Cours d’agriculture (Rozier)/DARTRE

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Hôtel Serpente (Tome troisièmep. 623-629).
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DARTRE, Médecine Rurale. Les dartres sont un assemblage de petits boutons plus ou moins élevés, & formant des plaques rouges irrégulières plus ou moins grandes, qui paroissent sur la peau de toutes les parties du corps, & qui sont accompagnées de chaleur & de démangeaisons.

On distingue plusieurs espèces de dartres.

1°. Les dartres volantes forment de petites taches à la peau, donnent naissance à de petits boutons, excitent des démangeaisons légères & disparoissent.

2°. Les dartres hépatiques se font connoître par des taches jaunes, étendues, entourées de petits boutons ; les démangeaisons qu’elles excitent sont supportables, excepté dans le lit où elles incommodent beaucoup.

3°. Les dartres farineuses ou blanches, forment sur la peau de petites élévations, semblables à de petits grains de farine, & lorsque l’on touche la peau, on la sent rude au toucher.

4°. Les dartres miliaires ont des boutons de la grosseur des grains de millet ; dans cette espèce la douleur & la démangeaison sont plus fortes que dans les autres.

5°. Les dartres vives & rougeâtres forment des taches peu étendues, mais rondes ; les boutons qui croissent sur les taches, versent une humeur âcre, & ils excitent une chaleur & une démangeaison plus vives que dans toutes les autres espèces.

Bien des choses peuvent donner naissance aux dartres : c’est en général un dépôt de matières âcres répandues dans la masse du sang, dont la nature se débarrasse en portant à la peau. Les dartres sont des maladies avantageuses, en ce que, par analogie, elles entraînent avec elles toutes les acrimonies qui roulent dans le sang : les personnes qui habitent les lieux humides, mal-propres, & dans lesquels l’air est peu renouvelé ; celles qui vivent de viandes salées ou fumées, qui boivent des eaux stagnantes, & des vins acerbes, sont plus sujettes aux dartres que les autres personnes, parce que la sueur, l’insensible transpiration & la digestion se faisant mal, les sucs de la digestion sont crus & indigestes.

Il existe des dartres qui doivent le jour à la vérole & au scorbut ; d’autres qui sont les suites des maladies des différentes parties du bas ventre, comme obstruction au foie, à la rate, &c.

Il est enfin une dernière espèce de dartres, qui ne sont pas dues à des matières âcres répandues dans la masse du sang, & dont la cause est simplement locale, comme les personnes très-grasses qui sont sujettes à avoir des ceintures de dartres qui ne doivent te jour qu’au frottement : on sent aisément dans quelle erreur on tomberoit, si on alloit donner des médicamens propres à combattre les dartres à des personnes semblables : l’application des onguens donne souvent naissance à des dartres de la nature de celles dont nous parlons. De simples adoucissans & de la propreté suffisent pour faire disparoître ces dartres ; autrement elles pourroient devenir graves, parce que l’humeur contenue dans les glandes de la peau, venant à se corrompre, occasionneroient des dartres vives & très-douloureuses ; On fait que les substances grasses deviennent très-âcres en se rancissant.

Les dartres ne sont pas, en général, des maladies faites pour inquiéter par leurs suites, à moins qu’elles ne soient irritées, ou qu’on les fasse rentrer indiscrétement ; dans ce dernier cas elles se portent sur des organes très-nécessaires à la vie, en troublent les fonctions & mettent les jours en danger ; beaucoup de maladies graves reconnoissent pour cause première la rentrée des dartres, & ces maladies sont d’autant plus difficiles à guérir que les malades ont fait beaucoup d’usage de remèdes.

Le régime seul suffit quelquefois pour guérir les dartres légères : ceux qui sont menacés de dartres, ou qui en ont de légères, doivent se priver de tous les ragoûts & des liqueurs spiritueuses, & ne faire usage que d’herbes potagères, de lait, de bains, respirer un air pur, & boire quelques tasses d’infusion de scabieuse.

Les dartres qui reconnoissent pour cause la vérole, les scorbuts, les écrouelles, les obstructions des différentes parties du bas ventre, ou les évacuations naturelles supprimées, ne cèdent qu’aux moyens propres à combattre les maladies qui les ont fait naître. (Voyez chacune de ces maladies)

Si les dartres ne reconnoissent pour cause aucune des maladies dont nous venons de parler ; il faut employer les dépuratifs : les dartres n’ont pas comme la gale un spécifique : il est prouvé que le mercure irrite & fait dégénérer celles qui ne sont pas le produit de la vérole.

Les meilleurs dépuratifs sont les suivans : on fait boire au malade le petit lait avec une infusion de feuilles de scabieuse, pendant cinq à six jours ; on le purge ensuite avec une médecine simple & proportionnée à son âge, à son sexe & à son tempérament ; on répète la purgation plusieurs fois, on lui prescrit le régime ci-dessus, & les dartres disparoissent dans la proportion que le malade est purgé.

Si les dartres sont opiniâtres, on fait prendre au malade le suc de scabieuse, de cerfeuil & de cresson, à la dose de trois ou quatre onces par jour, on le met au lait pour toute nourriture, on lui fait boire la décoction de racine de patience sauvage & d’aunée ; on le met enfin à l’usage des bouillons de vipère & on lui fait prendre les eaux thermales de Balarue, Plombières, Barège ou d’Aix-la-Chapelle.

Mais si les dartres sont anciennes & croûteuses & résistent à tous les remèdes, il est d’une nécessité indispensable d’ouvrir des cautères pour détourner l’humeur qui alimente les dartres ; on baigne le malade, on lui fait prendre les bouillons de vipère, les sucs de cresson, de cerfeuil, de scabieuse, & on le met au lait pour toute nourriture.

Un médecin anglois prétend avoir guéri des dartres très-anciennes, en faisant faire usage au malade pendant trois mois, d’un gros de sel de nitre fondu dans une pinte d’eau avec un peu de sucre ; le malade buvoit tous les matins à jeun cette pinte d’eau ainsi préparée : nous n’avons pas essayé l’efficacité de ce remède, mais nous ne le croyons pas dangereux.

D’autres ont conseillé le remède suivant : prenez antimoine cru & sucre en poudre, de chaque un gros ; divisez en douze paquets ; le malade en prendra trois paquets dans la journée, boira par-dessus une tasse d’infusion de scabieuse, & continuera tous les jours pendant un an.

Tous les topiques que l’on conseille, tels que la crème, les pommades les onguens & les baumes, sont des remèdes dangereux en ce qu’ils facilitent, déterminent même la rentrée des dartres, & exposent le malade à d’autres maladies plus dangereuses, comme nous l’avons démontrés plus haut. D’ailleurs, jamais un topique ne peut guérir une maladie dont la cause est intérieure ; mais le peuple peu accoutumé à comparer des idées ne voit pas plus loin que l’extérieur, & il est toujours dupe de son ignorance.

On peut seulement se permettre, lorsque les démangeaisons sont très-fortes, de laver les dartres avec les décoctions de patience sauvage de fleurs de sureau & de chelidoine.

Si les dartres rentrent, il faut, pour faciliter leur apparition & détourner l’orage dont le malade est menacé, appliquer sur l’endroit même où les dartres siègeoient, un emplâtre de vésicatoire, & faire boire au malade quelques tasses d’infusions sudorifiques légères : ensuite il faut ouvrir des cautères pour fixer l’écoulement de la matière principe, & pour s’opposer à sa rentrée.

Nous avons rapproché dans cet article, tout ce que l’observation & la raison nous ont donné de plus certain sur les dartres. M. B.


DARTRE, Médecine Vétérinaire. Elle est formée par l’assemblage de plusieurs petites pustules plus ou moins perceptibles, qui s’élèvent & se répandent par place sur la peau. Ces pustules contiennent une sérosité prurigineuse, à mesure qu’elle s’accroît dans les petites cavités qui la renferment ; elle y excite des demangeaisons, elle en soulève la sur-peau, la brise, & s’épanche insensiblement sur les parties qui l’avoisinent.

Le cheval, ou le mulet, ou le bœuf &c., qui en est attaqué, se grate avec les dents, quelquefois avec le pied, d’autres fois avec la corne, ou il appuie la partie qui éprouve le prurit, contre un solide quelconque, & frotte jusqu’à ce que la douleur ou la cuisson succède à la démangeaison.

En écartant le poil qui garnit la partie affectée, on découvre, ou une multitude de petites pustules presqu’imperceptibles, qui forment la dartre farineuse, ou une tumeur brûlante accompagnée de plusieurs pustules, qui dégénèrent en dartre vive ou rongeante.

Dans le premier cas, on observe que le poil tombe peu à peu, & que tout cet assemblage de pustules se couvre d’une infinité d’écailles plaquées l’une sur l’autre, que l’animal en se grattant les fait tomber sous la forme d’une poussière blanchâtre, & que dans peu de temps elles sont remplacées par d’autres.

Dans le second cas, la dartre vive ou rongeante se manifeste par des tumeurs brillantes, accompagnées de petites pustules qui se confondent ensemble. Elle ronge la peau, occasionne la chute du poil, & creuse des ulcères d’où découle une sérosité sanguinolente. Les miasmes salins qu’elle contient, sont quelquefois si corrosifs, qu’ils laissent des gonflemens aux endroits qui en ont été le siège & de vives impressions à la peau sur laquelle leur véhicule s’est épanché ; tant que la sérosité est imprégnée de ce degré de malignité ; l’animal qui en est infecté, se gratte si fréquemment qu’elle ne peut acquérir aucune consistance.

Si, au contraire, elle est moins chargée de ces particules qui détruisent l’ouvrage de la nature, sans exciter de grandes démangeaisons, à mesure que la sérosité flue & les baigne dans la cavité qu’elles se sont creusées, elle s’épaissit, elle se dessèche, se durcit & forme une grosse croûte rabouteuse & grisâtre, dont les bords sont presque habituellement humides.

Ces différentes espèces de dartres peuvent se perpétuer de race en race, ou se communiquer d’un animal dartreux à un animal sain, & même jusqu’aux personnes qui les soignent sans précaution.

D’ailleurs, un long repos, ou les travaux excessifs auxquels on livre certains animaux, ou les habitations humides, mal-propres & obscures dans lesquelles on les loge, ou la mauvaise qualité des alimens solides & liquides qu’on leur donne, &c. en affoiblissant les fonctions naturelles & le mouvement animal, peuvent être mises dans la classe des causes éloignées qui disposent le chyle à s’aigrir ; & dès-lors le suc alimentaire, bien loin de réparer convenablement les pertes que ces animaux ont faites, communique son acrimonie au sang, à la lymphe, à la sérosité & à toute la masse des humeurs, d’où naissent des prurits, des pustules, des ulcères, & enfin des dessèchemens écailleux & crustacés, dans lesquels la partie séreuse du sang dégénère à mesure qu’elle s’épanche.

Pour que le médecin vétérinaire puisse connoître l’état présent de la maladie, & s’assurer à peu près du siège qu’elle occupe ; il ouvrira la bouche du cheval, ou du bœuf, &c. attaqué de dartres ; si l’odeur qui s’en exhale est aigre, en suivant de plus près le malade, il découvrira que cette aigreur est quelquefois accompagnée de la toux, de la constipation & du ténesme ; & en poussant ses recherches plus loin, si le mal a déjà fait beaucoup de progrès, il lui trouvera une soif excessive & un appétit dévorant, ce qui sera pour le médecin, un présage non équivoque de l’existence d’une liqueur acide & érugineuse contenue dans les premières voies.

Si c’est le cheval qui éprouve la sensation qu’elle y produit, il frappera du pied, il hennira, il cherchera dans sa mangeoire ; si quelqu’un entre dans l’écurie, il renouvellera ses instances en regardant le râtelier.

Si c’est le bœuf, il mugira & mangera jusqu’à sa litière à demi-pourrie ; l’un & l’autre boiront avec une avidité surprenante.

Les dartres peuvent être aussi l’effet, ou de la résolution d’une maladie quelconque, ou d’un vice qui a son siége dans le foie.

Quelques multipliés que soient les faits des maladies qui se portent à la peau, on se bornera à un seul trait. Un particulier des Granges de Pierre-Fontaine-les-Vautrans en Franche-Comté, avoit un veau qui étoit attaqué d’une fausse péripneumonie, dont l’humeur morbifique se porta à la peau. Toute l’habitude du corps de cet animal se couvrit, pour ainsi dire, de croûtes horribles qui tomboient par écailles. La faim & la soif qu’il éprouvoit étoient si cruelles, qu’il rongeoit sa mangeoire & s’élançoit contre les personnes qui l’approchoient, en ouvrant la bouche, tirant la langue & la repliant. Lorsqu’on lui donnoit un peu de fourrage, il le mangeoit avec une voracité étonnante, & ne se trouvoit point entièrement désaltéré même par les boissons abondantes.

Si au contraire le bœuf, la vache, ou le veau est attaqué de dartres, & qu’en élevant la queue, on apperçoive la face externe de l’orifice de l’anus affectée d’une couleur jaune, il est à présumer que l’éruption provient d’un vice dont le foyer est dans le foie. (Voyez Jaunisse des bœufs)

Lorsqu’enfin l’on est assuré que les pères ou les mères des animaux qui ont des dartres, en étoient infectés, pour ce cas, v. Maladies héréditaires. Mais si elles leur ont été communiquées par d’autres individus dartreux, quelque légère, ou quelque violente que soit l’infection, il est à propos de les traiter de même que s’ils les avoient acquises par quelqu’une des positions contre-nature, qui ont été décrites. (Voyez Maladies contagieuses, & Préservatifs)

D’après ces notions on entrevoit plusieurs sources d’où peut émaner cette acrimonie acide qui produit une multitude de maladies d’espèces différentes, telles que les dartres, la gale, le roux vieux, le farcin, les eaux, les obstructions, les convulsions, l’irritation du cerveau & des nerfs, le dérangement total de la circulation, &c.

La façon de remédier aux funestes effets qu’elle occasionne dans la masse des humeurs & dans le tissu de la peau, consiste à nourrir les animaux qui en sont attaqués, d’alimens antiacides, & à employer des médicamens propres à absorber, délayer, émousser, & à évacuer les acides qui sont contenus dans les premières & secondes voies.

L’administration des sels d’absinthe, de nitre fixé, de tartre, des cendres gravelées, &c. dans les décoctions d’origan, de marrube, de chardon bénit, d’absinthe, &c. en absorbant les acides contenus dans les premières voies, atténueront les liqueurs qu’ils auront coagulées, & rappèleront insensiblement les sécrétions dans l’individu où elles étoient souffrantes. Les délayans favoriseront d’autant plus leurs effets, qu’en étendant & en détrempant les sels, ils préviendront l’irritation qu’ils pourroient occasionner. On pourra choisir dans la classe de ces remèdes qui ont la vertu de délayer en adoucissant, l’eau blanchie par le son de froment, les décoctions de laitue, d’endive, de bourrache, de buglose, de mauve, de brancursine, de pariétaire, &c. mais si l’acrimonie qui règne dans les humeurs étoit portée à un tel degré que ces substances ne pussent la calmer, on auroit recours aux breuvages incrassans qu’on peut obtenir des décodions de graine, de lin, des racines de guimauve, des fleurs & feuilles de bouillon blanc ; on pourroit même faire avaler au malade le mucilage de corne de cerf, les huiles nouvellement tirées des semences de lin, des olives, des amandes, &c. &, pour s’assurer un succès plus prompt, on ne perdra pas de vue que les excrémens qui sont contenus dans les gros intestins, ou du cheval, ou du mulet, ou du bœuf, &c. sont surchargés d’acides, ainsi que les sérosités dont ils sont imbibés ; de sorte qu’après les avoir suffisamment absorbés, délayés & émoussés, il est essentiel de les chasser hors du corps de l’animal dartreux par le moyen des purgatifs ; car leur séjour, non-seulement retarderoit l’effet qu’on auroit lieu d’espérer de l’emploi des remèdes désignés, mais ils altéreroient de plus en plus les solides & les fluides. Le polypode de chêne, le sel de glauber, la rhubarbe, l’aloes, le jalap & l’aquila-alba, rempliront cette indication : mais, comme il est une méthode particulière à suivre, pour obtenir des purgatifs qu’on administre aux animaux l’effet que l’on désire, voyez Purgatifs. Si, enfin, ces remèdes, administrés pendant un certain temps, ne calment pas les démangeaisons, & n’arrêtent pas le progrès du mal, on aura recours à ceux qui sont prescrits par le traitement de la gale & du farcin. (Voy. ces mots)

Il arrive souvent, dans les contrées où la longueur de l’hiver retient le bétail dans les écuries pendant trois, quatre, & quelquefois cinq mois, que les jeunes veaux sont attaqués de dartres de différentes espèces. Un régime bien entendu, l’arrivée de la belle saison, la bonté des pâturages, l’exercice qu’ils y prennent, & la pureté du nouvel air qu’ils respirent, dissipent assez communément ces sortes d’éruptions, sans qu’on soit dans le cas de mettre en usage aucun remède ; mais elles exigent un traitement suivi, lorsqu’à l’entrée de l’hiver ces jeunes animaux en sont attaqués, après avoir avoir passé l’été, & quelquefois une partie de l’automne dans des parcours arides, où souvent on les a abandonnés à des chaleurs excessives, à des pluies froides, &c.

Quant aux soins extérieurs qu’on donnera aux dartres farineuses & crustacées, tant que le traitement interne durera, on les humectera plusieurs fois le jour avec un linge imbibé d’eau tiède, de manière à enlever toute la sérosité qui pourroit, en s’écartant sur la superficie de la peau, la corroder & augmenter le mal ; & pour que ce pansement se fasse avec succès, on rasera le poil de la circonférence des dartres, jusqu’à une distance qui les mette tellement à découvert, qu’on puisse aisément en absorber la sérosité & les tenir propres. Si ce topique ne suffit pas, après que les démangeaisons seront calmées par les remèdes internes, on pourra faire usage de ceux qui sont indiqués pour la gale. M. BR.