Cours d’agriculture (Rozier)/SÉNÉ

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 178-179).


SÉNÉ. Tournefort le place dans la cinquième section de la vingt-unième classe des arbres à fleur en rose, dont le fruit est une gousse. Il l’appelle senna alexandrina soliis acutis. Von-Linné le classe dans la décandrie monogynie, & le nomme cassia senna.

Fleur ; cinq pétales, obronds, concaves ; les inférieurs plus grands, & plus ouvert. Le calice, divisé en cinq parties lâches concaves, colorées & qui tombent. Les étamines au nombre de dix.

Fruit ; silique oblongue, recourbée & renflée dans cette espèce, contenant plusieurs semences presque rondes, attachées aux bords supérieurs de la gousse.

Feuilles, composées, ayant de chaque côté trois ou quatre folioles obrondes, égales, obtuses.

Racine, rameuse.

Port ; quoique cette plante soit annuelle, elle a le port d’un arbuste, & ses tiges ligneuses passent ordinairement l’hiver. Les fleurs naissent des aisselles des feuilles, disposées en grappes, & les feuilles sont alternativement placées sur les tiges. Cette espèce d’arbrisseau s’élève à la hauteur de deux à trois pieds.

Lieu ; l’Égypte, l’Arabie & même l’Italie. La plante est annuelle.

Propriétés. Les feuilles purgent ; elles donnent pour l’ordinaire des nausées & des coliques plus ou moins vives, qui se dissipent après l’effort du purgatif. Elles augmentent la soif, irritent les bronches pulmonaires. Elles sont rarement indiquées dans les maladies qui penchent vers l’état inflammatoire, dans les maladies de la poitrine, dans les maladies convulsives & dans les maladies avec développement de beaucoup d’air dans les premières voies. Les follicules purgent & irritent moins ; mais elles favorisent le développement d’une grande quantité d’air.

Usages. Les feuilles depuis une drachme jusqu’à demi-once, macérées au bain-marié avec cinq onces d’eau. On a écrit que les feuilles de la grande scrophulaire aquatique détruisent la saveur nauséabonde des feuilles de séné ; que la canelle ou l’anis enlèvent la qualité venteuse ; que la crème de tartre ou la pulpe de tamarin, ou le suc de citron, corrigent leur qualité échauffante ; enfin, que le tartre vitriolé, ou le sel de glauber, aiguisent leurs vertus purgatives : l’observation n’a pas encore confirmé ces faits. Le séné qui nous est apporté d’Égypte, & qui est mis en vente par le commerce, est préférable a tous les autres.

Culture. Cet arbuste est indigène en Italie ; il seroit très-facile de le naturaliser dans la Basse-Provence & dans le Bas-Languedoc, où la chaleur est forte & soutenue ; ce seroit introduire une nouvelle branche de commerce. Les feuilles & follicules de ce séné seroient moins bonnes que celles qui nous viennent d’Égypte ; mais elles seroient employées utilement par la médecine vétérinaire qui en fait une si grande consommation ; on y semeroit les graines comme celles de l’aubergine, c’est-à-dire, dans un lieu bien abrité & sur une couche sourde. (Consultez ce mot) Le semis auroit lieu au plus tard à la fin de février, & chaque soir, & chaque jour un peu froid, la couche seroit couverte par des paillassons. Il faut avoir soin de semer peu épais, afin que lorsque la plante sera assez forte pour être transplantée, on puisse le faire aisément sans nuire aux racines. On commencera cet enlèvement par un des coins de la couche, & en suivant de proche en proche, & n’enlevant que ce que l’on peut planter dans une matinée, & ainsi de suite jusqu’à l’autre extrémité de la couche. Il est bon d’observer que les plantes levées & non arrachées de la couche, seront mises dans un panier, ou dans une corbeille garnie d’un couvercle, afin qu’il les tienne à l’abri du hâle & du soleil, jusqu’au moment où elles seront mises en terre à demeure.

Le terrain doit être préparé d’avance, soit à la bêche, (consultez ce mot) soit à la charrue. Par le premier travail, un seul labour suffira ; mais il convient de labourer le sol jusqu’à ce qu’il soit bien émietté. L’arbrisseau une fois planté n’exige plus aucun soin, sinon d’être au besoin débarrassé des plantes parasites. Il seroit encore possible de semer des graines dans des scissures de rochers bien abrités ; la graine mûriroit, & petit-à-petit pulluleroit sur toutes les parties terreuses.