Cours d’agriculture (Rozier)/CARRIÈRE

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Hôtel Serpente (Tome secondp. 587-588).


CARRIÈRE. Lieu dont on tire la pierre propre pour bâtir.


Carrière, Botanique. Ce mot désigne un fruit pierreux, tel que le coin, les poires sauvages & plusieurs poires cultivées. Quelle est la cause de cet amas énorme de petites pierres dans les fruits ? Comment la portion de la sève la plus épurée de l’arbre qui les a formés, s’est-elle accumulée au point de se durcir, de se pétrifier ? Il n’est pas aisé d’expliquer ces phénomènes. Je vais hazarder quelques idées, quelques conjectures. J’ai dit, (voyez les mots Amendement, Sève) que par l’analyse chimique, on retire de toutes les plantes, de l’huile, de l’eau, un sel & de la terre ; ces substances ne peuvent se combiner ensemble, sans auparavant avoir été réduites dans un état savoneux ; que dans cet état, chacune étoit réduite à la plus extrême des divisions, & par conséquent, étoit appropriée au calibre des vaisseaux des plantes. L’expérience prouve, par exemple, que plus le bois est pesant, plus ses tuyaux sont resserrés ; qu’alors ils contiennent une plus grande quantité d’huile, une plus grande quantité d’air fixe, (voyez ce mot) & une moins grande quantité d’eau : les bois de gayac, de buis, &c. sont les garans de ce que j’avance ; plus le bois est léger, le saule, par exemple, plus il contient d’air inflammable, (voyez ce mot) & ainsi des autres ; de sorte que chaque bois, suivant le diamètre de ses conduits, retient ou laisse évaporer en plus grande quantité une des quatre substances dont je viens de parler, de manière que l’on pourroit dire que la portion terreuse est plus abondante dans l’écorce du bois, la partie aqueuse dans l’aubier, la partie huileuse dans le bois fait, & l’air soit fixe, soit inflammable, dans le centre. Ce n’est pas que ces quatre substances ne soient disséminées dans tout le bois, mais elles sont en plus grande abondance dans un endroit que dans un autre. C’est donc en raison des diamètres des différens calibres que ces substances montent dans l’arbre pour former toutes les parties qui le constituent. Or, si le coignassier, cité pour exemple, a des tuyaux d’un calibre assez large pour laisser monter une certaine quantité de substance terreuse, il n’est donc pas surprenant que le fruit ressemble à une carrière ; mais greffez (voyez ce mot) ce coignassier, ces poiriers sauvages, vous changerez le diamètre des calibres, l’ordre de leur direction ; la sève montera plus épurée, par conséquent moins terreuse, & le fruit sera moins pierreux. Greffez-le de nouveau, regreffez-le encore, & plus il sera souvent greffé sur lui-même, moins il sera pierreux. Peut-être parviendroit-on à détruire complètement la congestion de ces graviers : le véritable bon-chrétien d’Ausch est très-peu graveleux ; cependant on doit le regarder comme une variété du bon-chrétien ordinaire, & je suis convaincu qu’il doit sa perfection à la greffe multipliée sur le même pied de poirier de bon-chrétien ordinaire.

On se presse trop de jouir. Il seroit à desirer qu’un amateur vraiment instruit de la physique des arbres, suivît les principales espèces de fruits que nous connoissons, & qu’il s’attachât à les greffer toujours sur elles-mêmes pendant une certaine suite d’années ; je pense qu’à la dixième greffe, le perfectionnement du fruit seroit étonnant, & qu’il ne seroit plus graveleux.