se met même à contrefaire la séance académique avec de grandes risées. Cependant M. Marmontel continue intrépidement sa lecture, il redouble d’art et de séduction. Il s’attendrit, il s’échauffe, il lit avec une onction étonnante. Rien n’y fait. Les huées redoublent avec l’attendrissement du lecteur, qui, excédé du bruit, s’écrie avec un mouvement d’indignation : Voilà qui est détestable ! Aussitôt le public applique ce mot à la pièce ; il part un battement de mains général qui achève de déconcerter l’académicien. C’est sous ces mêmes applaudissements que le poëte couronné a reçu sa médaille. On a même eu l’insolence d’afficher à la porte de l’Académie le distique suivant, répétant la formule ordinaire de tous les ordres de la cour :

Ordre est venu de trouver ces vers beaux,
Signé Louis, et plus bas Phélypeax.

Voilà la seconde fois que l’Académie se fait huer chez elle à ma connaissance. Lorsqu’elle partagea, il y a trois ans, le prix de l’Éloge de Descartes entre M. Thomas et M. Gaillard, le public lui donna la même marque d’estime et de reconnaissance.

M. l’abbé de Langeac, de peur de manquer le prix, a envoyé deux autres pièces au concours. L’une est une Épître d’un fils à sa mère. Ce poëte est rempli de piété envers père et mère ; c’est son faible. L’autre est une Ode sur la colère. Ces deux pièces sont aussi imprimées avec une églogue qui n’a pas concouru, et tous ces différents morceaux confirment de plus en plus l’opinion qu’on doit se former du talent de l’auteur.

L’Académie a accordé l’accessit à M. Fontaine pour une Épître aux pauvres, qui est une pauvre épître et qui figure très-bien à côté de la pièce couronnée. Elle s’est bien gardée de donner un accessit au poëme de M. Le Prieur. Elle a fait mention honorable d’une épître intitulée les Ruines, par M. Cœuilhé, qui voyage en Italie. Il y a eu aussi mention honorable du poëme de M. Le Prieur, intitulé la Nécessité d’être utile. M. Mercier a fait imprimer une épître philosophique qu’il a envoyée au concours et qui a pour titre : Que notre âme peut se suffire à elle-même. Je voudrais bien que l’âme de M. Mercier se fît assez suffisante pour laisser la mienne en repos.

— L’Académie royale de peinture et de sculpture a fait, cette année, une injustice toute pareille à celle de l’Académie française. Elle a décerné le prix de peinture à celui de ses élèves qui a fait le plus beau tableau[2] ; mais le prix de sculpture a été donné contre toute justice à un élève de Pigalle[3], et l’on en a frustré un élève de Le Moyne, dont le morceau, au sentiment de tout le monde, était très-supérieur à tous les morceaux exposés au concours. Celui des élèves qui remporte le prix est reçu pensionnaire du roi à l’École royale de peinture et de sculpture et va ensuite aux frais de Sa Majesté à Rome, où il est encore entretenu quatre ans. L’injustice que l’Académie, ou plutôt une vilaine cabale formée par Pigalle, a faite à l’élève de Le Moyne a mis la consternation et le désespoir dans l’âme des élèves. Ils se sont assemblés au portes de l’Académie, sur la place même du vieux Louvre, et ils ont insulté publiquement et sans aucun ménagement tous les membres de l’Académie, qu’ils soupçonnaient d’avoir trempé dans ce complot odieux, et particulièrement Pigalle et Cochin, secrétaire perpétuel de l’Académie, fauteurs déclarés de cette injustice.


15 septembre 1768.

Il était donc écrit qu’en cette année 1768, M. l’abbé de La Bletterie, professeur d’éloquence au Collége royal, et de l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, s’illustrerait par un des plus insignes forfaits littéraires dont on ait jamais entendu parler. Cet académicien jouissait à Paris d’une réputation que la médiocrité y usurpe trop souvent et trop facilement. En sa qualité de janséniste il tenait à un parti longtemps écrasé, mais par là même plus étroitement uni et portant tout ce qui lui appartenait avec une chaleur et un zèle infatigables. L’abbé de La Bletterie avait déjà traduit, si je ne me trompe, deux morceaux de Tacite, la Vie d’Agricola, et le petit livre des Mœurs des Germains ; il avait écrit lui-même une Histoire de l’empereur Julien et celle de l’empereur Jovien[4]. Ces différents ouvrages lui avaient fait tant de réputation que l’Académie française l’avait élu et mis au nombre des Quarante ; mais le système du cardinal de Fleury était alors encore dans toute sa vigueur. Ce ministre comptait détruire le jansénisme en purgeant tous les corps de son prétendu venin, et surtout en les préservant de sa contagion. Le roi exclut le janséniste La Bletterie de l’Académie française, quoiqu’il fût déjà membre de l’Académie des inscriptions, et que tout le monde regardât le littérateur La Bletterie comme un homme d’un mérite peu commun. L’Histoire de l’empereur Julien eut surtout le plus grand succès, et fut comptée sans difficulté au nombre des meilleurs ouvrages de notre siècle. Je n’ai, Dieu merci, jamais rien lu du janséniste littérateur abbé de La Bletterie[5], mais je me souviens d’avoir trouvé l’année dernière la Vie de Julien, à la campagne, sur la cheminée du salon et d’en avoir parcouru quelques pages par désœuvrement. Je restai confondu de la réputation de cet ouvrage, qui me paraissait écrit avec une platitude et une pauvreté d’esprit incroyables. Si ce morceau d’histoire avait paru en ces derniers temps, il aurait été jugé, vilipendé et oublié en quinze jours de temps ; mais telle était, il y a vingt ans, l’ignorance de toute bonne philosophie dans cette nation, que la Vie de Julien fut regardée comme un ouvrage très-hardi, parce qu’un janséniste avait osé imprimer que Julien, apostat exécrable aux yeux d’un bon chrétien, n’était pourtant pas un homme sans quelques bonnes qualités, à en juger mondainement. Ainsi, le Julien de l’abbé de La Bletterie peut du moins servir de baromètre pour les progrès de l’esprit philosophique en France, en partant de l’année de son apparition, et regardant son succès comme le signe représentatif du zéro, et en suivant successivement l’élévation du mercure de ce baromètre de degré en degré jusqu’à nos jours, où, d’un côté, les efforts des sots et des fripons pour le faire redescendre et rentrer dans la boule, et de l’autre, les travaux des philosophes pour le pousser au beau temps fixe, paraissent l’avoir fixé pour longtemps en France au degré qui marque le variable.

M. l’abbé de La Bletterie n’a pas connu l’extrême mobilité de ce baromètre, sans quoi il se serait contenté de sa réputation acquise, et n’aurait pas voulu l’exposer à un nouvel examen. Si quelques juges éclairés lui avaient fait son procès en secret, et l’avaient condamné avec connaissance de cause comme un mauvais écrivain, aucun d’entre eux ne songeait à rendre cet arrêt public ; tous étaient d’accord que la réputation usurpée du vieux janséniste ne faisait plus mal à personne, et qu’il fallait le laisser mourir en paix. En lui contestant même la qualité de bon écrivain, personne ne doutait qu’il ne pût être excellent traducteur. On était convenu de le croire sur sa parole savant et profond latiniste, et sa traduction de Tacite, promise depuis une vingtaine d’années, était regardée d’avance comme un ouvrage unique dans son espèce.

Elle a enfin paru, cette traduction attendue depuis vingt ans, et c’est peut-être un des phénomènes les plus étranges qu’il y ait jamais eu en littérature. Quand on lit une préface d’environ cinquante pages qui se trouve à la tête, on se doute bien qu’un pédant qui écrit aussi platement, aussi pesamment, aussi trivialement que M. l’abbé de La Bletterie, et dont le style sent à chaque ligne l’orgueil, l’emphase, la prétention et la crasse de collège, n’est pas l’homme qu’il fallait pour traduire Tacite ; mais il est impossible de deviner que ce pédant, qui étale son mérite avec tant de hardiesse et de confiance, qui déprime avec si peu de ménagement le mérite de tous les autres traducteurs de Tacite, non-seulement ne sait pas le latin dans le sens que M. Ernesti attacherait à cette expression, mais qu’il ne le sait pas à beaucoup près aussi bien qu’un écolier qui sort des basses classes, et qui se propose de commencer sa rhétorique. Cela est incroyable, et cela est vrai cependant. En faisant décomposer à cet impudent un passage de Tacite, et lui ordonnant ensuite comme à un écolier d’arranger ce passage suivant les règles de la construction grammaticale, on lui prouverait, par vingt exemples, qu’il s’est perdu dans les constructions les plus simples, qu’il a assigné de faux rapports aux relatifs, et commis des fautes pour chacune desquelles un pauvre écolier recevrait cinquante férules au moins ; et quand on ne peut se cacher ses méprises inouïes, on a encore de la peine à en croire ses yeux.

Voilà l’homme et l’ouvrage qui ont reçu du gouvernement la protection la plus marquée et la seule qui ait été accordée à un ouvrage de littérature depuis vingt ans. Son Tibère, ou les six premiers livres des Annales de Tacite (car c’est à quoi se réduit tout son travail de vingt ans), a été imprimé en trois volumes in-12, ornés d’estampes et de vignettes, à l’Imprimerie royale, sur de très-beau papier[6]. On l’a tiré à trois ou quatre mille exemplaires, et l’on a fait présent à l’abbé de La Bletterie de l’édition tout entière pour être vendue par lui à son profit et comme il le jugerait à propos. Et lorsque ce traducteur trafiquant eut fixé pour le public le prix de l’exemplaire à neuf livres, une grande dame de la cour en prit trois cents, et les vendit aux personnes de sa connaissance, à un louis l’exemplaire, pour le compte de l’auteur ; de sorte que cette contribution préalable, et qu’il eut la bassesse de faire semblant d’ignorer, lui procura d’abord d’entrée de jeu un capital de sept mille deux cents livres.

Je ne blâme ni la générosité qui a porté Mme la duchesse de Grammont à cette action, ni la protection décidée que M. le duc de Choiseul a accordée à cet ouvrage ; il est toujours beau de faire du bien. On avait apparemment représenté à ce ministre l’abbé de La Bletterie comme un homme de mérite dans le besoin et dans l’indigence. Il lui était permis d’ignorer que ce vieux janséniste jouissait d’un revenu de huit à neuf mille livres, comme le prétendent ceux qui sont au fait de sa situation ; il ne pouvait pas prévoir qu’une traduction qui était attendue, par les gens de lettres même, comme un chef-d’œuvre, répondrait si mal à leur attente. Les bienfaits auxquels un grand cœur attache le moins de prix, et qu’il accorde avec le plus de facilité, sont ceux d’argent ; M. le duc de Choiseul en fit donc donner à l’abbé de La Bletterie. Mais cet exemple prouvera du moins à ce ministre qu’il n’est pas aussi aisé qu’on le croirait bien de récompenser le mérite, parce qu’il se met rarement sur le passage du ministre, qu’il se tient éloigné des antichambres, qu’il n’a point d’avocats à ses gages, et que la médiocrité, l’ignorance et l’incapacité, se mettent trop aisément et trop impudemment à sa place.

Quand on n’aurait pas à reprocher à l’abbé de La Bletterie les contre-sens les plus fréquents et les fautes les plus grossières, un style trivial, plat, commun, des phrases et des constructions de procureur, des expressions basses et ignobles qu’on rencontre à chaque page, ne rendraient pas sa traduction moins inlisible. Ici, Tibère joue la santé ; là, Agrippine pousse sa pointe ; ailleurs, un courtisan monte son visage sur celui de Tibère ; ailleurs encore, le peuple apostrophe l’empereur ; et le diseur de bons mots, Fusius, s’égaye aux dépens de Tibère. Et, avec cette noble manière de s’exprimer, qu’un homme de la lie du peuple éviterait dans les lettres familières qu’il pourrait avoir à écrire, l’abbé de La Bletterie s’est cru capable de traduire l’auteur de l’antiquité le plus grave, et qui a le goût le plus châtié et le plus sévère ; ajoutez qu’il fait autant de solécismes dans sa langue qu’il commet de contre-sens dans sa traduction, et vous aurez une idée assez complète de son travail.

J’ai fait trop d’honneur à M. l’abbé de La Bletterie, je ne croyais pas avoir affaire à un écolier, et je cherchais quelques passages où le traducteur aurait pu montrer qu’il savait véritablement le latin ; il ne tarda pas à me détromper. Dès les premières lignes il traduit ubi militem donis, populum annona… pellexit', par quand il eut gagné les soldats par des largesses, Rome par l’abondance qu’il fit régner… Il fallait traduire, le soldat par des largesses, et le citoyen par des distributions de blé. Le vieux janséniste ne sait pas que le citoyen romain n’était autre chose que le janissaire de Constantinople ; qu’il n’avait d’autre métier que celui de la guerre ; que, lorsqu’il ne servait pas, et qu’il ne jouissait pas par conséquent de sa solde, il fallait lui assigner pour sa nourriture ou des terres, ou une certaine portion de blé. C’est ce qui s’appelait annona, et quand Auguste eut soin de faire donner au peuple romain du blé, il ne fit aucune des opérations que fait le lieutenant de police de Paris pour faire régner l’abondance dans la capitale du royaume. Dans un autre endroit, l’abbé de La Bletterie traduit, pro sententiam dixit, il opina. Il croit que sententiam dicere et pro sententia dicere c’est la même chose, et veut dire opiner ; il ne se doute pas qu’il y ait de la différence entre ces deux expressions. Eh bien, monsieur le professeur, dites cependant à vos écoliers que sententiam dicere veut dire opiner, et pro sententia dicere veut dire, au lieu d’opiner, battre la campagne et parler d’autres choses qui n’ont point de trait à la chose dont il est question. Si vous aviez jamais compris un seul mot à ce Tacite que vous lisez depuis cinquante ou soixante ans, que vous traduisez depuis vingt ans, et que vous avez l’insolence d’expliquer à vos écoliers, vous auriez senti l’énorme différence qu’il y a entre ces deux expressions ; vous auriez su que c’était là un des grands sujets de querelle entre Tibère et le sénat de Rome ; que Tibère prétendait avoir seul le droit de proposer au sénat ce qui devait faire le sujet des délibérations, et qu’il restreignait le droit de chaque sénateur à opiner simplement sur la chose mise en délibération, et non à parler et à discourir sur d’autres objets au lieu d’opiner. C’est par de telles tournures que les Césars envahissaient le pouvoir absolu et anéantissaient la liberté du sénat et du peuple ; mais les simulacres de la liberté subsistaient encore longtemps après qu’elle fut entièrement et irrévocablement perdue. M. l’abbé de La Bletterie me dira qu’il n’a jamais lu un seul mot de tout cela dans le recueil des miracles du saint diacre Pâris, et il a raison. J’ai tort de lui parler de choses qui tiennent à la connaissance de l’antiquité ; il faut avant tout qu’il apprenne son rudiment ; quand il aura fait les basses classes avec quelques succès, nous verrons si l’on peut espérer de lui apprendre un peu de latin.

Jugez, je vous supplie, de l’état des études dans un pays où l’abbé de La Bletterie, en sa qualité de professeur d’éloquence, explique à la jeunesse les Annales de Tacite depuis plus de vingt ans, et où il jouissait sur ce point de la plus haute réputation, qu’il aurait conservée tout entière s’il n’avait pas eu la sottise de publier sa traduction. Monsieur le professeur d’éloquence, vous ne savez pas à quel point vos leçons sont éloquentes et touchantes pour un bon citoyen ; on ne peut presque y penser sans pleurer.

Au reste, j’ai dit que tout le travail de vingt ans de ce coupable pédant se réduisait à la traduction des six premiers livres des Annales. Il n’ose s’engager à nous promettre le reste, le terme de la plus longue vie n’y suffirait point ; mais après le succès qu’il vient d’avoir, quelles que soient sa vanité et sa confiance, nous sommes très-sûr qu’il ne se souciera plus de paraître en public. Comme la plus grande partie du cinquième livre des Annales est perdue, il a eu la bonté de réparer cette brèche, et de faire le Tacite des trois années qui nous manquaient. Je n’ai pas eu le temps de vérifier si son supplément est copié d’après les suppléments de Freinshemius ; mais ce que j’ai bien vu, c’est que son supplément est digne de sa traduction : tout est écrit dans le style élégant et noble dont vous avez vu l’échantillon.

On a conté, à propos de la bassesse avec laquelle il a reçu l’aumône des trois cents exemplaires vendus à un louis, un trait d’avarice qui est neuf et que les faiseurs de comédies ne doivent pas ignorer. On voulut un jour retenir l’abbé de La Bletterie à souper, dans une maison un peu éloignée de son quartier ; il y consentit à condition qu’on lui payerait vingt-quatre sous pour pouvoir s’en retourner en fiacre sans qu’il lui en coûtât rien. Ce traité fut accepté, et on lui donna la pièce d’argent. Après souper on voulut lui envoyer chercher le fiacre ; il s’y opposa, et dit qu’il le prendrait lui-même sur la place ; il esquiva ainsi la voiture, s’en retourna chez lui à pied, et gagna les vingt-quatre sous qu’il s’était fait donner. Ses amis disent qu’il n’est pas étonnant qu’un tel homme s’entende si bien en à-compte, et qu’il en ait tant donné à Tacite. Il dit agréablement et noblement dans sa préface qu’il a été souvent obligé de donner à Tacite d’avance et à-compte ce qu’il était forcé de lui faire perdre ailleurs.

Pour comble de sottise, il a donné dans sa préface et dans ses notes des à-compte à bien du monde, et il peut s’attendre à voir ces à-compte remboursés avec usure. Après avoir passé en revue tous les traducteurs de Tacite, et avoir mis en poussière leurs traductions, il affecte le silence le plus méprisant sur les essais que M. d’Alembert a donnés au public dans ses Mélanges. Je n’aime pas ces morceaux traduits par M. d’Alembert ; mais il est indubitable que ce philosophe est un aigle en comparaison du pédant La Bletterie, et cet aigle aura senti tout ce que le silence du pédant a d’obligeant pour lui.

Dans une note du tome second, page 301, ce pédant a eu la bêtise de faire un portrait satirique de M. de Voltaire, sous le nom de je ne sais plus quel poëte latin. Je prédis au pédant janséniste que l’aigle de Ferney fera sévère justice de cette insolence ; et comme dans cette manufacture on paye toujours très-promptement tous les à-compte qu’on reçoit, ensemble les intérêts et arrérages, je ne veux pas retenir au pédant La Bletterie ce qui lui est déjà échu et rentrée de ses à-compte envoyés à Ferney, et ce ne sera pas par moi que les remboursements qui lui arriveront de ce côté-là souffriront le moindre délai ou retardement.


PREMIER REMBOURSEMENT.
À M. DE LA BLETTERIE,
auteur d’une Vie de Julien et d’une traduction de tacite.

Apostat comme ton héros[7],
Janséniste signant la bulle,
Tu tiens de fort mauvais propos
Que de bon cœur je dissimule,

Je t’excuse et ne me plains pas :
Mais que t’a fait Tacite, hélas !
Pour le traduire en ridicule ?


SECOND REMBOURSEMENT
remerciement d’un janséniste.
au saint fiacre de françois de paris.

Dans un recueil divin par Montgeron formé[8],
AttesteJadis le pieux La Bletterie
Atteste que la toux d’un saint prêtre enrhumé
Par le bienheureux diacre en trois mois fut guérie.
L’espoir d’un vain fauteuil d’académicien
À ce traître depuis fit accepter la bulle.
Tu punis l’apostat, saint diacre, et tu fis bien ;
AttesteChez le dévot, chez l’incrédule,
Il n’est qu’un renégat méprisé de tous deux ;
AttesteChez les grands il rampe et mendie !
Il transforme Tacite en un cuistre ennuyeux,
AttesteEt n’est point de l’Académie.


TROISIÈME REMBOURSEMENT.
sur ce que l’abbé de la bletterie
a fait imprimer le texte latin de tacite en très-petit caractères,
à la suite de sa traduction.

Un pédant dont je tais le nom,
En inlisible caractère
Imprime un auteur qu’on révère,
Tandis que sa traduction
Aux yeux du moins a de quoi plaire.
Le public est d’opinion
Le pubQu’il eût dû faire
Le pubTout le contraire.


QUATRIÈME REMBOURSEMENT.
la charité mal reçue.

Un mendiant poussait des cris perçants ;
Choiseul le plaint, et quelque argent lui donne.

Le drôle alors insulte les passants ;
Choiseul est juste, aux coups il l’abandonne :
Cher La Blettrie, apaise ton courroux,
Reçois l’aumône, et souffre en paix les coups.


CINQUIÈME REMBOURSEMENT.
sur ce qu’il a plu à l’abbé de la bletterie de dire, dans une note du second tome de sa tranfiguration de tacite, en parlant de M. de voltaire sous un nom supposé, que ce poëte a oublié de se faire enterrer, lui et ses œuvres. c’est M. de voltaire qui parle.

Que meJe ne prétends pas oublier
Que mes œuvres et moi nous avons peu de vie ;
Mais je suis très-poli, je dis à La Blettrie :
Que me« Ah ! monsieur, passez le premier. »

C’est bien dommage que le Pauvre Diable soit fait depuis huit ans ; s’il avait à recommencer sa tournée, il se serait sans doute mis en condition chez l’abbé de La Bletterie pour l’aider dans sa belle Transfiguration de Tacite. Le janséniste La Bletterie a l’encolure absolument semblable à celle du moliniste Le Franc de Pompignan. Il faut que chaque parti ait son Pompignan ; La Bletterie a sa sottise et sa vanité bourgeoises ; ils méritaient d’être attelés ensemble.

J’observe, en finissant, qu’il faut être profondément versé dans la jurisprudence romaine, et avoir une connaissance intime de la propriété de la langue latine quand on veut entendre Tacite, et que je ne connais pas un seul homme en France qui ait seulement le soupçon de cette science de la jurisprudence romaine : science très-compliquée, très-subtile, très-abstraite, mystérieuse comme la science des prêtres d’Égypte, puisque c’est par elle principalement que les patriciens savaient retenir le peuple dans leur dépendance. Aussi voyons-nous tous ceux qui voulaient parvenir aux premières charges de l’État singulièrement occupés à devenir grands jurisconsultes. Imitez-les, si vous voulez entendre Tacite ; mais quand vous l’entendrez, le projet de le traduire vous paraîtra insensé. En effet, on réussirait encore plutôt à faire sentir toutes les beautés du poëme de Lucrèce par une traduction que de rendre avec succès en français le texte de Tacite les termes nécessaires manqueraient à chaque instant dans cette langue, puisque le plus souvent ni la chose elle-même, ni rien d’approchant, n’existe ni dans le gouvernement français, ni dans sa jurisprudence, ni dans sa politique intérieure. On se tirerait, je pense, plutôt d’affaire en tentant une traduction anglaise, et l’on trouverait peut-être dans cette langue beaucoup plus facilement les termes dont on aurait besoin, parce que, en Angleterre, la jurisprudence est aussi immédiatement liée aux affaires de la nation et à la politique, et que, dans tout pays libre, l’étude des lois devient l’occupation de tous les ambitieux et des meilleurs esprits, et, par conséquent, la jurisprudence une science pleine de finesses et de subtilités. Un homme savant peut bien se proposer d’écrire des discours, des dissertations, des commentaires sur Tacite ; mais il n’y a qu’un idiot comme l’abbé de La Bletterie qui puisse former le projet de le traduire, et y perdre vingt ans de sa vie.

— Parmi les personnes qui ont eu à se louer de la politesse de M. l’abbé de La Bletterie, et qui lui doivent des remboursements pour les à-compte qu’ils en ont reçus, il se trouve M. Linguet, avocat. Ce M. Linguet est l’auteur de plusieurs ouvrages qui ont tous fait sensation, mais dont aucun ne lui fera une réputation solide. On sent, en lisant cet auteur, qu’il vaut mieux que ses livres, qu’il vit en mauvaise compagnie, qu’il faudrait préliminairement qu’il se mît dans la bonne, et qu’il mûrît sa tête, qui ne paraît pas la meilleure de ce monde, afin d’obtenir avec le temps un rang dans la littérature ; car il ne manque pas d’idées, et son coup d’œil n’est pas commun. Son Histoire impartiale des Jésuites est de tous ses ouvrages celui qui a eu le plus de succès[9] ; dans son Histoire des Révolutions de l’empire romain[10], qu’il a publiée il y a plusieurs années, et qui contient la vie des premiers empereurs de Rome, M. Linguet avance plusieurs paradoxes sur Tibère, sur Néron et sur d’autres personnages célèbres. Ces paradoxes s’éloignent à la vérité beaucoup des idées reçues ; mais il ne serait peut-être pas impossible de leur donner un grand degré de vraisemblance. L’abbé de La Bletterie, qui n’a rien de ce qu’il faut pour entendre ces paradoxes, et qui n’entend que les miracles de M. Pâris, n’a pas manqué d’attaquer les opinions de M. Linguet avec sa politesse ordinaire, et de le traiter avec le dernier mépris ; mais M. Linguet n’a pas la tête assez froide pour recevoir ces à-compte gratis. Il vient de publier des Lettres sur la nouvelle traduction de Tacite, par M. l’abbé de La Bletterie, avec un petit recueil de phrases élégantes tirées de la même traduction, pour l’usage de ses écoliers, brochure in-12, d’environ cent soixante-dix pages ; et pour que le poli La Bletterie ne puisse se méprendre sur la main qui lui fait ce remboursement, l’auteur y a mis son nom en toutes lettres. Ce qu’il y a de plus désolant dans cette brochure pour le traducteur de Tacite, c’est une liste spécifiée des à-compte qu’il a donnés à Tacite, c’est-à-dire un recueil de phrases élégantes, tirées de sa traduction. On dit que ce recueil lui a donné la jaunisse ; mais on ne peut plaindre un homme qui a provoqué d’une manière si insolente des gens qui ne pensaient pas à lui. Dans les lettres dont ce recueil de phrases remarquables est précédé, M. Linguet prouve que l’abbé de La Bletterie ne sait ni le latin ni le français, et qu’il n’est en état de donner des à-compte ni à Tacite ni à personne ; mais tout cela est fait longuement et n’est ni assez gai ni assez piquant, et j’entrevois que si M. Linguet, que je n’ai jamais vu, sait mieux le latin que l’abbé de La Bletterie (ce qui est fort aisé), il ne le sait guère mieux que beaucoup de gens de son pays. Si le chef de la manufacture de Ferney s’était donné la peine d’éplucher la traduction du vieux janséniste, je suis sûr qu’il nous aurait fait mourir de rire, même en n’employant que les matériaux que M. Linguet a ramassés. Une critique qui n’est pas gaie est oubliée au bout de huit jours ; celle de M. Linguet l’est déjà ; mais cela n’empêchera pas, je crois, l’abbé de La Bletterie de se souvenir longtemps d’avoir publié sa traduction de Tacite.

M. Linguet nous a gratifiés encore d’un autre écrit de quarante-sept pages in-12, intitulé la Pierre philosophale, discours économique prononcé dans l’Académie impériale de Fongyang-fou par le lettré Kong-Kia. Cela voudrait être une satire contre les économistes politiques et contre les faiseurs de systèmes et de théories d’impôts. L’auteur propose d’abolir les fermes, et, pour en remplir le vide dans le trésor impérial de la Chine, de publier un édit de proscription contre les moineaux et contre les chenilles, et d’appliquer aux revenus de l’État ce qui est consommé annuellement par ces deux espèces. Voilà una freddura des plus insignes ; cela est mauvais et plat. M. Linguet n’est ni gai ni plaisant. Il pourra renoncer à la satire quand il voudra ; ce n’est point du tout son genre. Il y a dans cette froide plaisanterie des traits satiriques contre M. de Buffon, et surtout contre son aide de camp, M. Daubenton. Ce qu’il y a de plus passable, c’est la description d’une chenille par laquelle l’auteur désigne les prêtres.

— L’Académie royale des sciences vient de perdre son doyen, le célèbre géographe Jean-Nicolas Delisle, qui a poussé sa carrière jusqu’à quatre-vingt-un ans[11]. Il était astronome-géographe de la marine, lecteur, professeur et doyen des professeurs royaux, et agrégé aux plus célèbres Académies de l’Europe. Antoine Deparcieux, de l’Académie royale des sciences, mathématicien et mécanicien très-distingué, est mort le 2 de ce mois à l’âge de soixante et quelques années ; c’est une perte[12]. Le bonhomme Deparcieux ressemblait pour la figure à un tailleur ; c’était un honnête homme et un très-habile machiniste. Son projet favori, ou sa folie, si vous voulez, était de donner de l’eau à toutes les maisons de Paris en y conduisant, par des aqueducs, les eaux de trois petits ruisseaux qui se trouvent à peu de distance de cette capitale. Il a publié à ce sujet plusieurs Mémoires que le gouvernement a fait imprimer à l’Imprimerie royale, et c’est là tout le profit que nous tirerons de ce projet bon ou mauvais.

— L’Académie de Rouen a aussi perdu un homme connu, qui était son secrétaire. Claude-Nicolas Le Cat était chirurgien de profession ; mais il s’était fait docteur en médecine ; et il embrassait tous les genres de littérature et de philosophie. C’était un homme médiocre en tout, remplissant toujours les journaux et les gazettes de ses faits et gestes, faisant toujours du bruit, et ne jouissant cependant d’aucune réputation en France. Il est mort le 20 du mois dernier, à l’âge de soixante-huit ans. Il laisse un cabinet d’histoire naturelle, un cabinet de physique et un cabinet d’anatomie, qu’on vendra en totalité ou en détail. On dit que ce dernier est le plus complet qu’il y ait dans le royaume.


MADRIGAL
adressé à trois dames
qui assistèrent à la séance de l’académie française, le jour de saint-louis,
et qui, faute de place,
furent priées de se mettre dans les fauteuils réservés aux académiciens.

Jamais le Parnasse et Cythère
N’avaient été la même cour ;
On veut aimer et l’on veut plaire :
Apollon, Vénus et l’Amour,
Font tous les plaisirs de la terre.
Les Muses vont se dissiper
Dans les bocages d’Idalie,
Et les Grâces vont occuper
Les fauteuils de l’Académie.


Je crois ce madrigal de M. le marquis de Sancé.

M. l’abbé de Bassinet prêcha l’année dernière, à pareil jour, le panégyrique de saint Louis, roi de France, devant Messieurs de l’Académie française. Ce sermon fit du bruit ; le prédicateur n’avait pas choisi de passage de l’Écriture pour se faire un texte ; il n’y eut point d’Ave Maria après l’exorde ; il n’en fallut pas davantage pour lui procurer la réputation dangereuse et brillante d’esprit fort. Quelques philosophes trouvèrent son discours fort beau, mais les bonnes âmes dévotes se flattèrent que M. l’abbé de Bassinet n’aurait jamais de bénéfice. Ce bruit dura bien une quinzaine de jours, et s’éteignit ensuite comme tout s’éteint à Paris. Pour dissiper ces bruits et pour prouver son orthodoxie, l’auteur vient de faire imprimer son discours ; mais cette impression vient dix mois trop tard[13]. Personne ne pense plus aujourd’hui ni au panégyrique, ni au panégyriste, ni à ce qu’on en a dit, ni à ce qu’on n’en a pas dit ; à l’exception de moi et de quelques jansénistes malveillants, personne ne sait que ce panégyrique ait été publié. Je me souviens qu’on exaltait beaucoup, dans le temps, la manière dont l’orateur avait traité le chapitre des Croisades. Eh bien ! je l’ai lu, ce morceau : l’auteur blâme beaucoup ces saintes entreprises de brigands débauchés et dévots. Il n’y a donc point de milieu ; et faut-il absolument crier au miracle ou au scandale quand il arrive à un homme, en chaire, de traiter un sujet avec l’apparence du bon sens ? Il se peut que M. l’abbé de Bassinet soit un de nos bons orateurs sacrés ; mais si cela est, nous sommes bien mal outillés en apôtres.

— Deux autres apôtres de l’Église de France viennent d’élever leur voix en prononçant l’oraison funèbre de la reine. M. Jean-Georges Le Franc de Pompignan, évêque du Puy-en-Velay, a prononcé la sienne dans l’église de Saint-Denis, le jour des obsèques ; M. Mathias Poncet de La Rivière, ancien évêque de Troyes en Champagne, a rempli ce même devoir le jour du service solennel célébré pour le repos de l’âme de Sa Majesté dans l’église de Notre-Dame de Paris. Les deux prélats ont fait imprimer leurs discours[14]. Celui de l’ami Jean-Georges était tombé tout à plat à Saint-Denis, et il ne s’est pas relevé depuis son impression. Il a fait bâiller d’ennui tous les auditeurs, et les lecteurs ont fait de ses platitudes un objet d’amusement. Les faiseurs de pointes n’ont pas manqué une si belle occasion d’en dire. Quand on a dit qu’on a dû avoir bien chaud dans l’église de Saint-Denis, ils ont répondu qu’on avait heureusement la fraîcheur du puits. Le mauvais succès de l’ami Jean-Georges a fait tout le bien imaginable à son émule l’ami Mathias ; on a trouvé l’Oraison funèbre de ce dernier assez bien. Ma foi, je donnerai la préférence à celle qu’on voudrait, pour une épingle. Il se peut qu’il y ait par-ci par-là dans le bavardage de l’ami Mathias une demi-page de passable, mais cela est racheté aussi par de terribles pauvretés, et je plains ceux qui trouvent de bonne foi quelque mérite à de tels morceaux d’éloquence.

L’abbé Galiani prétend qu’il y a trois sortes de raisonnements ou plutôt de résonnements : raisonnements de cruches, ce sont les plus ordinaires ; raisonnements de cloches, comme ceux de Jacques-Bénigne Bossuet, évêque de Meaux, ou de J.-J. Rousseau ; enfin, raisonnements d’hommes, comme ceux de Voltaire, de Buffon, de Diderot. Si vous voulez savoir au juste comment sont faits les raisonnements de cruches, lisez l’ami Jean-Georges et l’ami Mathias. Le premier n’a pas voulu manquer une si belle occasion de tomber sur la friperie des philosophes ; mais il est si plat, il est si entièrement et si universellement sifflé, que je doute que le patriarche de Ferney s’abaisse à relever cette pauvre Oraison funèbre par quelque facétie : la cause de Dieu ne réussit pas aux Pompignan.

— Un barbouilleur, qui s’appelle M. Dagues de Clairfontaine, de l’Académie d’Angers, s’est avisé de prévenir les deux prélats, et de faire imprimer une espèce d’oraison funèbre, sous le titre de Premier Cri d’un cœur français sur la mort de la reine. Il a choisi le même passage du Livre de la Sagesse qui a servi de guide-âne à l’ami Jean-Georges. Il est tout à fait étrange qu’un bavard qui passe sa vie dans les cafés à disserter sur les pièces nouvelles, et qui n’a aucune vocation pour l’état ecclésiastique, donne à son barbouillage la forme d’un sermon. Voici ce qu’on lit dans une note de la page 4. Il rappelle le voyage que la reine fit en 1765, en Lorraine, auprès de son père. Elle passa à la Ferté-sous-Jouarre. « S’étant arrêtée, dit l’auteur, sous une allée d’arbres à l’entrée de la ville, on lui présenta, suivant l’usage, le pain et le vin. Cette princesse prit un pain, le rompit en deux et en mangea, ainsi que de quelques fruits de la saison. Tout le monde fut pénétré de cet acte de bonté. La ville a consigné dans ses registres cet événement si flatteur et si honorable. » Que faut-il penser d’une ville qui consigne dans ses actes comme un événement honorable que la reine a mangé du pain et des pêches, et d’un auteur qui est pénétré de cet acte de bonté ? Si cet auteur n’était pas digne du dernier mépris, il faudrait le punir comme empoisonneur public, pour avoir représenté un acte de gourmandise très-ordinaire comme un acte de bonté rare. Si vous trouvez un pays où un homme qui écrit de telles bassesses soit traité en criminel de lèse-majesté, et condamné à faire amende honorable devant l’hôtel de ville dont il a osé déshonorer les fastes, dites que ce pays est habité par des hommes.

— Nous avons depuis quelques mois de Nouveaux Voyages aux Indes occidentales, contenant une relation des différents peuples qui habitent les environs du grand fleuve Saint-Louis, appelé vulgairement le Mississipi ; leur religion, leur gouvernement, leurs mœurs, leurs guerres et leur commerce ; par M. Bossu, capitaine dans les troupes de la marine : deux volumes in-12, avec quelques estampes. J’observe en passant, à M. Marmontel, que si M. Sedaine avait voulu mettre l’Ingénu sur le théâtre, il aurait commencé par lire avec beaucoup de soin ces Voyages de M. Bossu, afin de donner à son Huron la physionomie américaine. Ces Voyages sont écrits avec une extrême simplicité, et c’est pour cela même que vous les lirez avec un extrême plaisir. On n’a nulle peine à croire à la véracité de M. Bossu, elle perce de tous côtés ; l’auteur n’a ni assez d’esprit, ni assez d’artifice, ni aucun projet pour vous dire autre chose que ce qu’il a vu. Les détails qu’il nous donne des nations sauvages parmi lesquelles il a vécu s’accordent non-seulement avec ce qu’on en sait d’ailleurs, mais on sent qu’ils sont vrais, comme on juge qu’un portrait est ressemblant quoiqu’on n’en connaisse pas l’original. Ces détails sont extrêmement intéressants par la simplicité et la naïveté des mœurs qu’ils nous retracent.

On voit là l’homme tel qu’il est à l’origine de la société ; car ces nations que nous appelons sauvages sont très-civilisées. Nous avons vu en France de nos jours le dévouement d’un fils pour son père, faiblement célébré par l’auteur de l’Honnête Criminel. Vous trouverez dans la relation de M. Bossu l’exemple du dévouement d’un père pour son fils, dévouement qui va jusqu’au sacrifice volontaire de la vie, et dont le sacrifice est consommé. Ce fait historique est extrêmement touchant, et fournirait le sujet d’une superbe tragédie. M. Bossu a cru qu’il pouvait être aussi véridique sur les officiers français employés au Canada et dans la Louisiane que les sauvages : il a nommé l’honnête homme et le fripon chacun par leur nom ; cette simplicité lui a très-mal réussi.

M. de Kerlarec, ci-devant gouverneur de la Louisiane, est un de ceux dont M. Bossu dit beaucoup de mal sans se gêner. Si cet officier est par hasard honnête homme, il est bien à plaindre ; car sa probité est vivement attaquée par un grand nombre d’officiers qui ont servi sous lui, et j’avoue que le témoignage de M. Bossu contre lui lui fait dans mon esprit, malgré que j’en aie, un tort irréparable. Mais ce M. de Kerlarec a pour lui les bureaux de la marine, et il faut encore convenir que ce ne serait pas le premier fripon qui aurait trouvé de la protection dans ces bureaux. On a mis M. Bossu à la Bastille pour le mal qu’il a dit de M. de Kerlarec ; mais cette punition n’a altéré ni sa bonne humeur ni sa véracité. Il est sorti de cette demeure royale au bout de six semaines, tout aussi gaillard qu’il y était entré ; au reste cette punition était très-injuste. M. Bossu s’était soumis pour l’impression de ses voyages à tous les règlements de la librairie. Son livre a paru avec approbation et privilège du roi ; s’il y était resté quelque chose de répréhensible, c’était au censeur à en répondre[15].



  1. Grétry, né le 11 février 1741, est mort à Montmorency le 24 septembre 1813. Il a laissé quarante-quatre partitions, qui toutes prouvent un talent véritable, et dont plusieurs seront longtemps entendues avec plaisir malgré les révolutions que la musique a subies et celles qu’elle subira sans doute encore. (T.)
  2. F.-A. Vincent.
  3. Moitte, qui l’emporta sur René Millot. Diderot a raconté trois fois tout au long, et presque dans les mêmes termes, les conséquences de cette injustice. Voir Salon de 1767, t.  XI, P. 376 ; Lettres à Falconet, t.  XVIII, P. 297, et Lettres à Mlle Rolland, t.  XIX, P. 274.
  4. Voir t.  I, P. 172, pour l’Histoire de l’empereur Jovien, et t.  III, P. 7, pour les Mœurs des Germains, la Vie d’Agricola et la Vie de l’empereur Julien.
  5. Grimm, t.  III, P. 7, rend cependant un compte détaillé de ses traductions comme s’il les avait lues. Trompait-il alors ses correspondants, ou se trompe-t-il ici lui-même ? (T.)
  6. Fleuron, en-tête et figures de Gravelot, gravés par Delaunay, Duclos, Massard, Rousseau et Saint-Aubin.
  7. L’abbé de La Bletterie, dans l’espérance d’être reçu à l’Académie française, avait accepté la bulle Unigenitus. (T.)
  8. Voir tome IV, page 212.
  9. Voir précédemment, page 34.
  10. 1766, 2 vol.  in-12.
  11. Delisle (Joseph-Nicolas et non Jean-Nicolas, comme le dit Grimm), était beaucoup plus célèbre comme astronome que par ses connaissances en géographie, science où son père et son frère aîné, Guillaume Delisle, avaient acquis un très-grand renom. Il était né en 1688. Outre les ouvrages imprimés qu’on a de lui, il a laissé des portefeuilles remplis de notes et d’observations manuscrites, que l’on conserve au dépôt des plans et des journaux de la marine. (T.)
  12. Deparcieux était né en 1703. On distingue parmi ses ouvrages son Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, 1746, in-4°.
  13. La France littéraire de 1769 mentionne ce Panégyrique comme imprimé en 1767, in-8°.
  14. Imprimés tous deux, 1768, in-4°.
  15. On trouve au numéro XIV de l’Année littéraire de 1768 une lettre datée du 4 mai, où l’on attribue les accusations de Bossu à l’animosité qu’il avait conçue contre le gouverneur pour avoir été renvoyé en France comme mauvais sujet. Mais cette réfutation anonyme ne détruit aucune des imputations précises de Bossu. (T.)