Description de la Chine (La Haye)/De la Province de Chan si

La bibliothèque libre.
Scheuerleer (Tome Premierp. 215-219).


NEUVIÈME PROVINCE
DE L’EMPIRE DE LA CHINE.

CHAN SI.


Cette province, qui est une des plus petites de la Chine, est bornée au levant par la province de Pe tche li ; au sud par celle de Ho nan ; et au couchant par celle de Chen si ; la grande Muraille la sépare au nord du côté de la Tartarie. Elle n’a que cinq villes du premier ordre, et quatre-vingt-cinq villes qui en dépendent.

On ne compte point parmi ces villes, quantité de forts bâtis à certaine distance les uns des autres, pour défendre la grande Muraille, et rendre les chemins sûrs. Il y a de ces places de guerre qui sont plus grandes et mieux peuplées, que ne le sont plusieurs villes.

L’histoire rapporte que c’est dans cette province, que les premiers habitants de la Chine ont fixé leur séjour. Le climat en est sain et agréable. Si parmi les montagnes, dont elle est pleine, il y en a d’affreuses et d’incultes, la plupart ne laissent pas d’être bien cultivées ; elles sont coupées en terrasses depuis la racine jusqu’au sommet, et toutes couvertes de grains.

On trouve en plusieurs endroits de ces montagnes quatre à cinq cents pieds de terre solide, sans y trouver la moindre pierre, et sur les montagnes même on voit de fort belles plaines. Ce qu’elles ont encore de particulier, c’est qu’elles fournissent des mines inépuisables de charbon de pierre, qui, soit en morceaux, soit pilé et pétri, tient lieu de bois, dont il n’y a pas une assez grande quantité pour le chauffage de cette province.

A la réserve du riz, qui y croit plus difficilement qu’ailleurs, parce qu’il y a moins de canaux, elle abonde en tous les autres grains, surtout en froment et en millet, qui se transportent dans d’autres provinces. Ses vignes produisent de bons raisins, dont il ne tiendrait qu’aux Chinois de faire du vin s’ils voulaient, mais ils se contentent de les sécher et de les vendre dans tout l’empire.

On y trouve encore du musc en abondance, quantité de porphyre, de marbre, et de jaspe de diverses couleurs : la pierre d’azur y est très commune. On y voit de tous côtés des mines de fer très abondantes dont on fait toutes sortes d’ustensiles de cuisine qui se transportent dans les autres provinces. On y voit pareillement des lacs salés, d’où l’on tire du sel, et beaucoup de fontaines chaudes et bouillantes.


Première ville et capitale de la province.
TAI YUEN FOU.


C’était autrefois une très belle ville remplie de beaux palais, qui étaient habités par les princes du sang de la dernière famille impériale Tai ming tchao ; mais elle est maintenant en partie déserte ; ces grands édifices ont dépéri peu à peu, et ont été ensuite tout à fait détruits, sans que personne ait osé les rebâtir, quoique le lieu soit sain et agréable.

Outre différentes étoffes qui se fabriquent en cette ville, comme ailleurs, on y fait en particulier des tapis, façon de Turquie, de quelque grandeur qu’on les commande. Comme on tire des montagnes quantité du meilleur fer, il s’y fait un grand commerce des ouvrages de fer qu’on y travaille.

Cette ville, qui est ancienne et fort peuplée, a environ trois lieues de circuit, et est environnée de fortes murailles. Elle est située sur le bord de la rivière Fuen ho, et a une juridiction fort étendue, qui contient cinq villes du second ordre, et vingt du troisième. Ses coteaux verdoyants, et ses montagnes couvertes de bois, présentent un spectacle agréable à la vue.

On voit sur les montagnes voisines de fort beaux sépulcres, qui occupent beaucoup d’espace, et qui sont tous ou de marbre, ou de pierres de taille : on y voit placé dans une distance convenable des arcs de triomphe, des statues de héros, des lions, des chevaux, et d’autres figures d’animaux, avec des attitudes différentes, et très naturelles : et tout cela est environné d’une espèce de forêts d’anciens cyprès plantés en échiquier. Ce pays fournit quantité de musc ; on y voit d’assez belle vaisselle de terre ; la pierre d’azur y est très commune.

La rivière Fuen ho, dont on trouve le nom dans les plus anciens livres de la Chine, n’est ni large ni profonde ; elle ne laisse pas de contribuer à l’embellissement et à la commodité de cette capitale, de même que la rivière d’Ouei contribue à l’utilité de la ville de Si ngan fou ; car quoique l’une et l’autre ne soient nullement comparables aux grandes rivières qui courent près de plusieurs capitales, elles viennent après une course assez longue, se jeter dans le fleuve Jaune, et par ce moyen elles communiquent avec les provinces de Ho nan et de Kiang nan.

On entretient à Tai yuen une petite garnison tartare sous un officier nommé Ho tong ta. Les Mantcheoux, qui sont maintenant les maîtres de ce vaste empire, ont peu de garnisons de leur nation, et à dire vrai, il serait difficile, et presque impossible d’en fournir à tant de villes, qui sont, ou sur les passages des grandes rivières, ou sur les frontières, ou sur les bords de la mer. Ainsi l’on se contente d’en avoir dans quelques-unes des premières villes de l’empire, soit pour soutenir les soldats chinois qui sont sur les côtes, soit pour disputer le passage du grand fleuve Yang tse kiang, qui traverse le milieu de la Chine, soit pour veiller sur les milices des provinces de Chan si et de Chen si, employées à la défense de la grande Muraille, quoique l’empereur étant tartare, il n’y en a pas maintenant un grand nombre.


PIN YANG FOU. Seconde ville.


Quoique Pin yang ne soit que la seconde ville de la province, elle ne le cède point à sa capitale, ni par son antiquité, ni par la fertilité de son terroir, ni par l’étendue de son ressort, ni par le nombre des villes qu’elle a dans sa dépendance, qui sont au nombre de trente-quatre, savoir six du second ordre, et vingt-huit du troisième, dont plusieurs sont très considérables, sans compter un nombre infini de bourgs et de villages fort peuplés. Elle est située aux bords de la rivière Fuen ho, et a plus de quatre mille pas de circuit.

Le pays qui en relève, est en partie plat, et en partie couvert de montagnes ; les terres y sont cultivées partout et très fertiles, excepté dans le voisinage de quelques montagnes qui sont incultes et véritablement affreuses. Deux rivières qui partagent ce territoire, ne servent pas peu à y entretenir l’abondance. Du côté de l’occident et du midi, il est baigné par le fleuve Hoang ho. Près de Ngan y hien il y a un lac dont l’eau est aussi salée que celle de la mer, et dont l’on fait beaucoup de sel.



LOU NGAN FOU. Troisième ville.


Le territoire de cette ville n’est pas fort étendu, car elle n’a dans sa dépendance que huit villes du troisième ordre : mais elle est située dans un lieu agréable, et presque à la source de la rivière de Tso tsang ho. Quoique le pays soit assez plein de montagnes, les terres ne laissent pas de produire abondamment tout ce qui est nécessaire à la vie. Tout ce district est semé de bourgades et de villages.


FUEN TCHEOU FOU. Quatrième ville.


Entre la capitale et la ville de Pin yang se trouve cette ville, qui est à peu près à une égale distance de l’une et de l’autre. Elle tire son nom de la rivière Fuen ho, sur les bords de laquelle elle est située du côté de l’occident, dans un lieu qui est très commode pour le trafic. Son district n’est pas fort étendu, car il ne contient qu’une ville du second ordre, et sept villes du troisième, qui sont presque toutes placées entre le grand fleuve Hoang ho y et la rivière Fuen.

Quoique le pays soit assez montagneux, il n’en est pas moins cultivé. On y trouve des campagnes abondantes en toutes sortes de grains, d’épaisses forêts, de bons pâturages. On y fait un breuvage de riz nommé yang tçiou où l’on trempe d’une façon particulière de la chair de mouton ; on fait grand cas de cette liqueur : elle est nourrissante, a de la force, et est d’un goût délicieux pour les Chinois. On y trouve beaucoup de bains et de fontaines presque bouillantes, dont les eaux sont différentes, et par leur couleur, et par leur goût.


TAI TONG FOU. Cinquième ville.


Cette ville n’est ni aussi ancienne, ni aussi grande que les autres de la même province. Ce qui la rend importante, c’est le lieu où elle est située au milieu des montagnes, dont le pays est tout couvert, et au seul endroit qui soit exposé aux incursions des Tartares ; aussi est-elle des mieux fortifiées selon la manière chinoise, et on y entretient une grosse garnison. Son territoire est entouré de la grande Muraille, le long de laquelle il y a des forts bâtis d’espace en espace, remplis de troupes pour sa défense. Sa juridiction qui est assez vaste, s’étend sur quatre villes du second ordre, et sur sept du troisième.

On trouve dans ses montagnes d’excellentes pierres d’azur, des simples en quantité, et beaucoup d’autres herbes médicinales que les Herboristes viennent chercher de tous côtés. On tire de quelques-unes une pierre si rouge, qu’en la détrempant, on s’en sert au lieu de vermillon pour imprimer les cachets ; d’autres fournissent la pierre d’azur semblable à celle qu’on apporte en Europe, et une espèce particulière de jaspe nommé yu che très transparent, et qui a la blancheur de l’agate. Enfin il y a quantité de porphyre, de marbre et de jaspe de toutes les couleurs, et on y fait un grand trafic de toutes sortes de peaux qu’on y prépare.