Cours d’agriculture (Rozier)/BLANC

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 275-283).


BLANC, Botanique. Maladie des plantes. On connoît dans le jardinage deux espèces de cette maladie, bien différentes l’une de l’autre, & qui ne dépendent pas des mêmes causes. La première est propre à certaines plantes, & détruit leurs feuilles ; & la seconde n’attaque que des arbres, surtout le pêcher, & quelques autres arbres fruitiers. Nous allons donner le détail de ces deux maladies, suivre leurs effets, & tâcher d’en indiquer les remèdes.

I. Le blanc de la première espèce se fait remarquer avec deux symptômes particuliers ; tantôt semblable à la rouille du blé, il altère & dessèche d’abord les feuilles, ensuite les tiges des plantes cucurbitacées, des laitues, des chicorées & des œillets, &c. ; tantôt ce ne sont que des points blancs que l’on remarque sur les feuilles, ou tout au plus, quelques feuilles totalement blanches que l’on rencontre parmi les autres feuilles saines & bien portantes d’un arbre ou d’une plante. Le blanc qui attaque les feuilles & les tiges des concombres, des œillets, des laitues, &c. commence ordinairement par les feuilles des extrémités des tiges ; elles perdent leur couleur insensiblement ; elles pâlissent & blanchissent ; ensuite elles se fanent ; les pétioles s’altèrent ; ils n’ont plus la force de supporter les feuilles qui retombent vers la terre : cette maladie s’augmente & gagne de proche en proche ; des tiges entières en sont bientôt infectées, & un état de langueur universelle devient la cause de la mort de toute la plante. Cette maladie singulière n’a point d’autre cause qu’une espèce d’obstruction dans les dernières feuilles, occasionnée par une trop grande sécheresse. La séve, soit montante, soit descendante, n’étant pas assez abondante, ne peut pas suffire à la nourriture générale. Le parenchyme des feuilles se corrompt ; il n’est plus en état d’élaborer la séve. Comme la couleur est le premier symptôme de la santé, le premier effet de la maladie est la perte de cette couleur. Des feuilles, elle se communique à leurs pétioles ; des pétioles aux tiges. Dans cet état, toute la surface extérieure des parties attaquées ne peut plus exhaler & inspirer cette force végétale dépendante du mécanisme même de la feuille, & de son état de perfection ; la circulation des deux séves n’a plus lieu ; dès-lors plus de nourriture, plus de vie.

Le remède le plus simple à cette maladie, consiste dans des arrosemens fréquens. Si ce moyen ne réussit pas, & que l’on soit attaché à la plante malade ; si c’étoit, par exemple, un œillet, ou une autre fleur intéressante, coupez courageusement la partie attaquée du blanc ; mais ayez soin de la couper une ligne ou deux au-dessous de l’endroit malade. N’y a-t-il que quelques feuilles blanches ? arrachez-les avec leurs pétioles. La tige commence-t-elle à s’altérer ? coupez-la, & vous préserverez par-là le reste de la plante.

Toutes les plantes qu’on élève sur couche, (voyez ce mot) sont plus sujettes au blanc, que celles qui naissent spontanément dans les champs, ou qui sont simplement semées & cultivées dans les jardins. Les melons & les concombres tiennent le premier rang pour la sensibilité & la délicatesse. En effet, les tiges de toute la famille des plantes cucurbitacées, ne sont presque remplies que d’un mucilage très-aqueux & malgré la rugosité de l’épiderme qui les recouvre, cet épiderme est très-mince. La chaleur humide des couches la rend encore plus sensible & plus susceptible des impressions trop froides de l’air, ou trop chaudes des rayons du soleil. Je n’ai jamais vu le blanc sur les melons ni sur les concombres semés en pleine terre ou venus sous cloche. La couche & les cloches forcent la nature ; il n’est donc pas étonnant qu’en s’éloignant de la simplicité de ses loix, on multiplie le germe des maladies. Les plantes ainsi traitées, ne ressemblent pas mal aux habitans des grandes villes ; ils sont assujettis à une foule de maux inconnus dans les campagnes, & ces maux semblent se multiplier en raison de l’opulence des ïndividus qui les habitent.

II. Les taches blanches que l’on remarque sur quelques feuilles, ne sont pas ordinairement dangereuses. C’est une maladie locale & sans conséquence, lorsqu’il n’y a que quelques feuilles d’attaquées ; mais si toutes le sont, la plante ne manque pas de périr peu de jours après. Les arbres résistent davantage, & il semble que cette maladie ne les affecte pas sensiblement ; car dans des espaliers, on remarque souvent des arbres entiers, sur-tout des pommiers, dont presque toutes les feuilles sont criblées de ces taches blanches, qui les font paroître vides & comme transparentes. Tous ceux qui ont écrit sur les maladies des plantes, ont attribué celle-ci aux rayons du soleil, qui, traversant les gouttes de pluie dont les feuilles se trouvoient chargées, les brûloient comme lorsqu’ils traversent un verre brûlant. De-là est venu le nom assez commun de brûlure, donné à cette maladie. M. Adanson, dans sa Famille des Plantes, a réfuté avec raison cette explication, & nous sommes de son sentiment. En effet, comment veut-on que les rayons du soleil, en traversant ces gouttes d’eau, puissent brûler les feuilles sur lesquelles elles sont répandues ? Les notions les plus simples de physique suffisent pour en sentir toute la fausseté. 1o. Il est de fait, que les rayons du soleil traversant un verre convexe ou brûlant, n’agissent qu’au foyer de ce verre, & ne peuvent brûler ni au-delà, ni en-deçà ; 2o. un verre qui n’est convexe que d’un seul côté, & plan de l’autre, a le foyer beaucoup plus long qu’un verre de pareille convexité, mais convexe des deux côtés. Cela posé, considérons la goutte d’eau reposant sur la feuille ; la surface par laquelle elle la touche est plane, & non convexe ou sphérique ; ainsi son foyer se trouve bien plus loin que le point de contact, & par conséquent au-delà de la feuille. Elle ne peut donc pas agir comme verre brûlant sur la feuille même. De plus, l’eau de la pluie ou de la rosée, de la pluie sur-tout, s’étend également sur toute la feuille ; c’est un enduit, un vernis, dont elle est pour ainsi dire enduite, & non pas de simples gouttes sphériques : certainement, dans cet état, elle ne fait pas l’office de verre brûlant.

Mais quelle peut donc être la cause de cette maladie si commune, & qui ne semble produire ses ravages, que lorsque réellement le soleil, par son ardeur, dissipe les gouttes d’eau qui se trouvoient sur les feuilles ? L’explication qu’en donne M. Adanson nous paroît encore très-juste. « Cette maladie, dit-il, vient d’une espèce d’épuisement causé par la grande évaporation de la séve, ou par une destruction des pores de la transpiration trop dilatés, ou enfin, par une putréfaction occasionnée dans les sucs du parenchyme ou de la séve, par leur mélange avec l’eau. » Quand une goutte d’eau recouvre une partie de la feuille, qu’arrive-t-il ? la transpiration cesse, une imbibition beaucoup plus forte s’établit dans ce point-là ; l’eau, échauffée par le soleil, dilate les pores de l’épidémie, pénètre le tissu réticulaire, se mêle avec le parenchyme, & délaye tous les sucs qui se rencontrent dans cette espèce de réservoir. Le soleil continuant à agir, il s’établit une espèce de petite fermentation qui détruit la substance même du parenchyme. Le tissu réticulaire plus dur, & de nature ligneuse, résiste davantage, & subsiste, tandis que la maladie ronge la matière succulente & parenchymateuse qu’il renferme entre ces réseaux. C’est à cet effet qu’il faut attribuer le vide & l’espèce de transparence que l’on remarque sur les feuilles attaquées du blanc.

Comme cette maladie n’a pas des suites bien dangereuses, & que la plaie ne passe pas ordinairement l’endroit attaqué, elle ne doit donner aucune inquiétude ; & le seul remède à indiquer, consiste à la prévenir plutôt qu’à la guérir. Lorsque dans la chaleur de l’été, des ondées subites, ou des pluies d’orage, n’ont fait disparoître le soleil qu’un instant, & que l’on s’attend à le voir lancer ses rayons quelques momens après, on peut avoir soin d’agiter les plantes, de secouer légérement les branches des arbres que l’on veut conserver dans leur beauté, afin de faire tomber une partie de l’eau dont leurs feuilles sont couvertes. M. M.

III. La seconde espèce de blanc, plus connue sous le nom de lèpre, fait ses ravages principalement sur les arbres fruitiers, & sur-tout le pêcher. On l’appelle encore meûnier, relativement à la couleur blanche que prennent les feuilles, les bourgeons, & même les rameaux & les fruits. Cette couleur est dûe à une sorte de matière cotonneuse qui les empêche de transpirer ; ou plutôt, cette matière cotonneuse ne seroit-elle pas elle-même la matière de la transpiration épaissie sur l’épiderme & sur l’écorce ?

M. de Villehervé, cet excellent observateur, & à qui nous devons la publication de la Pratique du Jardinage, de M. l’abbé Roger Schabol, a suivi attentivement cette maladie, & a remarqué qu’elle se manifestoit dès la fin de Juin, durant les mois de Juillet, d’Août & de Septembre ; qu’à ces époques, il se forme à l’extrémité des bourgeons, aux feuilles, aux rameaux, aux fruits, un duvet blanchâtre, assez ressemblant à la chancissure qui paroît sur les viandes cuites & trop long-tems gardées.

En suivant le blanc ou la lèpre dans son commencement, dans ses progrès & dans sa fin, il a vu, 1o. que ce duvet blanchâtre attaque d’abord l’extrémité du rameau. Toutes les maladies qui affligent les arbres commencent du bas en-haut, & s’insinuent en montant à mesure que la séve vicieuse y est portée ; mais dans le blanc, au contraire, l’humeur prend d’abord à la cime du bourgeon. Ce grouppe de feuilles qui en terminent la pousse, commence à blanchir, puis elle descend insensiblement vers le gros du rameau, se communique aux feuilles, à la peau, aux yeux, aux fruits, & souvent même au vieux bois. Toute la capacité de l’arbre en est tellement infestée, qu’il devient farineux ; les suites en sont funestes pour l’année suivante : il n’y a pas de fruit à espérer sur aucune des branches qui en sont attaquées, à cause de la chûte prématurée des feuilles qui n’ont point le tems de travailler la séve pour la faire passer au bouton endommagé par cette humeur desséchante.

2o. Les pruniers, les abricotiers, & tous les végétaux sont sujets à la lèpre ou blanc ; mais plus rarement & plus légérement, à proportion de leur délicatesse. Cette maladie est cependant beaucoup moins commune dans les provinces méridionales, aux pêchers & aux abricotiers, parce qu’ils se trouvent dans un climat plus analogue, ou du moins plus rapproché de celui de leur pays natal. La chaleur y étant plus active, plus soutenue, les coups de vents froids rares ou nuls, la transpiration de ces arbres n’est pas interceptée.

3o. Il en est de cette maladie comme de la jaunisse : elle ne prend pas toujours à toutes les parties de l’arbre à la fois, & ne nuit qu’aux bourgeons, qui, à la taille, sont jetés à bas ou taillés fort court, si on est obligé de les conserver.

4o. Elle attaque également toutes sortes de pêchers en tous lieux. Ici je ne suis pas de l’avis de M. de Villehervé. Sa proposition est vraie pour les provinces de la circonférence de Paris, ou pour les lieux qui rapprochent de ce climat par leur position. Je n’ai jamais vu aucun pêcher ou abricotier sujet à cette maladie dans nos provinces méridionales, sur-tout s’ils sont à plein-vent. Je ne dis pas que le blanc ou la lèpre ne puisse attaquer les nains ; & je crois que dans cette circonstance, on doit attribuer le principe de la maladie à l’exposition où ils sont plantés, & le cas est très-rare. Les arbres qu’on rogne, qu’on pince, en sont plus maltraités, ainsi que les arbres remplis de mousse, de bois mort, de chicots, de chancres, de plaies mal traitées.

5o. Cette maladie est tellement contagieuse, que les bourgeons de l’arbre le plus sain, placé à côté d’un autre qui en est attaqué, ne tardent pas à être couverts de lèpre ; il est vrai qu’elle n’y fait pas le même progrès, mais elle ne laisse pas de s’étendre. Ne seroit-ce pas le cas de demander si ce bourgeon que l’on croit attaqué par communication, ne l’est pas plutôt parce qu’il s’est trouvé dans la même position, dans les mêmes circonstances que son voisin ?

6o. L’humeur, principe de ce duvet blanc dans le pêcher, vient, dit M. de Villehervé, d’une séve mal cuite & mal préparée, qui filtre à travers les toupillons de feuilles dont chaque bourgeon est couronné, & qui sont plus petites que celles des yeux inférieurs ; elle commence à distiller de ces dernières & de l’écorce du bourgeon, comme une humidité gluante qui colle tant soit peu les doigts. Son principe est la gomme qui flue des feuilles où elle est différemment modifiée, plus amincie, plus déliée que dans les grands réservoirs de la séve. Je ne pense pas avec M. de Villehervé, que le principe de cette maladie soit simplement dû au principe gommeux ; je croirois plutôt que c’est un principe qui forme le miellat, (voyez ce mot) & qui contient une substance douce & sucrée. J’ai eu cette année des pruniers un peu chargés de blanc ; & après avoir porté à la bouche une des feuilles les plus blanches, j’ai reconnu le goût sucré & mielleux. Les petits pucerons ne s’attachent point aux émanations gommeuses, & un grand nombre s’étoit jeté sur les feuilles & bourgeons lépreux. Je suppose, continue M. de Villehervé, comme une chose incontestable, que la séve, après avoir monté facilement, trouvant ses passages fermés à son retour, est obligée de fluer en dehors ; & qu’étant déplacée, elle produit le même ravage dans les plantes, que le sang dans notre corps en semblable occasion : elle ne flue point par bouillon comme l’autre gomme, mais par petites parcelles minces & superficielles. D’abord frappée de l’air, coagulée ensuite, & aplatie sur les feuilles & sur la peau, elle ne tarde pas à être desséchée par les vents & par le soleil. Le tissu de cette humeur visqueuse & gluante, a paru au microscope comme autant de petites parties filandreuses collées les unes sur les autres. On ne peut mieux les comparer qu’à certains duvets cotonneux que la nature forme sur les feuilles & les fruits du coignassier, & sur les feuilles de l’espèce de raisin, que pour cette raison on nomme meûnier. La forme de ces filamens n’annonce-t-elle pas que les pores ont fait l’office de filières par où ils se sont échappés, & qu’à mesure qu’ils en sortoient, leur substance prenoit de la consistance, & leur extrême finesse permettoit à la partie simplement aqueuse de s’évaporer.

7o. Les arbres attaqués de la lèpre en Juin, ou au commencement de Juillet, se rétablissent au renouvellement de la séve. Au contraire, à la fin de Juillet & en Août, tems où la séve est amortie, & où le soleil va en rétrogradant, ils se dépouillent de leurs feuilles, & dès-lors les yeux ou boutons avortent pour l’année suivante. Il faut, à la taille, avoir une attention particulière au choix du bon bois, afin de ne l’asseoir que sur le bois le plus franc.

Cette lèpre ne doit pas être confondue avec le blanc qui prend aux feuilles du pêcher durant les grandes sécheresses. Vers le mois d’Août, & au commencement de Septembre, certains coups de soleil frappent vivement les feuilles de ces arbres, dont la séve n’est pas assez abondante pour suffire à la dissipation qui s’en fait quand le soleil enlève toutes leurs substances, & pompe leur humide radical. Ces feuilles paroissent alors toutes blanches à l’endroit du dessus qui répond au soleil, tandis que le dessous est verd comme à l’ordinaire. Elles peuvent se remettre jusqu’à un certain point, en baquettant de l’eau avec la main pour les humecter, & en arrosant les tiges. Ce blanc n’est pas dangereux, en ce que le bouton est tout-à-fait formé, & qu’on n’a point à appréhender la chûte des feuilles, ni leur production forcée.

Cette maladie est plus commune dans les provinces méridionales, que dans les environs de Paris, & elle est à craindre pendant tous les mois de l’été, sur-tout lorsque le vent de mer souffle. Il traîne avec lui une forte humidité, qui remplit l’atmosphère ; & les rayons du soleil traversant cette espèce de couche aqueuse, y acquièrent une chaleur à peu près égale à celle qu’on leur voit acquérir en traversant la lentille du miroir ardent. Tout ce qui se rencontre au point du foyer, est grillé & calciné, & le reste est plus ou moins attaqué, suivant son rapprochement ou son éloignement de ce foyer. On ne sauroit nombrer les effets variés qu’ils produisent sur les feuilles & sur les fruits, depuis la simple érosion, jusqu’à la dessiccation la plus complète. Ainsi, je ne confonds point le blanc avec cette espèce de brûlure, &c. C’est peut-être le premier période de l’un & de l’autre.

Voici les moyens de remédier au blanc, que propose M. de Villehervé. Selon lui, la lèpre du pêcher est une séve appauvrie & dépouillée de son baume, qui, étant portée trop abondamment vers l’extrémité des bourgeons, n’a plus de jeu pour descendre, à cause des obstructions qui l’en empêchent, & est obligée de se dégorger autour des feuilles & de la branche, par la nouvelle séve qui la pousse, & qui flue tant qu’elle ne trouve point de conduits pour la renfermer. Il faut donc, pour l’arrêter & la fixer, lui en former de nouveaux, où elle puisse être digérée & circuler, & par conséquent, dans le cas présent, pincer & arrêter les branches & les bourgeons attaqués du blanc, aussitôt qu’il commence, & les couper à trois ou quatre yeux plus bas que leur extrémité d’en-haut, afin qu’il s’y forme un nouveau bourgeon, dont les pores libres & plus ouverts, donneront lieu à la circulation de la séve. En retranchant cette partie supérieure qui est viciée, on coupe court infailliblement à l’humeur gangreneuse. Cet expédient employé dès la naissance du mal, lui a toujours réussi.

En rabaissant ces branches, on observera de ne les point casser, mais de les couper proprement proche d’un œil, & de soulager beaucoup l’arbre à l’ébourgeonnement ; ensorte que si une branche de la taille du printems en a poussé cinq ou six, on n’en laissera que deux. Au moyen de cette suppression, l’arbre sera plus en état de fournir à la circulation de la séve dans les rameaux qu’on laisse, & d’en produire de nouveaux à la place de ceux qui auront été raccourcis. L’année suivante la taille sera très-courte, sur du bois choisi, & à petite quantité. Le cas présent exige la mutilation des bourgeons par le bout, & c’est peut-être le seul qui oblige de s’écarter de la loi générale.

J’admets avec M. de Villehervé ce rabaissement des branches, & je l’ai souvent évité, en lavant les feuilles, les bourgeons & le bois, & à plusieurs reprises, avec l’eau d’un arrosoir, dont la pomme ou grille étoit percée par des trous très-fins. Cette opération doit avoir lieu du moment qu’on s’apperçoit du blanc. Le succès en est dû au lavage qui détache des feuilles & du bois, & qui dissout cette substance gommeuse, mucilagineuse & sucrée, qui produit sur les uns & sur les autres, le même effet que l’huile sur le corps de tous les insectes quelconques. Cette substance ferme les pores par lesquels la transpiration s’opère, ainsi que ceux par lesquels les feuilles, &c. absorbent l’air & l’humidité de l’atmosphère, qui servent à entretenir le jeu de la séve ascendante, pendant le jour, des racines aux feuilles ; & de la séve descendante, pendant la nuit, des feuilles aux racines. L’insecle dont la trachée artère est placée sur le dos, & qui est fermée par l’huile, meurt apoplectique. L’apoplexie de l’arbre, si je puis m’exprimer ainsi, suivie de la paralysie, reconnoît la même cause, puisque cette couche de blanc bouche les pores inhalans & les pores absorbans ; dès-lors engorgement, reflux de la séve, &c. Les lavages mettant le bois & les feuilles à nu, rétablissent les fonctions de ces pores, si l’obstruction de leur orifice n’est pas trop invétérée.

IV. Blanc du fumier. C’est une suite de la trop grande, trop longue & trop forte fermentation. Alors les couches, ou bien les fourchées de fumier pailleux, ainsi qu’elles ont été placées, acquièrent dans leurs interstices une couleur blanche ; & le fumier, dans cet état, a perdu presque toute sa force. On pourroit même dire qu’il n’est plus utile que lorsqu’il se change en terreau. Le blanc ne survient ordinairement pas au fumier qui est étendu & pas trop amoncelé, & ces couches blanches & chancies ont communément lieu dans l’été, si on n’a soin, de tems à autre, d’arroser le monceau de fumier, & de faire en sorte de rendre à l’intérieur la portion d’humidité qui s’en exhale. Le monceau de fumier trop sec n’est pas exposé au blanc ; mais cette dessiccation trop forte permet l’évaporation de la majeure partie de ses principes. Il y a un juste milieu en tout, & il vaut mieux que la base du monceau soit dans une petite quantité d’eau, que d’être sans humidité : s’il y a alors trop d’humidité jointe à la chaleur, le milieu du monceau se chancit & prend le blanc. L’art de faire le bon fumier tient à beaucoup de considérations particulières, qui seront détaillées aux mots Engrais, Fumier.

Ceux qui font des couches de champignons, regardent cette chancissure de blanc, comme la matrice des champignons, & ils l’insèrent dans leurs couches.


Blanc, couleur blanche. Il est essentiel de donner cette couleur aux colombiers ; elle y fixe les pigeons, & les y attire.

Le trop grand blanc fatigue la vue ; mais il est agréable lorsqu’il est mêlé ou coupé par la verdure.

Pour blanchir les murs, on se sert communément de la chaux éteinte & délayée dans l’eau. Ce blanc roussit promptement, & salit les habits.

Comme à la campagne on n’a pas toujours des barbouilleurs sous sa main, & que la propreté & l’agrément exigent de donner à l’intérieur des maisons une teinte blanche, voici quelques procédés qu’on peut faire exécuter par ses valets. Je les emprunte du Dictionnaire économique, après les avoir mis en pratique.

I. Pour blanchir les murailles, faites bouillir dans l’eau bien nette, environ le quart de son poids de chaux vive ; délayez-la, & servez-vous en. Posez ensuite sur votre blanc de chaux, une colle composée de gomme arabique, ou de pêcher, de prunier, de cerisier ou d’abricotier. Au défaut de la première, prenez de la gomme adragant, & des rognures de parchemin, que vous aurez mises à discrétion ; faites bouillir le tout dans une suffisante quantité d’eau, & passez-le par un linge. Cette colle fera tenir le blanc & lui donnera beaucoup d’éclat. Si la colle est trop épaisse, ajoutez-y de l’eau ; autrement elle écaillera en se séchant.

II. Prenez une livre de blanc de céruse, non mélangé avec la craie ou le plâtre, ainsi qu’on le vend communément, & dix ou douze livres de plâtre blanc, tamisé très-fin ; détrempez le tout avec l’eau de savon blanc ; & polissez-le avant qu’il soit sec, avec la main, ou avec un sac ou nouet de peau, rempli de laine.

III. Blanc des carmes. Cette manière de blanchir les chambres ou cabinets, est des plus belles & des plus propres. Il faut avoir une bonne quantité de chaux faite de cailloux blancs qu’on rencontre dans les rivières, ou du moins, on se procurera la plus belle chaux qu’on pourra trouver. On la passera bien fin pour la séparer des petites pierres & matières étrangères. On mettra cette chaux dans un baquet ou cuvier de bois, garni d’un robinet à la hauteur de l’espace qu’occupera la chaux ; on le remplira d’eau claire, & on battra bien avec de gros bâtons ce mélange, qu’on laissera ensuite reposer pendant vingt-quatre heures. Après ce tems, on ouvrira le robinet, & toute l’eau qui surnage la chaux s’écoulera : mettez-en de la nouvelle ; battez-la, & répétez l’opération chaque jour pendant un mois. Plus long-tems on lave ainsi cette chaux, plus elle se dépâte & devient blanche. Ceux qui veulent avoir ce blanc dans sa perfection, le travaillent pendant six mois, & quelquefois plus.

Usage de ce blanc. Pour s’en servir, égouttez toute l’eau par le robinet, vous trouverez au fond la chaux en pâte. On en mettra une quantité convenable dans un pot de terre, dans lequel on versera un peu de térébenthine de Venise, & quelque peu d’outremer ou de cendre bleue. On remuera bien le tout avec un gros pinceau. Si le mélange s’épaissit trop, on y ajoutera un peu d’eau de savon ou de colle de gants bien propre, qu’on remuera fortement, & tout de suite on l’appliquera sur les murailles qu’on aura eu soin de rendre très-unies. Avant de donner les seconde & troisième couches, on laissera parfaitement sécher la première.


Blanc de Baleine. Substance insoluble dans l’eau & dans l’esprit-de-vin, blanche, inflammable, insipide, prompte à rancir, d’une consistance approchante de celle du suif de mouton, qu’on retire des ventricules du cerveau de la baleine. Ce blanc mêlé intimément avec du sucre ou avec un jaune d’œuf, ou avec du miel, appaise la toux, favorise l’expectoration sur la fin de la péripneumonie, dans la phtysie pulmonaire essentielle, la phtysie pulmonaire des fondeurs, & la phtysie pulmonaire par inflammation de poitrine. Cette substance est pesante aux estomacs foibles, aux tempéramens bilieux ; nuisible lorsque les matières contenues dans les premières voies tendent à l’acide, & dans le commencement des maladies inflammatoires de la poitrine. Ce blanc, dissout dans plusieurs jaunes d’œufs, & donné sous forme de lavemens, calme les coliques occasionnées par des substances vénéneuses.