Description de la Chine (La Haye)/Dynasties/Septième Dynastie, Tsin

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Scheuerleer (Tome Premierp. 372-378).


SEPTIÈME DYNASTIE


NOMMÉE TSIN,


qui a eu quinze empereurs dans l’espace de cent cinquante-cinq ans.


CHI TSOU VOU TI. Premier empereur.
A régné vingt-cinq ans.


C’est le nom que prit le fils du général Song tchao fondateur de cette dynastie. On croirait peut-être que le nom de cette dynastie est le même que celui de la quatrième, cependant il en est tout à fait différent, et par le caractère dont il s’écrit, et par l’accent dont il se prononce.

Ce nouvel empereur tint sa cour dans la province de Ho nan ; il passa pour un prince véritablement magnanime, d’un esprit subtil et pénétrant, et d’une droiture de cœur, qui ne pouvait souffrir la moindre dissimulation.

Son règne fut fort agité par les divers mouvements de guerre de plusieurs petits souverains, qui aspiraient à la dignité impériale ; mais ceux du midi furent souvent vaincus par ceux du nord, qui étant plus endurcis aux fatigues de la guerre, se trouvaient encore soutenus des Tartares, avec lesquels ils s’étaient alliés.

L’empereur ayant su avec le temps réduire et pacifier les provinces septentrionales, tourna ses armes du côté du midi, et après avoir traversé sans obstacle le fleuve Yang tse kiang, il entra dans le royaume de Ou, et en assiégea la capitale. Le roi n’osant pas résister à des troupes accoutumées à vaincre, sortit de sa ville, et alla se rendre à l’empereur, qui lui donna une petite souveraineté, où il finit ses jours.

Ce fut ainsi qu’en l’année dix-septième de son règne, ce prince se vit seul le maître de tout l’empire. Comme il n’avait plus d’ennemis à craindre, il ne songea qu’à jouir du repos que ses victoires lui avaient procuré. Il eut même l’imprudence de licencier son armée, et se renfermant dans son palais pour y goûter les délices de la paix, il se livra tout entier à l’oisiveté et à la mollesse. Le licenciement des troupes, et l’indolence où l’empereur vécut, réveillèrent l’ambition des petits souverains, que la terreur de ses armes contenait auparavant dans le devoir. Il mourut la cinquante-cinquième année de son âge, la quarante-cinquième année du cycle, et laissa une nombreuse postérité. Hoei ti son fils aîné lui succéda.


HOEI TI. Second empereur.
A régné dix-sept ans


Ce prince n’avait nul esprit, et était tout à fait incapable de remplir la place qu’il occupait : cependant les commencements de son règne furent assez heureux par l’habileté de quatre de ses principaux ministres, auxquels il avait donné la confiance : mais une femme jalouse et passionnée, mit bientôt toute la cour, et ensuite l’empire en combustion.

Cette femme, qui avait le titre de seconde reine, vint à bout de chasser l’impératrice, de faire périr par le poison son fils unique, et de faire massacrer tous les Grands qui étaient attachés à cette princesse.

Des actions si barbares donnèrent lieu à plusieurs combats, et firent répandre beaucoup de sang. La seconde reine fut tuée à son tour, tous ceux qui étaient de son parti périrent par le fer, et l’empereur même crut devoir sauver sa vie par la fuite.

Les différents petits souverains ne manquèrent pas de profiter de ces troubles : le roi de la principauté de Tsi, mit une armée en campagne, et enflé de quelques succès qu’il eut d’abord, il ne douta point qu’il ne pût se frayer un chemin au trône impérial, et peut-être y aurait-il réussi, s’il n’avait pas été tué dans un combat. Un autre prince de la famille de Han, qui régnait dans les contrées septentrionales, prit aussi les armes, et périt de la même manière.

Il s’éleva en ce temps-là une nouvelle secte, qui n’était qu’une branche de celle de Lao kiun. On l’appela Vou guei kiao, c’est-à-dire, doctrine du vide et du néant. Ces sectaires enseignaient le moyen de parvenir à un certain état de quiétude qui liait toutes les puissances de l’âme, et suspendait les fonctions des sens ; c’est en quoi ils faisaient consister la perfection.


Cycle XLV. Année de J. C. 304.

Ce fut l’année troisième du cycle que Hoei ti mourut du poison qu’on lui fit prendre ; il avait quarante-huit ans, et il ne laissa point de postérité. Les Grands choisirent le vingt-cinquième fils du fondateur de la dynastie régnante qui se nommait Hoai ti.


HOAI TI. Troisième empereur.
A régné six ans.


Le choix de ce prince fut d’abord approuvé, car on voyait en lui des qualités qui promettaient un règne heureux : mais l’ambition de quelques-uns de ces petits souverains, dont j’ai parlé, et leur puissance qui se fortifiait chaque jour par la faiblesse des empereurs, causèrent pendant plusieurs années une infinité de troubles, et il n’y eut plus de sûreté même pour le trône. L’un de ces petits rois nommé Lieou yuen était prêt d’en chasser celui qui l’occupait ; mais la mort interrompit le cours de ses victoires. Son fils Lieou tsong suivit le même projet, et y réussit : il se rendit maître du palais, il le pilla ; il tua le fils de l’empereur, et après s’être fait servir à table par l’empereur lui-même vêtu en esclave, il lui donna le coup de la mort.

Ce fut l’année dixième du cycle que fut tué Hoai ti à la trentième année de son âge. Les Grands firent choix de Min ti, petit-fils du fondateur de la dynastie.


MIN TI. Quatrième empereur.
A régné quatre ans.


Ce prince n’eut pas un meilleur sort que son prédécesseur : à peine fut-il trois ans sur le trône, qu’il en fut chassé par Lieou yao qui pilla son palais, et qui ne lui accorda la vie qu’en le reléguant dans une principauté de la province de Chan si. Il n’y avait qu’un an qu’il était dans cette espèce d’exil lorsqu’il fut tué par le roi de Han. On choisit à sa place un petit-fils du fondateur de la présente dynastie.


YUEN TI. Cinquième empereur.
A régné six ans.


On loue cet empereur de son air grave et sérieux, de sa frugalité, de sa modération, et de la considération qu’il eut pour les gens de lettres, et pour les sages. Il en donna une marque singulière à son premier ministre. Vang tao (c’était son nom) avait été colao sous trois empereurs : Yuen ti voulut le faire asseoir à ses côtés. Ce ministre refusa modestement cet honneur. « Prince, lui dit-il, comment pourrions-nous voir le soleil, qu’une juste distance nous rend visible, s’il s’abaissait jusqu’à descendre dans ces bas lieux qu’il éclaire. »

Ce prince transporta sa cour de l’occident à l’orient, et l’établit dans la ville de Nan king. C’est pourquoi sa famille a été nommée la famille orientale de Tsin. La sixième année de son règne il se livra à une sombre et noire mélancolie, qui lui causa la mort à la quarante-sixième année de son âge. Son fils lui succéda.


MING TI. Sixième empereur.
A régné trois ans.


L’histoire chinoise ne dit rien de ce prince, qui ne fut que trois ans sur le trône, car il mourut la vingt-deuxième année du cycle à la vingt-septième année de son âge. Il eut pour successeur son fils nommé Tching ti.


TCHING TI. Septième empereur.
A régné dix-sept ans.


L’impératrice mère fut chargée du gouvernement de l’État, parce que le prince son fils n’entrait que dans sa cinquième année, quand il monta sur le trône. L’autorité fut trop faible pour imposer aux différents petits souverains, qui étaient dans l’empire, et dont l’ambition n’avait point de bornes.

Quelques-uns des plus puissants ne cherchèrent qu’à s’entre-détruire, pour se frayer ensuite le chemin au trône impérial : le jeune prince n’avait que vingt-un ans quand il mourut. Son frère Cang ti lui succéda.


CANG TI. Huitième empereur.
A régné deux ans.


Ce fut la quarantième année du cycle que cet empereur succéda à son frère. L’élévation de ce prince, et sa mort se suivirent de près. Il mourut la quarante-unième année du cycle à l’âge de quarante-deux ans, et laissa la couronne à son fils aîné nommé Mo ti.


MO TI. Neuvième empereur.
A régné dix-sept ans


L’impératrice fut déclarée tutrice de ce prince qui n’avait que deux ans, lorsqu’on lui mit la couronne sur la tête. A peine fut-il sorti de l’enfance, qu’on vit briller en lui une sagesse et des vertus au-dessus de son âge. Il sut profiter des conseils de ses ministres, et il recouvra quelques provinces.

Houan ven, qui commandait les troupes impériales, porta la guerre dans le nord, pour punir un petit roi de la famille des Han qui avait secoué le joug, et s’était révolté contre l’empereur. Son palais fut pillé et réduit en cendres.

Le châtiment de ce prince n’apaisa point les troubles, et tous les petits souverains continuèrent toujours de se faire la guerre, dans la vue d’augmenter leur puissance, et de parvenir à l’empire. Le jeune empereur les aurait sans doute fait rentrer dans le devoir de la soumission et de l’obéissance, s’il eût vécu plus longtemps : mais la mort l’enleva à la dix-neuvième année de son âge, et la cinquante-huitième année du cycle.

Les Grands jetèrent les yeux sur Ngai ti, qui était le fils de Tching ti, septième empereur de la dynastie régnante.


Cycle XLVI. Année de J. C. 364.


NGAI TI. Dixième empereur.
A régné quatre ans.


Ce prince ne fit que se montrer sur le trône, où à peine fut-il assis pendant quatre ans : car il mourut âgé de vingt-cinq ans la seconde année du cycle. Son frère cadet fut choisi par les Grands de l’empire pour lui succéder.


TI YÉ. Onzième empereur.
A régné cinq ans.


Le règne de ce prince n’a guère plus duré que celui de son prédécesseur, quoiqu’il ait vécu bien plus longtemps. Son premier ministre, nommé Houan ven, après avoir remporté une grande victoire sur le roi de Yuen dans le nord, chassa l’empereur du trône, et le confina dans une citadelle, où après quinze années d’une vie obscure, il mourut âgé de quarante-trois ans. Les Grands élirent à sa place Kien ven ti, le dernier des enfants de Yuen ti, cinquième empereur de la dynastie régnante.


KIEN VEN TI. Douzième empereur.
A régné deux ans.


Un règne de deux ans ne laisse rien à dire de cet empereur : on sait seulement qu’il mourut à l’âge de cinquante-trois ans. Son fils Vou ti hérita de sa couronne.


VOU TI. Treizième empereur.
A régné vingt-quatre ans.


Ce fut l’année dixième du cycle que Vou ti monta sur le trône. Fou kien qui était empereur du nord, songea à exécuter le projet qu’il avait formé de porter la guerre dans les provinces du midi, d’y attaquer l’empereur, et de conquérir toutes ses provinces. Ceux de son conseil tâchèrent de le dissuader d’une entreprise si hasardeuse : ils lui représentèrent que c’était par l’ordre du Ciel que la famille des Tsin avait été placée sur le trône, que jusqu’à présent elle n’avait point attiré sur elle le courroux du Ciel, ni mérité d’en être abandonnée. Ces remontrances furent inutiles : Fou kien comptant sur la bravoure et sur le nombre de ses soldats, s’avança vers le midi avec une armée formidable.

Vou ti qui fut informé de sa marche, prit avec lui l’élite de ses soldats, et sans donner le temps à son ennemi de réunir toutes ses forces, il l’attaqua dans son camp avec tant de valeur et d’intrépidité, qu’une terreur panique s’étant emparée de cette nombreuse armée, elle fut entièrement défaite par une poignée de soldats que Vou ti commandait lui-même. Dans la déroute générale des restes de l’armée de Fou kien, les chefs au désespoir, se saisirent de sa personne, et l’ayant conduit dans un temple voisin, ils l’étranglèrent.

Après une action si décisive, et en même temps si funeste à l’empire du nord, plusieurs petits souverains se révoltèrent : ils eussent bientôt plié sous les lois du vainqueur, si Vou ti eût su profiter de sa victoire, et s’il eût porté ses armes triomphantes vers les provinces septentrionales. Mais content de jouir de sa bonne fortune, il s’abandonna aux délices d’une vie molle et sensuelle.

Ce héros expira enfin sous la main d’une femme. Il s’avisa par une mauvaise plaisanterie, de traiter de vieille la seconde reine qui n’avait que trente ans. Cette princesse piquée au vif d’un reproche si mal fondé, et presque toujours outrageant pour une personne du sexe, tira aussitôt vengeance de cette raillerie. On trouva l’empereur étouffé dans son lit. Ngan ti son fils lui succéda.


NGAN TI. Quatorzième empereur.
A régné vingt-deux ans.


Le peu de mérite de cet empereur, son indolence, et son inapplication ne donnaient pas lieu d’espérer qu’il rétablît la paix et la tranquillité dans l’empire : aussi ne vit-on que révoltes et que guerres parmi les petits souverains. Un petit-fils du roi de Tai, le seul qui restait depuis l’extinction de cette famille, termina la guerre qu’il avait déclarée au roi de Yen par la défaite entière de ce prince, et par la possession où il se mit de sa principauté. Ce fut ainsi qu’il jeta les fondements d’un État, qui eut treize souverains de sa famille dans l’espace de cent quarante-neuf ans.

Environ ce temps-là un homme de la lie du peuple, nommé Lieou you, qui vivait d’abord d’un petit commerce de souliers qu’il allait vendre de place en place, et qui s’étant fait ensuite soldat, devint le général d’une nombreuse armée, se signala par plusieurs exploits, et se rendit assez puissant pour usurper le trône impérial. C’est lui qui fondera la dynastie suivante. Il tua l’empereur qui n’avait que trente-sept ans ; et Kong ti, frère utérin de ce prince, fut mis à sa place.


KONG TI. Quinzième empereur.
A régné deux ans.


Ce fut la cinquante-sixième année du cycle que ce prince prit possession de l’empire. A la deuxième année de son règne il fut étouffé par Lieou you, qui s’empara du trône, et qui prit le nom de Kao tsou vou ti. Ainsi fut éteinte la dynastie de Tsin, qui fit place à celle de Song.