De Paris à Bucharest/Chapitre 36

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XXXVI

SEMLIN.


Le débarcadère de Semlin. — Vue du Danube. — Les Serbes d’Autriche. — Une ruelle. — Danger de dessiner des ânes. — La police. — Départ pour Belgrade.

Deux ou trois ruelles conduisent du débarcadère de Semlin à la ville proprement dite, qu’on aperçoit, en face et à droite, à une distance respectueuse du fleuve, car le Danube est un voisin mal commode, et il ne fait pas bon toujours le serrer de trop près. À gauche, s’étend une prairie marécageuse plantée d’arbres et bordée de maisons de pauvre apparence.

Semlin, situé au confluent du Danube et de la Save, n’est séparé de Belgrade que par la largeur de la rivière, très-spacieuse, il est vrai, en cet endroit. On m’avait parlé d’un omnibus à vapeur faisant continuellement le trajet entre ces deux villes. J’avais hâte d’en profiter et de repaître mes yeux de la contemplation d’une ville turque, m’imaginant qu’il suffisait pour monter à bord de payer sa place et tout au plus d’exhiber son passeport. Mais j’avais compté sans les formalités et les lenteurs interminables de la police autrichienne. Mon hôte m’apprit bientôt que je ne pouvais m’embarquer sans l’autorisation de l’état-major de la place et le visa de la police de Semlin. Je remis mon excursion au lendemain, et visitai la ville.

Il n’y a absolument rien à voir à Semlin. La ville passe pour commerçante. Mais tous les négoces m’y semblent confondus. Après avoir acheté un cigare chez un pharmacien, marchand de poissons secs, de beurre et de fromage, comme un négociant du Groënland, je m’éloigne du centre de la ville et gagne un quartier retiré dont les maisons, entourées d’une cour palissadée remplie d’arbres fruitiers et de fleurs, n’ont pas d’entrée sur la rue et ne laissent apercevoir que deux petites fenêtres carrées et jumelles, à persiennes vertes, avec des embrasures peintes en bleu de ciel. Un sureau ou un acacia abrite la porte et retombe en panache sur le toit en bardeau. Des chants bizarres et mélancoliques mêlés à des bourdonnements de gouzla (sorte de mandoline à une seule corde très-répandue dans les contrées yougoslaves), s’échappent par bouffées de ces fenêtres où l’on voit apparaître de temps à autre de jolies figures de femmes, étonnées et tristes, dont le type n’est ni allemand ni hongrois : ce sont des Serbes. Car Semlin, ou Zemoun, est une ville essentiellement serbe. Si l’allemand y est devenu la langue officielle, le peuple n’entend et ne parle que le serbe.

Les Serbes sont très-nombreux en Autriche, — près de deux millions. On les trouve répandus par masses plus ou moins compactes depuis l’Adriatique jusqu’aux Carpathes, dans la Dalmatie, la Croatie, l’Esclavonie, la Sirmie, la Hongrie proprement dite, le Banat. Leurs premiers établissements dans ces contrées remonte à l’époque même de l’apparition des Slaves sur le Danube, au milieu du septième siècle, c’est-à-dire bien avant l’arrivée et la conquête des Magyars. Plus tard un grand nombre de Serbes émigrés des provinces turques situées au delà du Danube et de la Save grossirent et renforcèrent ce fond primitif. Du quinzième à la fin du dix-septième siècle, ces émigrations se succédèrent presque sans interruption. La plus considérable, celle qui a le plus marqué sa place dans l’histoire, est la grande émigration de 1690 conduite par le patriarche d’Ipek en personne, Arsenius Tcharnoïevitch. Appelé par l’empereur Léopold Ier, le patriarche quitta la frontière d’Albanie à la tête de trente-sept mille familles et gagna les terres de l’empire, où il se présenta, dit l’historien Banke, non point en fugitif, mais comme un grand chef national (a great national chief). C’est à partir de cette époque que le siége du patriarcat serbe fut transféré d’Ypek à Saint-André, et plus tard à Carlowitz.

L’empereur, pour attirer les Serbes sur ses domaines, leur avait fait, en tant que roi de Hongrie, de belles promesses qui ne furent pas tenues. La scission provoquée par le patriarche Raïatchitch en 1848 n’avait pas d’autre cause que la violation de ces promesses, et le désir très-légitime des Serbes de recouvrer leurs anciens priviléges nationaux envahis tour à tour par les Allemands et par les Magyars. Il y aurait bien des choses à dire au sujet de cette malencontreuse levée de boucliers qui tourna en fin de compte au profit de l’Autriche. Les Magyars commirent de grandes fautes qu’ils ont cruellement expiées. Puisse la leçon leur profiter !

J’arrivai ainsi jusqu’au pied de la falaise qui domine Semlin à droite, et la gravis de terrasse en terrasse, ne rencontrant par les chemins étroits et en échelles que quelques femmes dont le costume accusait la pauvreté, portant sur l’épaule, accrochés aux deux bouts d’une perche, des vases de cuivre remplis de lait. Au sommet, un peu en arrière et à l’abri des rafales qui doivent souffler avec force sur cette croupe avancée, on rencontre un assez joli village dont les rues, ou, pour mieux dire, les allées sont tracées par des clôtures de planches à hauteur d’homme. Les maisons, construites entièrement en bois, même le tuyau de la cheminée, sont en retraite sur le chemin, auquel elles présentent leur pignon abrité du classique sureau. Le sureau est l’arbuste favori de ces contrées : il fleurit le premier, comme chez nous l’aubépine, et les poëtes le célèbrent comme le messager du printemps.

À l’extrémité d’une grande allée ombreuse, le Danube m’apparaît dans un paysage aussi vaste qu’à Presbourg ou à Pesth, mais beaucoup plus triste. Il coule de gauche à droite, à travers la Puzsta coupée d’étangs et de marécages. Une forêt ferme l’horizon. Entre la forêt et le Danube, serpente et brille la Temès, qui finit un peu au-dessous de Belgrade, vers Pancsova, après avoir arrosé la capitale du Banat, Temesvar, qui lui emprunte son nom (Temes, var « château »), et décrit les deux tiers d’un cercle depuis sa descente des Carpathes transylvaines. Des chalands, des bateaux remorqueurs sillonnent lentement le large espace. À droite, une colline se rattachant à la chaîne peu élevée qui porte Belgrade, fuit en s’abaissant vers la forêt. Un calme profond accompagne cette scène. On n’entend que le bruit des cheminées des bateaux à vapeur, d’où s’échappent des colonnes de fumée dont les spirales bleues tournoient en s’estompant dans l’air, s’effacent, se reforment et s’effacent encore, jusqu’à ce que le bateau lui-même disparaisse à la vue.

À la descente de la montagne, je retrouvai une de ces ruelles qui plongent dans le Danube, et je la suivis jusqu’à son embouchure. C’est un ravin que cette ruelle, et à certains jours ce doit être un bras du fleuve. Cependant les maisons de bois curieusement étagées, les trottoirs en grosses planches portés par des pieux moitié déchaussés, les escaliers branlant à bases moisies, les grands auvents garnis de branchages, les femmes bizarrement vêtues que je voyais traverser et escalader ces casse-cou tout en jasant et en filant, les grands arbres dessinant une sombre arcade de verdure sous laquelle miroitait le fleuve tout cela, y compris une douzaine d’âniers avec leurs bêtes puisant de l’eau à la rivière, et une sentinelle qui, nonchalamment appuyée à un tronc d’arbre, contemplait cette scène d’un air distrait, ne manquait pas d’un certain charme pittoresque. C’était, certes, un croquis à faire. Mais à peine avais-je taillé mon crayon et ouvert mon album, que la sentinelle se redressa subitement et dit quelques mots, en me désignant du doigt, à un autre soldat, lequel vint incontinent se camper devant moi de manière à me masquer complétement le paysage, et, de la voix d’abord, puis du geste, me fit comprendre, malgré la mauvaise volonté que j’y mettais, qu’il était défendu de dessiner. Je continuais néanmoins à faire la sourde oreille, quand je vis une escouade tout entière se diriger vers moi l’arme au bras, comme pour lui prêter main-forte. Cette vue me donna à réfléchir. Les violons de Semlin ne doivent pas être gais, pensai-je, et, fermant mon album, je tournai le dos bravement et battis en retraite.

Comment se fait-il que partout les bureaux et le personnel de la police restent obstinément en dehors des améliorations que nous voyons s’introduire si promptement dans toutes les choses qui tiennent aux voyages ?

Aux extrêmes confins de l’Europe, les routes sont devenues faciles ou tout au moins praticables. En Hongrie elles sont magnifiques, larges, droites, plantées d’arbres ; en Autriche elles sont charmantes, et c’est un ravissement, dans les environs de Saint-Polten, entre Linz et Vienne, qu’une course à pied dans la campagne, si verte et si bien cultivée, où s’éparpillent de gracieux villages, propres et riants. Dans tout l’empire, les voitures publiques sont bien attelées, bien menées, commodes, et, ce qui est plus rare, les conducteurs se montrent polis et prévenants envers les voyageurs. Les gares de chemins de fer sont des palais ; les bateaux à vapeur des merveilles de commodité et de bon goût ; les hôtels pèchent plutôt par l’excès que par le manque de confort et de luxe ; les auberges sont partout habitables ; les hôteliers souriants ; les cabaretiers ont la mine réjouie et l’accueil cordial ; partout les boutiquiers se montrent complaisants, les femmes affables, les bourgeois polis, les passants même serviables. Les omnibus sont rapides, les cochers dociles ; la douane elle-même s’humanise ; la bienveillance semble gouverner l’empire au profit du voyageur. Seule, la police garde ses abords malpropres et repoussants, ses formes agressives, son personnel insociable et hargneux ; ses bureaux ont l’air de prisons, ses employés de geôliers.

Ces réflexions me venaient naturellement à l’esprit, tandis que je cherchais dans l’arrière-cour d’un édifice sombre et triste (un ancien cloître, à ce qu’il m’a semblé) le Bureau des passe-ports. Je traversai deux ou trois salles borgnes, meublées d’un poêle en fonte, d’un lit de camp et d’une demi-douzaine de fusils, et, après avoir tourné dans un labyrinthe de corridors, j’arrivai enfin à une salle basse, sombre et grillée, qui dégageait une atroce odeur de poussière et de renfermé. Un petit homme jaune, racorni, râpé, clignotant, les cheveux rares et gris, s’avança vers moi d’un pas indécis en me regardant en dessous. C’était l’éminent fonctionnaire dont la sottise ou le caprice pouvait me forcer à rebrousser chemin ou me retenir provisoirement à Semlin, jusqu’à ce qu’une réponse à des réclamations transmises à Vienne disposât de moi et de l’avenir de mon voyage. Je savais que ces choses arrivent, et j’y pensais plus que je n’aurais voulu en voyant l’air sournois du petit homme.

Il m’adressa la parole en allemand. Je lui dis en français, puis en italien, que je ne parlais que le français et un peu aussi l’italien, assez néanmoins pour vider l’affaire que nous avions ensemble et qui ne me paraissait pas d’une nature compliquée. Il me comprenait très-bien, et je crois même dans les deux langues, mais il ne fit pas semblant, et, m’apostrophant d’une petite voix aigre :

« Français ! italien ! il ne s’agit pas de cela ici ; nous sommes en Allemagne, et vous devez parler l’allemand ; pourquoi ne le parlez-vous pas ? »

Puis, sans attendre ma réponse :

« Ah ! vous parlez l’italien, et cependant vous n’êtes pas Italien ! Vous êtes donc allé en Italie ? Quand y êtes-vous allé et qu’y alliez-vous faire ? »

Ici il s’interrompit pour parcourir des yeux mon passe-port.

« Peintre ! ah ! vous êtes peintre ! cela peut être une raison. Mais je ne suis pas obligé, moi, de savoir une langue exprès pour vous. »

Je crus le robinet fermé et je lui dis :

« Mais, monsieur, je ne vous demande qu’un visa, et puisque vous voulez bien comprendre mon mauvais italien, c’est bien simple.

— Simple ! siffla-t-il, simple ! vous trouvez cela simple ! Savoir si vous devez entrer, savoir si vous devez sortir, savoir si vous devez rester, c’est simple ?

— Pardon, je ne demande qu’à passer. Voyez, de Paris à Bucharest, mon passe-port est en règle : les visas des bureaux-frontières, les cachets des légations, le sceau de notre département des affaires étrangères.

— Qu’est-ce que votre ministre des affaires étrangères ! »

À cette impertinente question, je fis une réponse que je ne répéterai pas ici, car je m’avançais peut-être un peu en la faisant. Pourtant elle fit, sur ce taquinant petit homme qui en avait besoin, l’effet d’une douche. Il dit, en baissant les yeux et la voix d’un air craintif :

« Ah ! il s’occupera de cela ?… »

Et, subitement calmé, se mit à copier avec une attention scrupuleuse mon passe-port et tous les visas qui le décoraient.

Il prit alors dans un casier un gros registre dont les feuillets étaient divisés par ordre alphabétique, l’ouvrit, tourna rapidement les premiers feuillets, et, arrivé à la lettre L, se mit à compulser lentement le contenu du registre, dont il détournait quelquefois ses regards pour les reporter sur mon passe-port qu’il tenait toujours de la main droite. Je compris qu’il consultait un guide inédit, le Guide contre le voyageur, pour savoir si je pouvais entrer, ou sortir, ou rester. Son examen terminé, il eut l’air dépité comme quelqu’un qui ne trouve pas ce qu’il cherche. Mais tout n’était pas dit encore ; il passe à la lettre D, et, le doigt posé sur mon prénom, recommence ses investigations et ses confrontations. Labeur inutile ! La seconde colonne est muette comme la première. Ni mon nom ni mon prénom ne se trouve sur les tables fatales.

« Rien ! s’écria-t-il ; c’est singulier ! »

Singulier ! pourquoi ? me prend-il à ma mine pour un conspirateur ? Il me semble bien avoir la conscience nette à cet égard. Néanmoins son exclamation me soulage d’un grand poids ; de ces choses-là l’on n’est jamais bien certain. « Donnez-moi quatre lignes de l’écriture d’un homme, disait un illustre magistrat, je me charge de le faire pendre. » Si quatre lignes suffisent en France, deux doivent suffire en Autriche ; et qu’est-ce qui n’a pas écrit deux lignes ?

La fenaison sur les bords du Danube. — Dessin de Lancelot.

À la fin il parapha et timbra mon passe-port, et il étendait la main pour me le rendre, quand se ravisant tout à coup :

« Depuis ce matin que vous êtes à Semlin, dit-il, qu’y avez-vous fait ?

— Un assez bon déjeuner, répondis-je en saluant profondément, et une ennuyeuse visite. » Il retira brusquement sa main, puis l’avançant de nouveau, me bourra ma feuille de route sous le nez. Quel désagréable petit homme !

Plus tard, quelqu’un qui le connaissait, et à qui je racontai les détails de cette scène, me fit envisager le personnage sous un aspect différent de celui sous lequel il m’était apparu.

« Vous n’avez pas eu, me dit-il, affaire à un méchant homme. Je le connais. Il a du bon, mais c’est quand il est en dehors de l’exercice de ses fonctions. Dans tout autre moment, il est ce que son métier le fait, ce que vous l’avez vu, méfiant, taquin, irritable et irritant. C’est affaire de calcul, autant que de tempérament. La vieille tactique de la police, de chercher à faire peur aux gens, ne réussit pas avec tout le monde. Taquiner vaut mieux souvent. La taquinerie donne sur les nerfs et vous met facilement hors de garde. Vous vous découvrez, et si vous jouez un rôle, vous risquez de faire tomber votre masque. Or, en Autriche, la police a autant de raisons de se méfier de tout passant qu’elle a de nationalités différentes cousues à son empire. Autant de Magyars, de Croates, de Serbes, de Tchèques, de Vénitiens, de Roumains, autant d’ennemis-nés qu’elle porte pour ainsi dire, attachés à ses flancs. Il faut donc que ses agents aient les yeux ouverts. Le devoir le leur commande, l’intérêt le leur conseille. Une bonne arrestation, opérée heureusement, peut procurer de l’avancement, ou valoir une gratification ; or les gratifications sont fort recherchées des employés autrichiens. Mais s’ils sont désireux de bien faire, ils ont peur de ne pas faire assez, tout en craignant de faire trop. Dans le premier cas, ils s’exposent au reproche de manquer de zèle, dans le second, de prudence. Le bonhomme avait raison ; ce n’est pas si simple.

Confluent du Danube et de la Drave. — Dessin de Lancelot.

— Mais, dis-je, ils ont, — il a des instructions, une direction supérieure, des renseignements ?

— Ah oui ! une direction très-supérieure ; c’est justement pour cela qu’elle est si peu explicite, et ne dit jamais son dernier mot. Des instructions ? Oui, générales : se méfier de tout et de tout le monde. Des renseignements ? Ah ! oui ; les fameux signalements. On ne les fait pas mieux ici qu’ailleurs. Aux yeux d’un imbécile, ils ressemblent à tout le monde ; aux yeux d’un homme d’esprit, ils ne ressemblent à personne. Ajoutez l’ignorance, qui sème et accroît les soupçons. Quant au bonhomme qui vous a semblé si terrible, il est victime de son état, il l’a pris faute de mieux et l’exerce sans l’aimer : il est écrasé par la crainte des supérieurs immédiats qui tiennent son pain et ont des supérieurs aussi, et la crainte de faire des bévues dangereuses pour autrui innocent, ce qui prouve sa conscience droite après trente ans de service. De là tout ce que vous avez trouvé d’incohérent et d’agressif dans sa rencontre avec vous. Trente ans de ce pénible métier ! jugez de l’état de ses nerfs et de son cerveau. Croyez-le bien, en Autriche, les petits ne sont pas plus mauvais qu’ailleurs, ils sont plus près qu’on ne pense de… Je veux dire qu’en Autriche ce ne sont pas les petits qui sont Autrichiens. Si vous restiez à Semlin je vous conduirais à ce pauvre vieux que je plains et que je défends ; vous verriez que, sorti de l’antre ténébreux ou vous l’avez vu sous un faux jour et jugé avec prévention, c’est un bon petit père.

— Savez-vous que je vais rêver à une intrigue effrayante, un sbire par dévouement, un bravo vertueux comme celui de Cooper. Dites-moi le nom de ce nouveau Jacopo.

Pêcheurs de la Theiss. — Dessin de Lancelot.

— Quoique l’Autriche tienne encore Venise et qu’on puisse dire que son gouvernement succède au Conseil des Dix et en pratique les traditions, n’allez pas si loin. Mon Jacopo, qui s’appelle Gohtlieb de son petit nom (l’autre est trop long et trop difficile à retenir), n’a jamais tué personne, croyez-le ; il n’a plus de père depuis longtemps et son unique souci, en dehors de ses fonctions, est de cultiver un petit jardin où il élève de superbes citrouilles. Il ne manque pas d’esprit et, sans s’en croire plus qu’il n’en a, il pense qu’il faudrait beaucoup d’intelligence pour remplir ses fonctions. Dans ses moments de bonne humeur, quand ses élèves commencent à mûrir, il les montre quelquefois en riant et dit, en adoucissant sa voix de crecelle :

« Je sais leur signalement à toutes et leur connais même des signes particuliers. »

Peut-on railler plus finement le formulaire administratif qui régit la rédaction des passe-ports ?…

Lancelot.

(La suite à la prochaine livraison.)