De l’Homme/Section 8/Chapitre 24

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SECTION VIII
Œuvres complètes d’Helvétius, De l’HommeP. Didottome 11 (p. 91-93).

CHAPITRE XXIV.

Une fortune médiocre assure le bonheur du citoyen.

Si l’habitude rend le travail facile, si l’on fait toujours sans peine ce qu’on refait tous les jours, si tout moyen d’acquérir un plaisir doit être compté parmi les plaisirs, une fortune médiocre, nécessitant l’homme au travail, assure d’autant plus sa félicité que le travail remplit toujours de la maniere la plus agréable l’espace de temps qui sépare un besoin satisfait d’un besoin renaissant, et par conséquent les douze et seules heures de la journée où l’on suppose le plus d’inégalité dans le bonheur des hommes.

Un gouvernement assure-t-il à ses sujets la propriété de leurs biens, de leur vie, et de leur liberté ? s’oppose-t-il à la trop inégale répartition des richesses nationales ? conserve-t-il enfin tous les citoyens dans un certain état d’aisance ? il leur a fourni à tous les moyens d’être à-peu-près aussi heureux qu’ils le peuvent être.

Sans être égaux en richesses, en dignité, les individus peuvent donc l’être en bonheur. Mais, quelque démontrée que soit cette vérité, est-il un moyen de la persuader aux hommes ? et comment les empêcher d’associer perpétuellement dans leur mémoire l’idée de bonheur à l’idée de richesses ?