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De Paris à Bucharest/Chapitre 15

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DE PARIS À BUCHAREST,

CAUSERIES GÉOGRAPHIQUES[1],

PAR M. V. DURUY.
1860 — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[2].




XV

À MUNICH.

Les villes nécessaires et les villes artificielles. — Munich est né de la querelle d’un duc et d’un évêque. — Le roi Louis. — Un coup de cravache. — Munich à vol d’oiseau. — La vieille ville et la nouvelle ville. — L’architecture : un musée de pastiches pris pour une renaissance. — La Rumeshalle et la Bavaria. — La Siegesthor et ses lions. — L’obélisque de bronze et les obélisques de pierre.

Il y a des villes nécessaires, comme Londres, Paris et Rome, comme Lisbonne, Amsterdam et New-York. C’est la géographie et l’histoire qui les ont faites. On n’aurait pu les mettre ailleurs et elles firent toute leur force d’elles-mêmes. Mais d’autres sont des créations artificielles. Nées d’un caprice ou d’un concours fortuit de circonstances, elles n’ont d’autre raison d’être que de se trouver là où elles sont. Ainsi rien n’appelait une grande ville à la place où Munich s’est élevé, au milieu d’une maigre plaine qui ne suffit pas à le nourrir, au bord d’une rivière torrentueuse où l’on ne peut faire flotter un bateau. Mais il en est de l’organisme social comme de l’organisme humain, le sang afflue au point où on le provoque à venir. Ces villes forcées, ainsi que disent les agriculteurs d’une plante qui vient hors de sa saison, finissent par croître et s’étendre. Seulement à la maigreur des rameaux, à la pauvreté du feuillage, on voit bien que ces arbres étiolés ne tirent pas du sol qui les porte la séve vigoureuse qui fait les grands chênes.

Munich est une ville doublement artificielle. Ses ducs en ont fait, malgré sa situation, une capitale, et son roi Louis en a voulu faire une Athènes allemande, quoique les Phidias et les Raphaël n’y courussent pas les rues.

Parlons d’abord de la ville ; nous viendrons ensuite au roi.

Comme le clergé doit regretter le moyen âge ! En ce bienheureux temps un tiers du territoire allemand était domaine d’Église. En Bavière, Augsbourg, Passau, Freising appartenaient à leur évêque, avec d’immenses terres tout autour, et il ne restait aux ducs d’autre ville importante que la vieille cité de Ratisbonne. Ils y résidaient, assez embarrassés d’y bien vivre, attendu la pauvreté de leurs revenus. Un des meilleurs, alors, était celui qu’on tirait des péages. Par la Bavière passaient toutes les denrées que Venise allait chercher en Orient et que ses marchands conduisaient à Inspruck pour les répandre de là en Allemagne. Par elle passait aussi tout le sel tiré des inépuisables mines du Salzbourg pour la Souabe et la Franconie. Or, les routes d’Inspruck et de Salzbourg à Augsbourg et à Ratisbonne se croisaient sur l’Isar. Mais en quel point ?

L’évêque de Freising voulait que ce point fût chez lui, à Vöhring. Il y bâtit un pont ; il y établit un marché et un hôtel des monnaies, où les marchands échangeaient leurs pièces étrangères contre celles du pays en laissant, bien entendu, chaque fois au monnayeur, comme au péager, pas mal d’écus que l’évêque trouvait excellents quel que fût leur titre.

Le duc se désolait de voir cette bonne aubaine tomber aux mains de l’Église, et, chef du pays, il n’osait pas trop user d’une ressource alors fort employée, rançonner ou piller les marchands sur la route. Il imagina de faire concurrence à l’évêque : il jeta un pont, un peu plus haut sur l’Isar, en un endroit où l’on trouve encore des restes de constructions et de sépultures romaines. Des moines y avaient déjà un couvent, ce qui faisait appeler le lieu Monachium[3]. Il y établit un bureau de change et un marché. Mais on ne sait à quelle époque ni sous quel duc cela se passait.

Au milieu du douzième siècle la couronne ducale était sur la tête d’un des plus puissants princes du temps et un des moins endurants, Henri le Lion, duc de Bavière, de Saxe et de Toscane. Il avait de grands besoins ; il se dit que son trésor se remplirait bien plus vite si le pont de Vöhring n’existait plus, et un beau jour il s’en alla le brûler. L’évêque était l’oncle de l’empereur ; on écouta ses réclamations, et il intervint une sentence arbitrale qui laissa au fond de l’eau le pont de l’évêque, mais attribua à celui-ci un tiers des revenus du pont ducal. Ce jugement est de l’année 1158, et c’est le plus ancien document où se trouve le nom de Munich désignant un lieu habité. Le duc y perdit quelque argent, mais Munich y gagna de rester seul en possession du passage. Son pont et son marché attirèrent le commerce, et le village devint un gros bourg.

Voilà donc l’Athènes moderne, puisqu’il faut, dit-on, la nommer ainsi, qui naquit d’une querelle entre un duc et un évêque, comme l’autre, la véritable, était née d’une querelle entre deux divinités, Neptune et Minerve. C’est un trait de ressemblance que je livre aux poëtes de la Ludwigsstrasse.

Avec tout cela, Munich pouvait rester obscur. Une autre circonstance acheva sa fortune.

Quand la grande maison ducale des Welfs s’écroula, Ratisbonne rejeta le coûteux honneur d’être la capitale du duché, et se fit cité impériale, ce qui voulait dire ville libre et république à peu près souveraine. Les ducs se résignèrent à résider là où il ne se trouvait ni évêque pour leur disputer le pas, ni bourgeois pour leur fermer la porte au nez. Ils vinrent à Munich. Un d’eux nommé empereur, Louis V, lui accorda des priviléges et y éleva des constructions qu’on voit encore. Aussi ce pauvre césar, qui fait dans l’histoire assez triste figure, y est-il célébré, en vers et en prose, à l’huile et à la détrempe, comme un grand homme. Sigismond y fonda vers 1488 sa lourde cathédrale ; Guillaume III, un palais qu’il mit à côté du couvent des Jésuites, pour être plus près de ces bons Pères, et par derrière, comme il convenait à un prince du seizième siècle de s’effacer devant ces puissants personnages ; Maximilien Ier, celui de la guerre de Trente ans, bâtit la Résidence ; Maximilien IV, le faubourg qui porte son nom et où son fils le roi Louis a élevé tous ces édifices dont Munich est si fier, qu’il a décorés de colonnes, de frontons et de statues, mais aussi de fort vilains noms, la Glyptothèque, la Pinacothèque[4], etc.

L’Ermitage, à l’ancienne Résidence, à Munich.

C’est une curieuse histoire que celle de ce roi Louis : amoureux d’art, de poésie, de musique, il chercha le beau sous toutes les formes, il l’étudia à Rome et dans les coulisses de l’Opéra ; il couvrit Munich de monuments et Lola Montès d’une couronne comtale. Il fit des vers, des comédies, des chemins de fer et des canaux, surtout des temples grecs. Il fit même une révolution, ou du moins la laissa faire, abdiqua en faveur de son fils, et, comme un autre vert-galant de notre histoire, est resté, malgré toutes ses fredaines, très-populaire. Munich raffole de lui et trouve que son nouveau roi est trop sage.

C’est que tant qu’il fut là on tailla la pierre, on coula le bronze et on broya de la couleur à Munich comme il ne s’était jamais vu dans aucune ville du monde. Sa liste civile dépassait à peine six millions de francs ; mais il usa de tant d’économie dans ses autres dépenses, une seule exceptée, disent les mauvaises langues, celle qui amenait souvent un nouveau portrait dans une galerie déjà longue ; il mit tant d’ordre dans ses comptes et de surveillance personnelle dans les travaux[5] ; il eut si peu d’administrateurs et tant de bons ouvriers qu’il vint à bout en vingt-trois années de règne de transformer sa capitale. Les princes, les grands seigneurs qui son encore nombreux et riches en Bavière, le corps municipal et les particuliers firent comme le roi.

Tout le monde était content. Les ouvriers avaient de la besogne à faire, les bourgeois des chefs-d’œuvre à admirer. D’abord, étonnés de ce remue-ménage dans leur ville endormie, ils y avaient pris goût. Chaque matin on courait voir la nouvelle peinture ou le bas-relief nouveau. Et en face de si belles choses on se répétait que la Bavière ne devait plus envier à Berlin le bonheur d’avoir les soldats les mieux alignés de l’Allemagne, à Vienne les diplomates les plus habiles sur la question de l’équilibre des corps. Si l’on n’était pas les premiers dans la guerre ni dans la politique, on l’était dans l’art, ce qui valait mieux. Aussi, comme on portait la tête : il n’y avait pas un citoyen de Munich passant sous la porte de l’Isar qui ne baissât le front, de peur de se heurter aux créneaux.

Et le roi Louis se frottait les mains. Sa ville s’embellissait. D’un bout à l’autre les uns y faisaient de l’art, les autres en discutaient : foin de la politique ! Il vivait à sa guise, le bon roi, et ses sujets vivaient à la sienne.

Une ballerine renversa à coups de cravache cette bonne entente.

Vous savez le reste. Aujourd’hui les grands artistes sont morts comme Schwanthaler et Klenze, ou sont partis comme Cornélius. On songe bien plus à quêter pour Rome qu’à dépenser pour l’art ; on oublie l’ogive et l’arc en plein cintre pour rayer des canons et carabiner des fusils ; on voudrait rendre à l’Autriche le service d’occuper pour elle ce Tyrol que nous leur avions donné, les ingrats, qu’ils regrettent toujours, parce qu’il finirait si bien leur frontière du sud, en l’appuyant aux grandes Alpes, et que peut-être ils espèrent recouvrer ainsi.

De ces préoccupations nouvelles il résulte qu’on travaille beaucoup moins ; pourtant on achève lentement ce qui a été commencé, c’est un reste de l’élan donné ; mais la vie n’y est plus, on s’endort dans la contemplation des merveilles écloses il y a trente ans. J’ai couru toutes les librairies pour trouver une publication d’art, et n’ai vu que deux ou trois mauvais albums.

Voilà bien longtemps que je vous retiens dans l’histoire de Munich. Allons regarder dans la ville.

Selon mon habitude et afin de prendre plus vite mes directions, je montai d’abord sur la plus haute tour, celle de la Pfarrkirche zu S.-Peter, où le roi Louis, par parenthèse, aurait bien dû faire passer ses maçons, tant elle est délabrée ; il est vrai que c’est la plus ancienne église de la ville. De là on reconnaît aisément la ligne des fortifications d’autrefois et par conséquent le vieux Munich. Il avait la forme d’un cercle tangent au fleuve par le point où se trouvait le pont qui fit sa fortune : de tous les autres côtés il s’en éloignait pour éviter les marécages de la rive. Le cercle est même double, car on peut suivre une seconde ligne concentrique à la première, qui doit marquer une plus ancienne enceinte[6]. Saint-Pierre et la Schrannenplatz, bâtie par l’empereur Louis au commencement du quatorzième siècle, sont au centre ; la Frauenkirche (Notre-Dame), sur la première circonférence, la Résidence, sur la seconde. Au delà sont les faubourgs : au nord, ceux de Max, où se trouvent presque toutes les constructions nouvelles, et le Beau-Champ (Schonfeld), qui renferme un grand jardin anglais ; le Ludwigsstrasse ou rue de Louis est entre les deux. Au sud-ouest, celui de Louis, avec la Therensein Veise, vaste prairie au bout de laquelle se dresse la Bavaria ; le long du fleuve, ceux de l’Isar et de Sainte-Anne ; sur l’autre bord, Haidhausen et le faubourg d’Au avec la belle église ogivale de Notre-Dame de Bon-Secours. Derrière les dernières maisons une plaine monotone et triste ; dans le lointain, à quinze ou vingt lieues dans le sud et le sud-est, les Alpes du Salzbourg et du Tyrol, sur lesquelles je ne vis point de neige et qui, à cette distance, manquaient de grandeur. Les montagnes ont, comme les tableaux, leur point de perspective ; il faut les voir d’assez près pour qu’elles apparaissent dans leur majesté.

Notre-Dame de Bon-Secours, à Munich.

Un jour, à Dijon, j’ai cru voir, à soixante lieues de distance, le Mont-Blanc, et je ne trouvai d’autre charme à cette vue que de pouvoir me dire : « La plus haute montagne de l’Europe est là. » Je l’ai vu de plus près, du signal d’Aubonne ; c’était bien le roi des Alpes. Mais à Chamouni, à la croix de Flegère, en face de la mer de glace, quand il se dresse soudainement du fond de la vallée à une hauteur de dix mille pieds, c’est la plus belle montagne de la terre et le trône de l’Éternel[7].

Si Munich est trop loin des hautes montagnes pour qu’on y ait des vues alpestres, il en est assez rapproché pour que les vents qui en viennent le glacent. Je grelottais sur ma tour, en plein mois d’août[8], et mon premier soin, quand j’eus descendu l’escalier branlant de Saint-Pierre, fut d’acheter un de ces grands châles que les Anglais, gens fort avisés en confort, ont toujours avec eux.

Dans les rues, je fus étonné de trouver une population d’apparence si peu germanique. Le soleil italien ne passe pas les monts, mais beaucoup de choses de l’Italie les franchissent. À Munich, le type allemand est italianisé. La taille est moyenne, les cheveux blonds sont rares et nombre de boutiques portent des noms transalpins. Dans les vieilles églises, celles du peuple, qui ne sont jamais désertes, tandis que les neuves n’ont personne, les saints sont dorés et les Vierges couvertes de brillants oripeaux. J’aperçus dans une chapelle des paysans assis sur un banc et qui regardaient, je crois, un crucifiement ; je m’approchai pour mieux voir leur costume un peu étrange : c’étaient des statues peintes. À la Mariensäule, j’ai toujours trouvé des femmes et des hommes agenouillés en pleine rue et priant. C’étaient autant de signes annonçant que les arts italiens seront également venus s’établir ici.

Dans le vieux Munich on ne les rencontre guère. Il ressemble à toutes les vieilles cités. Les rues n’y sont point larges et les maisons se serrent les unes contre les autres, comme faisaient les bourgeois du bon vieux temps, toujours si menacés et si inquiets que par prudence ils occupaient le moins de place possible. Aucun édifice remarquable. Le moyen âge et la Renaissance n’ont rien laissé de curieux. Saint-Pierre est fort laid ; à Notre-Dame, on voit une masse informe de briques rouges dont le temps a rongé les arêtes, et deux tours coiffées d’une affreuse coupole de cuivre ; sur la Schrannenplatz, la Mariensäule, colonne de marbre rouge surmontée d’une statue en bronze de la Vierge, avec quatre génies aux angles du piédestal qui combattent une vipère, un basilic, un lion et un dragon. Ces quatre animaux malfaisants représentent le protestantisme. L’électeur Maximilien se vengeait avec un peu de marbre et de bronze des protestants qui l’avaient si bien battu.

La Mariensäule, sur la Schrannenplatz.

Tout cela ce n’est pas de l’art. On voit bien et la Vieille-Résidence une fontaine de bronze d’une jolie ordonnance et la cour de Rocaille ne manque point d’une certaine grâce ; les deux entrées ont du caractère ; enfin le portail de Saint-Michel, malgré sa froideur et sa tristesse, a de l’élégance dans ses lignes et du goût dans ses détails. Mais ces jolies choses ne suffisent pas à faire la réputation d’une capitale. Aussi, je me disais, en gagnant le faubourg Max, que j’allais être dédommagé, qu’une ville où depuis vingt-cinq ans on a exécuté plusieurs kilomètres de peinture[9], tout un peuple de statues, je ne sais combien d’églises et de palais, de portes triomphales et de musées, où la brique, la pierre, le marbre, le bronze, même le grès, ont été remués avec amour et entassés avec profusion, allait me montrer enfin un art nouveau ; que grâce à Munich et au roi Louis, à Cornelius, à Schwanthaler, à Klenze, à Schnorr et à Hess, un grand siècle serait dorénavant ajouté dans la mémoire et la reconnaissance des hommes aux siècles de Léon X, d’Auguste et de Périclès. On le dit très-haut à Munich, on le croit très-fermement en Allemagne, et en France quelques-uns tiennent pour une vérité qu’au bord de l’Isar on a vu le réveil radieux de la Muse et une seconde Renaissance.

La basilique de Saint-Boniface, à Munich.

Hélas ! le Phénix n’est pas rené de ses cendres. Je vis des choses charmantes, comme Notre-Dame de Bon-Secours, avec ses vitraux splendides et ce mélange de la brique et de la pierre qui est d’un si délicieux effet ; quelques unes d’aspect imposant, comme la basilique de Saint-Boniface, qui frappe tout le monde, même ceux qui ne pensent pas que la maison du Dieu des pauvres doive être de marbre et d’or ; mais partout je trouvai des réminiscences et nulle part de l’invention. L’art à Munich est comme celui qui en fut quelque temps le pontife, master Cornélius, bien plus érudit qu’il n’est créateur. Dans sa grande page du jugement dernier, à l’église Saint-Louis, M. Th. Gautier retrouvait ici un ange, là un démon, ailleurs un groupe, un raccourci, un mouvement qu’il avait vus à Rome ou à Pise, à Florence ou à Anvers et qui appartiennent à Michel-Ange et à Rubens, à Orcagna et à Signorelli. En regardant bien les édifices on peut aussi leur mettre à tous, au front, une date et un nom. Munich est un charmant musée de pastiches.

La Siegesthor est la copie de l’arc de Constantin à Rome, et la basilique de Saint-Boniface, une réduction de Saint-Paul hors des murs.

La Siegesthor, à Munich.

L’église Saint-Louis et la nouvelle chapelle de la cour appartiennent au style byzantin et Sainte-Marie de Bon-Secours au pur ogival.

Saint-Louis.

Au palais Wittelsbach on a copié le quatorzième et le quinzième siècle.

La Nouvelle-Résidence est le palais Pitti, et le ministère des mines, la Loggia de Lanzi.

On retrouve le moyen âge italien dans l’Institut des aveugles et à la Bibliothèque royale, la Renaissance dans les palais du duc Maximilien et du prince Charles.

On dirait que Palladio ou quelque artiste de Venise a élevé le palais des Salles de fête, et l’Hôtel de la guerre, la Salle des maréchaux (Feldherren halle) viennent tout droit de Florence.

Je ne me plains pas qu’on ait fait toutes ces copies. Je félicite Munich de les avoir, et je voudrais bien que Paris les possédât, parce que, à reconstruire et à voir ces belles choses, des talents se forment, et qu’un tel milieu est trop favorable aux artistes pour ne l’être pas aussi à l’art. Le roi Louis a donc bien rempli sa tâche de roi en donnant de si grandes facilités au talent de se produire. Les architectes ont-ils aussi bien accompli la leur ? il y a dans les détails du goût, de l’esprit, de l’invention même. L’ordonnance intérieure, la distribution des salles et des jours, dans les musées de Munich, devront être étudiées chaque fois qu’on voudra construire ailleurs des édifices analogues. Mais la conception de l’ensemble à qui revient-elle, et l’art nouveau où est-il ?

Je sais bien que les Grecs, les Romains et les Arabes ont depuis longtemps trouvé toutes les lettres de l’alphabet avec lequel l’artiste doit écrire son poëme de pierre, je veux dire les éléments de l’art architectural. Mais si le nombre de ces éléments est nécessairement borné, les combinaisons auxquelles ils se prêtent sont innombrables. On croyait avoir tout épuisé, quand deux arcs romains se coupant ont donné l’ogive, quand dix colonnes grecques accouplées ont fourni les piliers à la fois puissants et légers de nos cathédrales ; et la Renaissance jetant au milieu de tous les styles son caprice contenu, sa fantaisie réglée, son imagination élégante et vive, répandit sur toutes les vieilles choses le souffle créateur. Un art charmant approprié à nos climats et à nos mœurs en naquit. Pourquoi la gracieuse fleur s’est-elle fanée si vite ? Ni Klenze, ni Gärtner, ni Ziebland ne l’ont retrouvée[10].

Ajoutez que ces monuments de l’Italie et de la Grèce ont froid sous le ciel inclément de Munich, dont la température moyenne est celle de Stockholm, car il y a un rapport nécessaire que l’art ne peut impunément méconnaître entre l’architecture d’un pays et son climat ; ajoutez encore que le sol plat où ils se trouvent les empêche de se dominer réciproquement et de former comme à Athènes, à Rome et à Paris même, ces belles masses pittoresques où la valeur de chaque partie est doublée par celle de l’ensemble ; qu’enfin, jetés au hasard dans une campagne dont la ville n’a pas encore pris pleinement possession, il y a autour d’eux ce silence qui convient aux ruines, mais non aux édifices nouveaux vers lesquels on veut attirer la foule. La Ludwigsstrasse, voie monumentale, entre un arc de triomphe et un palais de roi, est un désert qui ne devient une rue qu’à son extrémité où elle se confond avec la vieille ville. Pour animer ce vaste espace il faudrait y faire descendre et vivre tout le peuple muet des fresques.

West-End, à Londres, est aussi sans mouvement et sans bruit. Mais c’est le silence commandé par une riche et puissante aristocratie qui a voulu éloigner d’elle le tumulte importun de l’industrie et du commerce ; si le noble quartier étale une froide magnificence, il n’en est pas moins très-habité ; d’ailleurs, la Cité est à deux pas et l’esprit se plaît aux contrastes. Mais les palais qui bordent la Ludwigsstrasse sont pour la plupart des constructions administratives[11]. Il n’y entre et n’en sort que de modestes employés, en fort petit équipage. La vie n’y viendra jamais, et la vie est une partie de la beauté d’une ville d’Europe, comme le silence et la mort sont celle d’une nécropole d’Égypte.

Je voudrais bien vous décrire ces édifices, mais le crayon parle plus vite et mieux. Un mot seulement sur quelques-uns.

Celui dont Munich est le plus fier est la Ruhmeshalle avec le colosse de la Bavaria.

Au delà du faubourg Louis, au bout de pauvres constructions dont beaucoup n’ont que des planches pour clôtures, s’étend une prairie sans arbres, sans eau, parfaitement plate et couverte de ce maigre gazon des sols souvent piétinés que n’égaye jamais une fleur : un champ de cours ou de manœuvre. À son extrémité on a bâti, sur un tertre artificiel, un portique dont les colonnes ont des chapiteaux modelés sur ceux d’Égine, et sous lequel sont placés les bustes des grands hommes de la Bavière. Le roi Louis a pu en trouver près de quatre-vingts. Quatre-vingts grands hommes dans la petite Bavière, voila une terre privilégiée !

En avant de ce portique se dresse une statue de bronze haute de vingt mètres, de trente avec son piédestal, qui, de la main gauche élevée au « dessus de sa tête, tient la couronne promise au victorieux[12]. Un lion est à ses pieds, et, de la main droite, elle serre une épée contre sa poitrine. La pose est noble et aisée. La statue semble irréprochable, et pourtant je ne suis pas satisfait de l’ensemble.

Je n’ai jamais compris la théorie de l’art pour l’art. Un monument doit être en rapport avec le site qui le porte et l’entoure, avec l’idée qu’il exprime, avec le besoin qu’il satisfait. Cette plaine nue n’est pas la place qui convient à une statue de quatre-vingts pieds. Le portique placé derrière elle, qui ne lui vient qu’à la ceinture, n’empêche pas qu’elle ne projette dans l’azur du ciel une trop longue et maigre silhouette. Les colosses sont faits pour les lieux élevés. Il leur faut un piédestal immense, des temples tout alentour et une grande ville couchée à leurs pieds : le Palatin et Rome, comme à celui de Néron ; l’Acropole et Athènes, comme à la Minerve de Phidias. Que la Grèce, l’empire romain et la foi catholique aient fait de ces statues prodigieuses, je le comprends. L’Angleterre, la Russie et la France voudraient en avoir, je le comprendrais encore. Pour couronner des peuples géants, il faut des colosses. Mais la Bavière n’est pas, que je sache, si grande que pour atteindre à sa tête il soit besoin d’une statue de telle taille.

Disons-le, ni le lieu, ni l’histoire ne demandaient la Bavaria. Mais le roi voulait mettre de tout dans Munich : il y mit un colosse.

La Bavaria, à Munich.

À Paris nous n’avons rien d’analogue, mais seulement deux colonnes surmontées de deux statues qui symbolisent toute notre histoire : celle de Napoléon, ou, disons mieux, le génie même de la guerre qui, de son œil de bronze, regarde avec amour ses légions victorieuses montant vers lui en spirales triomphantes ; l’autre, qui n’a pas de nom et cependant qui ne couronne rien ni personne, c’est le génie de la liberté. Il s’élance vers la grande ville et sur le monde, tenant d’une main un flambeau et de l’autre des chaînes rompues. Sont-ce celles de la Bastille écroulée ou de l’esprit humain affranchi ? L’une et l’autre ; l’Allemagne, du moins dans ses moments lucides, le reconnaît et le dit[13].

Dans la tête de la Bavaria.

Comme tous les badauds, je montai dans l’intérieur de la statue. Nous arrivâmes cinq au banc de bronze établi dans sa tête. Nous étions fort serrés en cet étroit espace, ce qui n’empêche pas que je ne lise dans une description de Munich, imprimée à Munich et composée par un professeur de l’Université de Munich, que trente personnes y tiennent à l’aise. Les autres livres n’ont pas manqué de répéter cela. Pourquoi ne pas dire tout de suite qu’on y donne des fêtes. Là où trente personnes peuvent tenir, une maîtresse de maison de Paris trouverait moyen d’en faire danser au moins vingt[14].

On ajoute que de là on a des vues magnifiques sur la ville et les Alpes.

Les jours ménagés sont trop étroits pour suffire au renouvellement de l’air, quand la statue a reçu plusieurs visites ; et je crois me rappeler que ce qu’on voit le mieux, ce sont deux mâts bariolés de bleu et de blanc, couleurs de la Bavière, mais sans drapeaux ni insignes quelconques et qu’on a placés en avant de l’escalier conduisant à la statue. Si sa main lâchait la couronne, c’est l’un d’eux qui serait couronné. Je ne comprends pas que la municipalité de Munich tienne en permanence ces deux perches au devant de son monument favori.

Intérieur du chignon de la Bavaria.

Cette petite histoire des erreurs relatives à la Bavaria est à faire trembler les historiens présents et futurs. Voilà un fait qui est matériellement faux : cinquante personnes peuvent le constater tous les jours, et il n’en court pas moins, comme vérité, toute l’Europe d’un bout à l’autre.

Du colosse grec passons à l’arc de triomphe romain ; nous irons ensuite à l’obélisque des Pharaons ; on peut ainsi voyager dans Munich, sans sortir de l’antiquité.

La Siegesthor ou Porte triomphale est à une des extrémités de la Ludwigsstrasse. C’est l’arc de Constantin avec l’inévitable quadrige. Nous l’avons au Carrousel. Mais entre les deux copies, il y a cette différence que la France s’est contentée de mettre des chevaux à son char et des soldats dans les entre-colonnements ; la Bavière fait traîner son quadrige par des lions et remplace nos soldats par des Victoires dont la rapidité a été ou doit être si grande qu’il a fallu leur donner des ailes. Au-dessous cette inscription : À l’armée bavaroise ! Nous voilà avertis et la France n’a qu’à bien se tenir.

Je trouve excellent de stimuler le patriotisme, mais la flatterie ne vaut pas mieux pour les peuples que pour les rois. L’histoire est pleine des sottises et des culbutes faites par des gens qu’on avait hissés sur des échasses.

Au même ordre d’idées appartient « le Portique des Grands-Capitaines. » Aucune des nations militaires de l’Europe n’a encore songé à bâtir un pareil édifice. Ce ne sont pas toujours les plus riches qui font sonner le plus haut leurs écus. Cette fois, le roi Louis n’a pas eu la main aussi heureuse qu’à la Rumeshalle. Il a eu beau chercher, il n’a trouvé que deux hommes à mettre sous son portique, Tilly et de Wrède. L’un qui, dans la guerre de Trente ans, fut moins le général de l’électeur que celui de la ligue catholique ; l’autre qui servit plus la France que la Bavière et à qui mal en prit de vouloir, après Leipzig, arrêter à Hanau le vieux lion blessé. Comme il convient, en pareille circonstance, ce n’est pas d’un bronze vil qu’on s’est servi. Si j’en crois le livret, on a fait la statue de Tilly avec des canons de la flotte turque détruite à Navarin… par l’Angleterre et la France. Mais qu’y a-t-il de commun entre Tilly et ce bronze turc acheté à des Grecs ? Quant à de Wrède, il est fait de canons « pris à l’ennemi en diverses occasions. » À la bonne heure. Mais n’y aurait-il pas là quelque peu de bronze des chers confédérés conquis avec nous, avant 1813, peut-être même du bronze autrichien ?

Tout récemment, le 28 novembre 1861, le roi Max a fait dresser une statue avec cette inscription : « Au grand philosophe Schelling, érigée par son disciple reconnaissant Maximilien II, roi de Bavière. » Voilà qui est bien et je loue fort ce sentiment peu ordinaire dans les princes, j’aime mieux aussi cette statue que celle de Wrède ; mais où est la philosophie de Schelling aujourd’hui ! Demandez à Villon où sont les neiges d’antan ?

Il y a des obélisques à Paris et à Rome, donc il en fallait un à Munich. Mais comme on n’avait pas à portée de la main les montagnes de granit nécessaires, on l’a coulé en bronze. Il est haut de trente mètres et ses quatre faces noires n’ont ni ornements ni sculptures. C’est sombre et triste, sans élégance ni grandeur. Je vois bien là beaucoup de métal, je n’y vois point d’art. Ne m’accusez pas de sévérité injuste et raisonnons un peu : la raison est un des éléments essentiels de l’art.

Pourquoi les obélisques des Pharaons nous plaisent ils ? Ce n’est pas, assurément, par leur forme plate et pointue. Une aiguille de rocher au flanc d’un mont et le pin le plus laid sont cent fois plus beaux. Mais il s’y attache une pensée qui plaît à notre orgueil d’homme, le souvenir des efforts immenses qu’il a fallu faire pour que cette masse énorme, d’un seul morceau, que la nature avait cachée dans les entrailles de la montagne, en fût arrachée, traînée à travers la plaine et dressée debout à la porte du sanctuaire, pour que ce granit qui use l’acier fût taillé, poli, chargé de figures.

Ajoutez les quarante siècles qui de là-haut nous contemplent et ces images de grandeurs écroulées, de civilisation éteinte, de religion détruite que l’esprit évoque autour de cette pierre, et vous comprendrez pourquoi en passant près d’elle nous sommes remués profondément.

En architecture l’esprit ne s’arrête pas à la forme seule ; il s’occupe aussi de la matière qui rend cette forme solide et durable. Un peu de toile porte un chef-d’œuvre, je ne m’en effraye pas. Mais si vous me dites qu’un portique est fait de poutrelles et de plâtras, je tremble que les unes ne pourrissent et que les autres ne tombent sur ma tête.

Quand je m’aperçus que toutes les colonnes de Londres étaient de la brique revêtue d’un enduit de plâtre, je ne pus en regarder davantage. Quand je trouvai sur l’église de Notre-Dame, à Rouen, au lieu d’une flèche en dentelle de pierre, des barres de fer tranquillement fondues dans une prosaïque usine, je courus bien vite à Saint-Ouen, laissant l’industrie pour l’art. L’obélisque de Munich a produit sur moi le même effet. Un chaudronnier a pu clouer toutes ces plaques de cuivre l’une à l’autre.

L’obélisque, à Munich.

Il est consacré à la mémoire de trente mille Bavarois morts en 1812 dans l’expédition de Russie. C’était le contingent de la Bavière : il resta tout entier sous la neige. L’inscription ajoute : « Eux aussi ils sont tombés pour la délivrance de la patrie ! »

Les pauvres diables ne s’en doutaient guère, et s’ils ont délivré leur patrie, c’est bien à leur insu. Je ne vois pas trop quelle bonne pensée cette inscription peut susciter dans l’âme du peuple : si ce n’est, avec le souvenir des inconvénients de la dépendance autrefois acceptée, la leçon à tirer de là que les Bavarois ne doivent servir que la Bavière. À entendre ce qu’on dit dans certaine région de Munich, on serait tenté de croire que le successeur du roi Max aura aussi un obélisque à élever aux Bavarois morts dans les Alpes ou sur les bords du Mincio, pour une cause qui leur est étrangère.

  1. Suite. — Voy. t. III, p. 337, 353, 369, et t. V, p. 193 et 209.
  2. Tous les dessins de cette livraison ont été faits en Allemagne, pour le Tour du monde, par M. Lancelot, qui a suivi exactement l’itinéraire de l’auteur du texte.
  3. Monachium, d’où nous avons fait Munich, comme les Allemands ont fait Munchen de Monche, qui signifie moines. Wesseling dans son Itinéraire d’Antonin, p. 236, met sur l’emplacement de Munich une station romaine du nom de Zsunisca, dont on croit avoir suivi les diverses transformations : vers 780, Sunihinga; plus tard, Munihiringa, et Munihha. Le monastère de Wessobrunn possédait des terres en cet endroit dès l’année 900, et nous avons un document où l’abbé de Tegernsée et Véglise de Freising se disputent la dîme des terres à Gmund, Vöhring et Munich.
  4. Il y a pourtant une Pinacotheca à Bologne, et nous sommes habitués au mot de bibliothèque, qui est de même formation.
  5. Un de mes amis visitait l’église Saint-Louis et était monté sur les échafauds, lorsqu’on frappa à la porte. C’était le roi qui venait tout seul voir les ouvriers, les artistes et les travaux. Chaque semaine, il contrôlait l’état des dépenses et ordonnançait le payement des sommes dues. Pour simplifier les rouages, les architectes étaient en même temps les administrateurs. Ils choisissaient les entrepreneurs sur soumissions cachetées, et ils traitaient de gré à gré avec les sculpteurs et les peintres. Le roi n’arrivait qu’ensuite pour les gratifications.
  6. J’ai vu, en effet, depuis, un plan de Munich, vers l’an 1300, qui place la première enceinte sur cette ligne.
  7. Pas une montagne du globe n’a une hauteur relative aussi grande que le Mont-Blanc. L’Himalaya est double de hauteur, mais on arrive à ses sommets par une série d’étages et par des vallées successives, qui ne produisent pas l’effet de cette gigantesque muraille presque à pic que forme le Mont-Blanc au-dessus de Chamouni. Les grandes Alpes du Tyrol, le pic des Trois-Seigneurs et le Grand-Glockner sont à cent trente et à cent cinquante kilomètres à vol d’oiseau de Munich.
  8. Le 19 mai 1861, il est tombé de la neige à Munich, le thermomètre n’était qu’à un demi-degré au-dessus de zéro.
  9. Les treize loges de la Pinacothèque, peintes par Cornélius, ou sur ses dessins, présentent à elles seules une surface de plus de six mille pieds carrés.
  10. Klenze a construit la Ruhmeshalle ou Temple de la gloire, la nouvelle chapelle de la cour, la Nouvelle-Résidence, la Glyptothèque, les palais Max et Leuchtenberg, l’obélisque de la Carolinenplatz ; Gärtner, la Salle des fêtes, l’Isarthor, la Siegesthor, la Bibliothèque, l’église Saint-Louis, le palais Wittelsbach ; Ziebland, Saint-Boniface ; Ohlmuller, Notre-Dame de Bon-Secours.

    Un architecte français, M. Lusson, qui admire beaucoup le roi Louis et Munich, est cependant forcé d’avouer « que la plupart de ces monuments sont des imitations, et que l’artiste n’y voit le plus souvent que l’inexpérience d’une jeune école qui mélange les styles ou les applique parfois sans discernement. » (Souvenirs d’un voyage à Munich, p. 77.) « À Munich, continue notre architecte, la peinture et la sculpture sont plus avancées que l’architecture. » Mais un peintre dira peut-être que les monuments y sont bien supérieurs aux tableaux.

  11. Le ministère de la guerre, la Bibliothèque, le Damenstiftsgebäude, l’Institut des aveugles, l’hôtel de l’administration des mines et des salines, l’Université, etc.
  12. La hauteur, à partir du piédestal jusqu’au sommet de la tête, n’est que de quinze mètres trente-cinq centimètres : jusqu’au bout de la main, de dix-neuf mètres vingt-sept centimètres.
  13. La Gazette prussienne, reproduisant dans son numéro du 24 mars 1861 un article de la feuille hebdomadaire prussienne, disait : « La France marche à la tête des principes de 1789 ; c’est la véritable mère des libertés nationales. »
  14. « Eine Treppe führt un Inneren vom Fussgestell bis in des kolosses kopf, in welchem allein 30 Personen Raum haben. » Dr. Söltl, München mit seinen Umgebungen, p. 189. Un autre, un Anglais, ajoute qu’on monte dans ses yeux et dans sa bouche, quoique celle-ci n’ait que trois cent soixante-cinq millimètres et les yeux deux cent soixante-dix. M. Marmier, l’aimable touriste, qui est allé partout et qui de tout parle si bien, n’a sans doute pas fait lui-même l’ascension de la Bavaria, car il dit, p. 113 de son Voyage en Allemagne : « On monte jusque dans l’intérieur de son crâne. Dans cette profonde cavité est un banc sur lequel peuvent s’asseoir à la fois vingt personnes. »