Description de la Chine (La Haye)/Dynasties/Vingt-deuxième Dynastie, Tsing

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Scheuerleer (Tome Premierp. 467-488).


VINGT-DEUXIÈME DYNASTIE
NOMMÉE TSING,
MAINTENANT RÉGNANTE


Qui compte jusqu’à ce jour trois empereurs.


CHUN TCHI. Premier empereur.
A régné dix-sept ans.


On ne sait pas trop ce que devint l’usurpateur que les Tartares poursuivirent pendant quelque temps : il y en a qui croient qu’il fut tué dans un combat par Ou fan guey. Ce général chinois reconnut trop tard la faute qu’il avait faite, d’avoir eu recours aux Tartares pour se délivrer du tyran, et il disait quelquefois qu’il avait fait venir des lions pour chasser les chiens.

Cependant il reçut des mains de Chun tchi la dignité de roi, et le titre de Ping si, qui signifie pacificateur d’occident. On lui assigna pour le lieu de sa résidence la ville de Si ngan fou, capitale de la province de Chen si, laquelle avait été ravagée par le fer et par le feu.

Chun tchi se voyant maître des provinces septentrionales, tourna ses armes vers les méridionales, pour les soumettre entièrement à son obéissance. On avait proclamé empereur à Nan king un petit-fils du treizième empereur de la dynastie précédente, nommé Hong quang. Il fut pris, conduit à Peking, et étranglé.   Les Tartares entrèrent ensuite dans la province de Tche kiang, et en assiégèrent la capitale. Lo vang, qui en était roi, et qui refusa le titre d’empereur, monta sur les murailles, et à genoux il supplia les Tartares d’épargner son peuple, et que s’il leur fallait une victime, il s’offrait volontiers pour sauver la vie à ses sujets. En même temps il sort de la ville, et s’abandonne à la discrétion du vainqueur.

Long vou, autre petit-fils de Chin tsong, ou Van lie treizième empereur de la dernière dynastie, fut proclamé empereur dans la province de Fo kien. Mais à l’approche du conquérant, toutes les villes ouvrirent leurs portes ; ce prince ne put échapper à la mort, et il fallut que son sang affermÎt cette conquête. Il y eut dans ce temps-là un homme de fortune nommé Tchin tchi long, qui joua un grand rôle. Il avait été d’abord domestique des Portugais à Macao, parmi lesquels il fut instruit des vérités de la foi, et reçut à son baptême le nom de Nicolas ; ensuite de petit marchand, il devint le plus riche négociant de la Chine par le commerce qu’il fit avec les Espagnols et les Hollandais ; et enfin il devint le chef d’une très nombreuse flotte. Il reconnut d’abord Long vou pour empereur, et après sa mort il fit semblant de reconnaître le prince tartare.

Chun tchi lui offrit la dignité de roi, et l’invita à un festin solennel. Tchin tchi long reçut l’invitation, dans l’espérance d’obtenir à la cour de plus grandes dignités, et il y fut conduit avec honneur. Son fils nommé Tching tching cong prit le commandement de la flotte, et dans la suite ni les prières de son père, ni les promesses du nouvel empereur ne purent jamais ébranler son zèle pour la patrie, ni sa fidélité à l’égard des princes chinois.

L’armée tartare avança jusqu’à la province de Quang tong, où elle ne trouva nulle résistance : mais il n’en fut pas de même dans la province de Quang si, où le cours de ses victoires fut interrompu.

Thomas Kiu viceroi de cette province, et Luc Tchin généralissime des troupes chinoises, tous deux chrétiens, s’opposèrent aux progrès des Tartares, et ceux-ci dans un long et opiniâtre combat qui se donna, furent entièrement défaits et mis en fuite.

Les victorieux élirent aussitôt un prince de la race impériale nommé Yong lié, qui était roi de la capitale de la province de Koei tcheou, et après l’avoir proclamé empereur, ils le conduisirent à Chao king pour y tenir sa cour. Un eunuque chrétien, très zélé pour la foi, nommé Pan Achillée, était à la tête de ses conseils, et c’est avec son secours que le père André Koffler instruisit des vérités chrétiennes la mère, la femme, et le fils aîné de l’empereur, et leur conféra le baptême.

On regardait le jeune prince comme devant être un jour le Constantin de la Chine. Ce fut le nom qu’on lui donna, lorsqu’il reçut le sacrement de la régénération spirituelle. Ces illustres néophytes, du consentement de l’empereur, envoyèrent le père Michel Boym à Rome, pour rendre en leur nom au Saint Siège l’obéissance filiale.

Le bruit qui se répandit dans toutes les provinces de la grande victoire remportée sur les Tartares, et du nouvel empereur qui avait été élu, ranima le courage des Chinois. Un capitaine, qui avait formé une armée dans la province de Fo kien et Tching tching cong qui courait les mers avec sa nombreuse flotte, reprirent plusieurs villes, l’un sur les côtes de la mer, et l’autre dans le milieu des terres. En même temps le viceroi de la province de Kiang si secoua le joug, et défit les Tartares en plusieurs combats.

Du côté du septentrion deux capitaines, l’un nommé Ho, l’autre nommé Kiang, avaient rassemblé chacun une forte armée. Le premier s’empara de plusieurs villes de la province de Chen si ; le second entra dans la même province avec mille hommes de cavalerie, et avec une infanterie encore plus nombreuse. Ils défirent en deux combats les Tartares, et jetèrent parmi eux une telle épouvante, qu’ils n’osaient plus paraître en rase campagne.

Cependant en trois ou quatre ans, soit par la ruse et l’artifice, soit par les libéralités et les promesses, soit enfin par la division qui se mit entre les deux chefs, les Tartares réussirent à les vaincre, et à recouvrer toutes les villes qu’ils avaient perdues.

Vers l’occident un autre chef de révoltés nomme Tchang hien tchong, portait partout le ravage. C’était un démon sous la figure d’un homme, qui, après avoir exercé toutes sortes de cruautés dans les provinces de Ho nan, de Kiang nan, et de Kiang si, déploya enfin toute la violence de sa fureur sur la province de Se tchuen.

Il n’était doux et affable qu’à ses soldats, avec lesquels il jouait et mangeait familièrement. Mais avec les autres sa barbarie n’avait point de bornes. Il fit mourir le roi de la capitale, qui était un prince de la précédente dynastie. Qu’un seul homme se fut rendu coupable d’une faute légère, il faisait tuer tous ceux qui demeuraient dans la même rue ; cinq mille eunuques périrent par ses ordres, parce que l’un d’eux ne l’avait pas traité d’empereur. Ayant appelé aux examens jusqu’à dix mille lettrés, aussitôt qu’ils furent rassemblés dans la salle destinée à leurs compositions, il les fit tous périr, sous prétexte que par leurs sophismes ils soufflaient la révolte dans l’esprit des peuples.

Prêt à quitter la ville de Tchin tou fou pour entrer dans la province de Chen si, il fit enchaîner tous ses habitants, les fit tous conduire dans la campagne, où il les fit massacrer. Ce fut en cette occasion que plusieurs enfants reçurent le baptême des mains du père Buglio et du père Magalhaens. Il ordonna à ses soldats de tuer toutes leurs femmes, parce qu’elles ne causaient que de l’embarras en temps de guerre, et il leur en donna l’exemple en égorgeant trois cents des siennes, et n’en réservant que vingt pour servir les trois reines.

Enfin il ne quitta la province de Se tchuen pour rentrer dans celle de Chen si, qu’après avoir brûlé plusieurs villes, et la capitale. Comme il se disposait à combattre l’armée tartare, qui était assez proche, on vint l’avertir qu’on voyait cinq guerriers sur des hauteurs ; il alla aussitôt les reconnaître, sans prendre ni casque ni cuirasse. A peine parut-il, qu’il eut le cœur percé d’une flèche ; sa mort dissipa toute son armée, les peuples reçurent les Tartares comme leurs libérateurs, et se soumirent avec joie à leur domination.

Il y avait déjà onze provinces réduites sous la puissance de l’empereur tartare, et il n’en restait plus que quatre au midi qui obéissaient à l’empereur chinois. La cour envoya trois différentes armées pour les soumettre. On assiégea la capitale de la province de Quang tong. Ce siège dura un an entier avec de grandes pertes de part et d’autre : mais enfin la ville fut prise et abandonnée pendant dix jours au pillage des soldats.

On marcha ensuite à Chao king, où Yong lié tenait sa cour ; mais ce prince n’ayant pas des forces capables de résister au vainqueur, se retira d’abord dans la province de Quang si, et ensuite dans celle d’Yun nan.

L’année suivante, c’est-à-dire, la vingt-huitième du cycle, arriva la mort d’A ma van oncle, et tuteur de l’empereur. Il fut autant regretté après sa mort, qu’il s’était fait estimer des Chinois par ses grandes qualités, et par la douceur de son caractère. C’est proprement lui qui a affermi sur le trône la famille régnante des Tartares.

Son frère, qui avait une petite souveraineté, prétendit lui succéder dans la tutelle du jeune empereur ; mais tous les Grands s’y opposèrent, sur ce que l’empereur ayant quatorze ans, et étant marié à la fille du prince des Tartares occidentaux, il était capable de gouverner l’empire par lui-même. Ils en vinrent jusqu’à suspendre aux portes de leurs palais les marques de leurs dignités, disant qu’ils ne les recevraient que de la main de Chun tchi.

Il fut donc réglé que ce prince prendrait en main les rênes du gouvernement. Il le fit d’une manière qui lui gagna d’abord le cœur des peuples. Au lieu que les empereurs chinois avaient coutume de se tenir renfermés dans leurs palais, Chun tchi plus populaire, commença par se montrer en public, et donner un accès facile auprès de sa personne.

Il ne changea rien, ni dans les lois, ni dans le gouvernement de la Chine, ne permettant pas même aux Chinois d’apprendre la langue tartare, sans une dispense particulière.

Il conserva les six tribunaux souverains : mais il voulut qu’ils ne fussent qu’à Peking ; ainsi ceux de Nan king furent supprimés ; et il régla qu’outre le président chinois, il y en aurait aussi un autre tartare.

Il continua de ne confier qu’aux lettrés le gouvernement des villes et des provinces ; et comme le salut, ou la perte de l’empire, dépend du choix qu’on fait des sujets pour remplir des postes si importants, ayant appris que des lettrés avaient acheté les suffrages des examinateurs, il fit trancher la tête à trente-six de ces examinateurs, et condamna les lettrés à subir un nouvel examen.

Il accorda la grâce à ceux, qui par leur capacité furent admis aux degrés ; mais pour les autres il les relégua avec toute leur famille dans la Tartarie. C’est encore maintenant le lieu ordinaire où l’on exile les coupables, et la vue qu’on a en peuplant ces vastes solitudes, est que les enfants qui y naîtront, prennent aisément le génie et les manières tartares.

Ce prince eut une singulière affection pour le père Adam Schal ; il ne l’appelait pas autrement que Ma fa, c’est un terme de respect, qui signifie, mon père : il le mit à la tête du tribunal des mathématiques pour réformer l’astronomie chinoise, et en chassa les mahométans qui en étaient en possession depuis trois siècles. Par une grâce tout à fait particulière, il lui permit de lui présenter directement ses requêtes, sans les faire passer par la voie des tribunaux, comme c’est l’usage.

Cette insigne faveur contribua beaucoup à l’avancement et au progrès de la religion. Aussi vit-on bientôt s’élever à Peking deux belles églises par l’autorité, et par la protection de l’empereur. L’année trente-troisième du cycle on vit pour la première fois à Peking une ambassade de la part du grand duc de Moscovie : mais elle n’eut point de succès, parce que l’ambassadeur ne voulut point s’assujettir au cérémonial chinois. Celle qui vint pareillement de la part des Hollandais ne fut pas plus heureuse.

L’année trente-sixième du cycle Tching tching cong, qui s’était contenté jusqu’alors de faire des excursions et de butiner sur les côtes de la Chine, vint avec trois mille bâtiments assiéger la ville de Nan king. Un assez jeune Chinois était viceroi de la ville et de la province. On assembla le conseil de guerre, et le chef des Tartares prononça, que vu la multitude des habitants, il n’était pas possible de défendre la ville si l’on ne commençait par les faire tous mourir.

Une pareille proposition fit horreur au viceroi. « C’est par moi, dit-il, qu’il faudra commencer le carnage s’il est vrai qu’on ne puisse pas pourvoir autrement à la sûreté de la ville. » Cette réponse ferma la bouche au Tartare, et sauva la vie des citoyens.

Il n’y avait que vingt jours que la ville était assiégée, lorsqu’on s’aperçut de grandes réjouissances dans le camp des assiégeants. Ils célébraient le jour de la naissance de leur général, et cette fête dura trois jours entiers, qui se passèrent en toutes sortes de divertissements et de festins. Les assiégés sortirent vers minuit dans un grand silence, et trouvant leurs ennemis ensevelis dans le vin et dans le sommeil, ils les attaquèrent, en tuèrent près de trois mille, et forcèrent le reste de l’armée de gagner les vaisseaux avec précipitation, et d’abandonner leur camp, leur bagage, et leurs provisions au vainqueur.

Tching tching cong voulant se dédommager au plus tôt sur mer de cette perte, alla attaquer la flotte tartare ; il la joignit, et après un rude combat de part et d’autre, il coula à fond plusieurs vaisseaux tartares, mit les autres en fuite, en prit plusieurs avec quatre mille prisonniers, auxquels il fit couper le nez et les oreilles, et qu’il fit mettre ainsi défigurés sur le rivage.

Ce fut un spectacle, dont les soldats tartares ne purent soutenir la vue : et comme leurs visages hideux étaient un reproche continuel de leur défaite, on les fit tous mourir par ordre de l’empereur, comme étant coupables, soit pour n’avoir pas su vaincre, soit pour n’avoir pas su mourir glorieusement en défendant leur patrie.

Après cette victoire Tching tching cong pensa à se donner un lieu de retraite. Il jeta les yeux sur l’île de Formose qui était possédée par les Hollandais. Il l’assiégea par mer et par terre, et après quatre mois de résistance, le manque de vivres obligea enfin les assiégés à se rendre. C’est-là où il établit sa nouvelle domination : mais il n’en jouit pas longtemps. L’année suivante il mourut, et la laissa à son fils.

Il ne restait plus que Yong lié, qui, quoique chassé de toute la Chine, et réfugié dans le royaume de Pegou, lequel confine avec la province d’Yun nan, portait toujours le titre d’empereur, et pouvait donner lieu à quelques mouvements. La cour y envoya des troupes avec des lettres menaçantes au roi de Pegou, qui lui enjoignaient de remettre ce prince fugitif.

Il fut aussitôt livré avec toute sa famille entre les mains des Tartares qui le conduisirent dans la capitale, où il fut étranglé. À l’égard des deux reines, sa mère et son épouse, elles furent menées à Peking ; on leur donna à chacune un palais séparé, où elles furent traitées avec honneur, et où elles se sont toujours maintenues dans leur premier attachement à la foi.

Cette même année trente-huitième du cycle fut fatale à l’empereur, par la violente passion dont il se laissa transporter, pour la femme d’un jeune seigneur tartare qu’il avait vu chez l’impératrice. Cette dame fit part à son mari des empressements du prince, sur quoi le mari lui donna des instructions, dont par simplicité ou autrement, elle fit confidence à son amant.

Chun tchi, qui n’écoutait plus que sa passion fit venir ce seigneur, et sous prétexte de quelque négligence commise dans l’administration de sa charge, il lui donna un soufflet. Le Tartare ne put survivre à cet outrage, et il en mourut de chagrin le troisième jour.

L’empereur épousa aussitôt la veuve, et la fit reine. Il en eut un fils, dont la naissance fut célébrée avec pompe et magnificence. Mais ce fils si cher ne vécut que trois mois, et sa mère le suivit de près au tombeau. L’empereur fut inconsolable de cette perte : il voulut que trente hommes se donnassent la mort pour apaiser ses mânes ; cérémonie que les Chinois ont en horreur, et que son successeur a eu grand soin d’abolir.

Il ordonna aux Grands de sa cour et aux ministres de l’empire, de porter le deuil pendant un mois, au peuple pendant trois jours, comme si elle eût été impératrice. Quand son corps eut été mis sur le bûcher et réduit en cendres, il les ramassa lui-même, et les enferma dans une urne d’argent, fondant en pleurs ; enfin il se livra tout entier aux bonzes, dont il adora les idoles, pour lesquelles il n’avait eu auparavant que du mépris. En peu de jours ce malheureux prince fut réduit à l’extrémité, et l’on désespéra de sa vie. Le père Adam lui avait souvent fait de fortes remontrances, que ce prince regardait comme l’effet de son attachement pour sa personne, mais qui n’en étaient pas moins infructueuses. Il voulut dans ces tristes circonstances faire un dernier effort. Le prince le reçut avec amitié, l’écouta, en lui défendant de se mettre à genoux, lui fit donner du thé, et le congédia.

Après que le Père se fut retiré, il fit approcher quatre seigneurs de sa cour, et en leur présence il se reprocha à lui-même son peu d’attention au gouvernement de son État, son peu de gratitude pour ceux qui l’avaient bien servi, son mépris pour les conseils de sa mère, son avarice, ses dépenses frivoles en de vaines curiosités, son affection pour les eunuques, sa passion désordonnée pour la défunte reine, et la peine qu’il avait causé à son peuple. Ensuite il les déclara tuteurs de son plus jeune fils nommé Cang hi, qui n’avait encore que huit ans. Puis il fit apporter le manteau impérial, il s’en revêtit, et en se ramassant sur son lit en un espèce de peloton : « Voilà que je vous quitte », leur dit-il, et au même moment il expira vers le milieu de la nuit à l’âge de vingt-quatre ans.

Dès le matin tous les bonzes furent chassés du palais, et l’on enferma le corps de l’empereur dans un magnifique cercueil. Le lendemain Cang hi monta sur le trône, où il reçut les hommages de tous les Grands de l’empire.


CANG HI. Second empereur.
A régné soixante ans.


Comme dans le cours de cet ouvrage on parle fort au long du mérite et des rares qualités de cet empereur, un des plus grands que la Chine ait jamais eu, et dont le nom respecté dans tout l’orient, a mérité encore l’attention de l’Europe entière, il ne reste plus qu’à parcourir ici les principaux événements de son règne, selon le temps ou ils sont arrivés.

Tout fut assez tranquille sous le gouvernement des quatre tuteurs. Les premières marques d’autorité qu’ils donnèrent, fut de faire trancher la tête au chef des eunuques, qui avait été l’auteur et la source de tant de malheurs, et de chasser du palais quatre mille eunuques : on n’en réserva que mille pour être employés aux plus vils ministères,

Il parut ensuite un édit, par lequel il était ordonné sous peine de la vie, à tous ceux, qui dans six provinces habitaient les côtes de la mer, de quitter leurs habitations, et d’aller s’établir trois lieues plus loin dans l’intérieur des terres. On rasa aussi toutes les villes, forteresses, et bourgades maritimes, et le commerce de la mer fut absolument interdit.

Par là on affaiblit la puissance du redoutable ennemi qui s’était rendu maître de la mer : mais on réduisît à la mendicité une infinité de familles, qui ne subsistaient que de la pêche. Il y eut plusieurs églises qui furent détruites avec les temples des idoles. La ville de Macao aurait eu le même sort sans les fortes sollicitations du père Adam, qui employa tout son crédit pour l’exempter de la loi commune.

L’année quarante-unième, un lettré nommé Yang quang sien, présenta aux régents une requête remplie des plus affreuses calomnies contre la religion et les missionnaires, dont le père Adam était regardé comme le chef. Lui et trois de ses compagnons furent chargés de neuf chaînes, et traînés dans divers tribunaux, où ils subirent de longs et d’humiliants interrogatoires. Les livres de piété, les chapelets, les médailles, etc. furent regardés comme des marques secrètes, auxquelles ceux qui étaient de la conspiration devaient se reconnaître, et ces symboles de la piété chrétienne furent condamnés au feu. On défendit néanmoins de vexer les chrétiens, ni de profaner les églises, et les saintes images.

L’année suivante le père Adam fut condamné à être étranglé, ensuite on révoqua cet arrêt, et on le condamna à être coupé tout vivant en dix mille morceaux ; c’est le plus grand supplice, dont on punisse les crimes les plus atroces. La sentence fut portée aux princes du sang, et aux régents pour être confirmée, mais toutes les fois qu’on voulut la lire, un affreux tremblement de terre sépara l’assemblée.

La consternation fut si grande, qu’on accorda une amnistie générale : tous les prisonniers furent relâchés, à la réserve du père Adam, et il ne fut élargi qu’un mois après, que le palais impérial fut consumé par les flammes. Tous les missionnaires furent exilés à Canton à la réserve de quatre qu’on retint à la cour. On comptait parmi ces exilés trois religieux de saint Dominique, un franciscain, et vingt-un jésuites.

Le quinzième d’août de la même année le père Adam Schaal mourut âgé de soixante-dix-sept ans, dont il en avait passé quarante-sept dans les travaux de la vie apostolique. L’empereur déclara ensuite son innocence, et l’honora d’un éloge et de plusieurs titres d’honneur.

La quarante-troisième année du cycle arriva la mort de Sony le premier des quatre régents de l’empire ; le jeune empereur prit en main le gouvernement de ses États, et donna d’abord une grande idée de cette haute réputation qu’il s’acquit dans la suite d’un règne le plus florissant qu’on ait guère vu.

Sou ca ma, le plus accrédité des quatre ministres régents, et l’ennemi du christianisme d’autant plus cruel, qu’il était plus caché, eut à se défendre de vingt chefs d’accusation qu’on porta contre lui. Ses biens furent confisqués, il fut chargé de chaînes. et condamné au plus cruel supplice : mais l’empereur en modéra la rigueur, et il fut simplement étranglé ; sept de ses enfants, ou petits-fils, eurent la tête tranchée, et son troisième fils fut coupé en plusieurs morceaux.

L’année quarante-cinquième du cycle vint à la cour un ambassadeur du roi de Portugal qui y fut reçu avec honneur, et qui ne contribua pas peu à affermir la nation portugaise dans la possession de la ville de Macao.

L’année suivante le père Ferdinand Verbiest eut ordre de l’empereur d’examiner et de mettre par écrit toutes les fautes du calendrier chinois fait par Yang quang sien, qui avait pris la place du père Adam, et qui avait fort animé les Grands, les bonzes, et les mahométans contre la religion chrétienne. Ces fautes étaient énormes et en quantité : Yang quang sien fut dépouillé de son emploi, mis au rang du peuple, et même condamné à mort. L’empereur se contenta de l’exiler dans sa patrie, où il n’était pas encore arrivé, qu’il mourut d’un ulcère pestilentiel.

Le père Verbiest devint président du tribunal des mathématiques, et se fit fort estimer de l’empereur, qui voulut prendre de lui pendant cinq mois des leçons de mathématiques. Le Père se servit de sa faveur pour présenter une requête au monarque, dans laquelle il exposait les calomnies qu’on avait publiées contre la loi chrétienne, et les injustices qui avaient été commises sous son autorité contre les prédicateurs de cette loi. On mit sept jours à l’examiner dans une assemblée générale des mandarins, après quoi il fut déclaré que la loi chrétienne n’enseignait rien de mauvais, ni qui portât à la sédition. Un édit impérial rappela les missionnaires exilés, en défendant néanmoins, et aux missionnaires de bâtir de nouvelles églises, et aux Chinois d’embrasser la loi chrétienne.

L’année cinquantième du cycle Ou fan guey, qui avait introduit les Tartares dans l’empire, pour l’aider à détruire les rebelles, songeait à délivrer sa patrie de leur domination. L’empereur le fit inviter à venir à la cour : il répondit aux députés qu’il ne voulait y aller qu’accompagné de 80 mille hommes, et aussitôt il secoua ouvertement le joug.

Il s’était déjà rendu maître des provinces d’Yun nan, de Se tchuen, de Koei tcheou, et de la moitié du Hou quang, et ce qui est une marque de l’autorité impériale, il avait envoyé le calendrier chinois aux princes tributaires ses voisins, et entr’autres au roi de Tong king. Celui-ci et les autres refusèrent de le recevoir, et le renvoyèrent à l’empereur. Le fils aîné d’Ou fan guey, qui était à la cour, eut la tête tranchée.

Peu après les rois de Fo kien et de Quang tong se révoltèrent, et le prince de Formose se joignit à eux. C’en était fait des Tartares, si tous ces princes eussent agi de concert pour la liberté commune. Mais la jalousie les divisa. Le prince de Formose qui ne se crut pas traité assez honorablement par le roi de Fo kien, lui déclara la guerre, le défit en plusieurs combats, et le força à se soumettre à l’empereur. Le roi de Quang tong par une semblable raison de mécontentement, rompit le traité qu’il avait fait avec Ou fan guey, et mit sa province entre les mains des Tartares.

La cour envoya plusieurs armées commandées par des princes tartares dans les provinces de Hou quang de Tche kiang, de Fo kien, de Quang tong et de Quang si pour réduire tous les autres, qui refusaient de reconnaître sa puissance. Cependant Ou fan guey mourut la cinquante- sixième année du cycle accablé de vieillesse ; son plus jeune fils nommé Hong hoa, fut proclamé empereur.

Le 2 septembre de la même année il y eut un grand tremblement de terre à Peking : quantité de palais et de temples, les tours et les murailles de la ville furent renversés, et accablèrent plus de quatre cents personnes sous leurs ruines. Il y en eut plus de trente mille qui périrent dans une ville voisine nommée Tong tcheou. Et comme les secousses se firent sentir de temps en temps durant trois mois, l’empereur, les princes, et les seigneurs quittèrent leurs palais, et n’habitèrent plus que leurs tentes. L’empereur fit de grandes libéralités pour le soulagement de son peuple.

Le dernier mois de la même année le palais impérial parut tout en feu, et en peu d’heures il fut réduit en cendres. On assure que la perte monta à deux millions huit cent cinquante mille taëls.

Quatre jours après cet incendie l’empereur partit pour aller prendre le plaisir de la chasse à sa maison de plaisance. Ayant aperçu de loin le magnifique monument que son père avait fait élever au dernier empereur chinois, il y alla, et après s’être prosterné jusqu’à terre, et avoir brûlé des parfums : « Vous le savez, ô grand empereur, dit-il en versant des larmes, que ce n’est pas nous mais vos sujets rebelles qui ont été la cause de votre mort. »

Quoique le roi de la province de Chang tong se fût soumis à la domination tartare, sa conduite n’en était pas moins suspecte à la cour, parce qu’il avait l’esprit entreprenant, et que d’ailleurs il s’était rendu très puissant par le commerce, que nonobstant les défenses de l’empereur, il continuait de faire par mer avec les Espagnols et les Hollandais.

L’année cinquante-septième du cycle il reçut ordre de faire marcher son armée contre des rebelles de la province de Quang si, et cette armée ayant été partagée en différents corps, selon le besoin, on l’engagea insensiblement, et par adresse, à retourner dans son palais de la province de Quang tong. Peu de temps après deux Grands de la cour arrivèrent, et le neuvième d’octobre de grand matin ils présentèrent à ce prince un lacet de soie, avec l’ordre que l’empereur lui donnait de s’étrangler lui-même. Cent douze de ses complices, parmi lesquels il y avait trois de ses frères, furent décapités. Ses grandes richesses passèrent à ses autres frères, dont l’un était gendre de l’empereur.

Sur la fin de cette même année les révérends pères augustins étant venus des Philippines à Macao, entrèrent heureusement dans la Chine.

L’année suivante le roi de Fo kien, qui dans le temps de sa révolte avait traité indignement des mandarins fidèles à l’empereur, fut puni du dernier supplice, et son corps jeté aux chiens ; ses frères, quoiqu’innocents, eurent la tête tranchée.

Cependant les Tartares s’emparèrent de la capitale de la province d’Yun nan ; Hong hoa qui avait été déclaré empereur, prévint le supplice qui lui était destiné, en se donnant lui-même la mort. On déterra les ossements de son père Ou fan guey et on les transporta à Peking où ils furent partie exposés de côté et d’autre sur des pieux avec des notes infamantes, partie réduits en cendres, et jetés au vent.

Cette même année la 58e du cycle, et la 1681e de l’ère chrétienne, était la centième qui s’écoulait depuis que les missionnaires de la compagnie de Jésus ont porté le flambeau de la foi dans l’empire de la Chine.

La cinquante-neuvième année l’empereur ayant heureusement subjugué les quinze provinces de la Chine, et affermi la paix dans tout son empire, prit la résolution d’aller visiter sa patrie et la sépulture de ses ancêtres. Il partit pour la Tartarie orientale le 23 mars accompagné du prince héritier, des trois reines, des grands seigneurs, des principaux mandarins, et d’une armée d’environ soixante-dix mille hommes. Il voulut que le père Verbiest fût du voyage, et se trouvât toujours auprès de sa personne.

L’année soixantième et dernière de ce cycle, il fit un second voyage dans la Tartarie occidentale avec encore plus d’appareil, et avec une armée beaucoup plus nombreuse. Il continua dans la suite ces sortes de voyages en Tartarie, où chaque année il passait plusieurs mois dans les exercices de la chasse.

Sa vue était de tenir ses troupes en haleine, de les endurcir à la fatigue, d’empêcher qu’elles ne s’amollissent par les délices de la Chine, de se faire aimer et redouter des princes tartares ses sujets, en étalant d’une part à leurs yeux toute la magnificence de sa cour, et la grandeur de sa puissance ; et d’une autre part en rendant son autorité aimable par son affabilité, et par ses bienfaits.


Cycle LXVIII. Année de J. C. 1684.

La troisième année de ce nouveau cycle Tching ké san, petit-fils de ce fameux pirate, qui avait enlevé l’île de Formose aux Hollandais, fut forcé de la remettre entre les mains de l’empereur, et de se rendre à Peking où il fut revêtu de la qualité de comte.

La quatrième année du cycle cinq nouveaux missionnaires jésuites français arrivèrent à Peking le 7 février. Ils s’étaient embarqués à Brest au mois de mars de l’année 1685.

Louis XIV, de glorieuse mémoire, qui, à tant de vertus héroïques, par lesquelles il a mérité le nom de Grand, joignait le plus grand zèle pour la propagation de la foi, avait honoré ces pères du titre de ses mathématiciens, et les avait gratifié et de pensions réglées, et de magnifiques présents.

Ils n’eurent pas la consolation de voir le père Verbiest, auquel ils étaient redevables de leur entrée dans la Chine.

Cet homme apostolique était mort le 27 janvier généralement regretté de l’empereur, des Grands, et du peuple. Le père Grimaldi fut nommé pour remplir sa place. Des cinq pères nouvellement arrivés, l’empereur réserva pour sa cour les pères Gerbillon et Bouvet.

L’année suivante les pères Gerbillon et Pereyra eurent ordre de l’empereur d’accompagner en Tartarie les ambassadeurs chinois, qui allaient régler avec les plénipotentiaires moscovites les limites des deux empires.

La Chine jouissait d’une profonde paix, et elle en était redevable à la sagesse et aux lumières supérieures de l’empereur. L’application infatigable de ce grand prince à toutes les affaires de son État, son équité et sa pénétration dans le choix des sujets propres à remplir les premières charges, sa frugalité et son éloignement de tout luxe pour sa personne, joint à sa prodigalité et à la magnificence dans les dépenses de l’État ; sa tendresse pour ses peuples et sa promptitude à les secourir ; sa fermeté à maintenir les lois dans leur vigueur, et à les faire observer ; la vigilance continuelle sur la conduite des vicerois et des gouverneurs, et l’empire absolu qu’il avait acquis sur lui même, tout cela entretenait la plus parfaite subordination dans tous les membres de ce vaste empire : sans laquelle il n’y a d’ordinaire que troubles et que confusion.

Tout occupé qu’était ce prince du gouvernement de son empire, il trouva encore le loisir de s’appliquer aux sciences pour lesquelles il avait un goût et un génie particulier. Il ne se contenta pas de la littérature chinoise, dans laquelle il était très versé ; il voulut s’instruire encore des sciences d’Europe, savoir, de la géométrie, de l’algèbre, de la physique, de l’astronomie, de la médecine, et de l’anatomie. Les pères Gerbillon, Bouvet, et Thomas furent occupés pendant plusieurs années, à composer leurs leçons en langue tartare, et à les lui expliquer deux fois par jour, soit qu’il fût à Peking, soit qu’il fût à la maison de plaisance. Il voulut pareillement que le père Gerbillon le suivit dans tous ses voyages en Tartarie.

Comme la religion chrétienne n’était que tolérée à la Chine, elle n’était pas à couvert des persécutions qu’on lui suscitait dans les provinces. Il s’en éleva une des plus cruelles dans la province de Tche kiang ; les pères qui étaient à la cour, présentèrent une requête à l’empereur, et après bien des contradictions de la part des tribunaux, ils obtinrent enfin par la protection du prince So san parent de l’empereur, un édit qui en faisait l’éloge, et en permettait le libre exercice dans tout l’empire.

Cet édit fut porté la neuvième année du cycle, qui était l’année 1692 de l’ère chrétienne, et la trente-unième du règne de Cang hi qui le confirma le 22 mars, et le fit publier peu après dans toutes les provinces.

Une grâce si signalée, fut suivie quelque temps après d’une autre qu’on n’eût pas dû espérer. L’empereur accorda aux pères Gerbillon et Bouvet un vaste emplacement dans l’enceinte de son propre palais, pour y bâtir une maison et une église. Il fournit même, et de l’argent, et une partie des matériaux pour la construction de ces deux édifices, et nomma des mandarins pour y présider. En quatre ans tout fut achevé, et ce fut la dix-neuvième année du cycle, c’est-à-dire, l’an 1701 que se fit l’ouverture de l’église, et qu’elle fut solennellement bénite.

La vingt-sixième année du cycle fut remarquable par un événement des plus singuliers. Le second fils de l’empereur nommé son héritier, qui allait presque de pair avec lui, fut tout à coup déposé et chargé de fers ; ses enfants et ses principaux officiers furent enveloppés dans la disgrâce ; un faiseur d’horoscope, qui avait prédit au prince qu’il ne serait jamais empereur, s’il ne l’était à une certaine année qu’il lui marquait, fut condamné à être coupé en mille pièces. Les gazettes publiques furent remplies de manifestes et d’invectives contre la conduite du prince dont on examinait la vie depuis son enfance.

Peu après son innocence fut découverte, et l’on sut que le fils aîné, pour rendre la fidélité de son frère suspecte, avait eu recours à la magie et à divers prestiges par le secours de certains lamas, expérimentés dans l’usage des sortilèges. On fit mourir ces lamas ; le fils aîné fut condamné à une prison perpétuelle, et le prince son cadet fut rétabli dans sa qualité de prince héritier. On donna des marques publiques de réjouissance, et l’on joua pendant quelque temps une comédie tirée d’un trait d’histoire ancienne, qui avait rapport à cet événement.

Mais ce rétablissement ne fut pas durable, et dans la suite il demeura déchu du titre et des prérogatives de son rang pour des fautes plus réelles envers la personne de son père.

La trentième année du cycle, c’est-à-dire, l’an 1710 monseigneur le Cardinal de Tournon légat apostolique mourut à Macao le 8 de juin, âgé de quarante-un ans, d’une maladie dont il avait déjà pensé mourir à Pondichery, et ensuite à Nan king, par où il passa pour se rendre à la cour de l’empereur, où le pape l’avait envoyé pour terminer les contestations survenues entre les missionnaires. La trente-septième année du cycle (l’an 1717) un tsong ping ou mandarin de guerre nommé Tchin mao présenta à l’empereur une requête pleine d’invectives et de calomnies contre la religion chrétienne, et ceux qui la prêchaient. Il colorait tout ce qu’il avait inventé de plus atroce, du spécieux prétexte de veiller à la tranquillité publique, qui était sur le point, disait-il, d’être attaquée au dedans et au dehors, au dedans par les missionnaires et leurs disciples, et au dehors par les Européens, qui font leur commerce à la Chine.

On fut consterné, quand on apprit que cette requête avait été donnée à examiner aux tribunaux, et que l’empereur avait confirmé leur sentence, qui rappelait deux édits, l’un de la huitième année de Cang hi lequel défend de bâtir des églises, et d’embrasser la loi chrétienne ; l’autre de sa quarante-cinquième année, où il est ordonné à chacun des Européens de recevoir une patente impériale, où on lise son pays, l’ordre religieux qu’il a embrassé, depuis combien de temps il est à la Chine, et la promesse qu’il fait de ne plus retourner en Europe.

Le P. Parrenin, avec deux autres missionnaires, alla se jeter aux pieds de l’empereur, mais il n’en put avoir d’autre réponse, sinon que par cet édit il n’était défendu de prêcher leur loi, qu’à ceux qui n’avaient pas reçu la patente.

L’année suivante mourut l’impératrice mère le 11 janvier. Tout l’empire prit le grand deuil pendant plus de quarante jours. Les mandarins, les fils mêmes de l’empereur dormaient au palais sans quitter leurs vêtements. Tous les mandarins à cheval et non en chaise vêtus de blanc, et avec peu de suite, allèrent pendant trois jours faire les cérémonies ordinaires devant la tablette de l’impératrice défunte. Les tribunaux furent fermés tout le temps du deuil, et la soie rouge fut proscrite, ainsi on portait le bonnet sans soie rouge, et sans aucun autre ornement.

La même année l’empereur fut attaqué d’une maladie qui causa de grandes alarmes, surtout parce que dans le dessein de se choisir un successeur, il ne jetait les yeux sur aucun de ses enfants, mais sur un prince de la dynastie des Yuen, dont il en reste encore plus de mille.

Un des premiers mandarins lui fit présenter par son fils un mémorial par lequel il remontrait avec respect, de quelle importance il était pour le repos de l’empire de nommer un prince héritier, et de rétablir son second fils dans cette dignité. L’empereur fut irrité de cette remontrance ; il pardonna à celui qui l’avait présentée, parce qu’il avait obéi à son père ; mais il donna ordre qu’on fît mourir le père. Cet exemple de sévérité ferma la bouche à tous les Grands, qui n’osèrent lui parler d’un successeur.

L’année quarantième du cycle (1720) on apprit à la cour l’agréable nouvelle que les troupes chinoises avaient remporté une victoire complète sur l’ennemi Tse vang raptan roi des Eluths, qui occupait le pays des lamas, et le ravageait depuis quatre ans, et que par là le Thibet était resté à l’armée victorieuse.

Quoique cette conquête se fît bien loin des confins de la Chine, elle ne laissait pas d’être fort intéressante, parce que l’empereur avait à cœur la fin de cette guerre. Tous les Grands vinrent l’en féliciter.

Le 11 de juin de la même année il y eut à Peking un tremblement de terre à neuf heures du matin qui dura deux minutes. Les secousses recommencèrent le lendemain à sept heures et demie du soir, et continuèrent pendant l’espace d’environ six minutes. On n’entendit dans toute la ville qu’un bruit confus de cris et de hurlements. Le calme revint enfin quoiqu’on ne laissât pas d’éprouver le reste de la nuit dix autres secousses, mais qui furent moins violentes.

Le mal ne parut pas au point du jour aussi grand qu’on se l’était figuré. Il n’y eut que mille personnes écrasées dans Peking : comme les rues y sont la plupart fort larges, on pouvait se mettre hors de la portée des bâtiments qui s’écroulaient. Pendant vingt jours de suite, on ressentit par intervalles de légers tremblements. Le 22 de novembre un ambassadeur de Moscovie fît son entrée à Peking avec beaucoup de pompe et de magnificence. Il avait près de cent personnes à sa suite, presque tous vêtus d’habits superbes à l’européenne. Les cavaliers qui marchaient à côté de l’ambassadeur avaient en main l’épée nue : ce qui faisait un spectacle nouveau et extraordinaire.

Le nouveau légat de Sa Sainteté, monseigneur Mezzabarba, qui était parti de Lisbonne sur un vaisseau portugais, arriva à Peking et fut reçu de l’empereur avec distinction. Après plusieurs audiences, il prit le parti de s’en retourner en Europe, afin de rendre compte au pape de tout ce que l’empereur lui avait dit, promettant de revenir à la Chine le plus tôt qu’il lui serait possible. Il prit congé de l’empereur qui le fit conduire à Canton où il ne demeura que quatre ou cinq jours, et de là à Macao avec tous les honneurs dûs à sa personne et à sa dignité.

L’année suivante l’on vit en peu de mois l’île de Formose secouer le joug de la domination de l’empereur, et forcée ensuite de rentrer sous son obéissance. Les Chinois du lieu, aidés de ceux de Fo kien, et de Keou mi, avaient égorgé les mandarins, à un seul près qui s’évada, et fait main basse sur les troupes impériales.

Quand la nouvelle s’en répandit à Peking, on ne manqua pas d’attribuer cette révolte aux Hollandais, qui n’y avaient certainement nulle part ; et cela sans doute par un fonds d’opposition qu’il y a entre les Chinois et les étrangers, et à dessein de rendre les Européens odieux à la nation chinoise. Mais ce fut un grand sujet de joie, quand on apprit peu après que les nouvelles troupes impériales qu’on y avait envoyées, étaient entrées dans la capitale, avaient tué une partie des rebelles, à la réserve de leur chef, qui s’était enfui dans les montagnes, que le reste des révoltés était tout à fait dissipé.

La quarante-deuxième année du cycle (1722) au mois de décembre, l’empereur prenant le divertissement de la chasse du tigre dans son Parc de Haï tse, fut saisi du froid, et se sentant frappé, il ordonna à tous ceux qui l’accompagnaient, de retourner à sa maison de plaisance.

Un retour si subit étonna d’abord toute sa suite, mais on n’en ignora pas longtemps le sujet. Son sang s’était coagulé, et nul remède ne put le soulager. Se voyant mourir il assembla tous les Grands, et leur déclara qu’il nommait son quatrième fils pour lui succéder à l’empire. Il expira le vingtième décembre sur les huit heures du soir, âgé de soixante-neuf ans, et la même nuit son corps fut transporté à Peking.


TONG TCHING. Troisième empereur.
Maintenant régnant.


Le lendemain de la mort de Cang hi, le nouvel empereur âgé d’environ quarante-cinq ans, s’assit sur le trône à cinq heures du matin, prit le nom de Yong tching, qui signifie paix ferme, concorde indissoluble. Il fut reconnu de tous les princes, de tous les Grands, et des mandarins qui composent les tribunaux.

Dès son avènement à la couronne, ce prince donna des marques du mécontentement qu’il avait de quelques-uns de ses frères, et surtout du neuvième : il le condamna à rendre des grosses sommes qu’il prétendait avoir été mal acquises sous le règne de son père, et il l’exila en Tartarie, où il mourut assez peu de temps après y être arrivé. Les gazettes publièrent qu’il était mort de la dysenterie.

Il rappela ensuite à Peking son quatorzième frère qui était à la tête de l’armée chinoise ; son huitième et dixième frère tombèrent pareillement dans sa disgrâce. Il n’y a que le treizième auquel il donna toute sa confiance, et qu’il fit entrer dans toutes les affaires du gouvernement. Il fit en même temps emprisonner ou exiler des princes et des seigneurs, dont plusieurs protégeaient les missionnaires, et qui par cette raison étaient favorables au christianisme.

Soit que ce prince n’ait pas pour les sciences le même goût qu’avait son père, soit qu’il cherche à se passer des missionnaires, il ne leur a donné que peu de marques de sa bienveillance, et il se contente de ne les pas inquiéter. Un seul frère jésuite italien, et excellent peintre, est employé au palais. S’il a donné un nouveau titre d’honneur au P. Kegler, déjà président du tribunal des mathématiques, il n’a eu d’autre vue que de le faire paraître avec décence devant sa personne, surtout à certains jours de cérémonie, où il se trouvait auparavant sans aucune marque de distinction, et l’on ne peut pas en conclure qu’il soit dans des dispositions plus favorables à la religion.

Du reste il est très appliqué aux affaires de l’État, dont il s’occupe tout entier ; il est ferme et décisif, toujours prêt à recevoir des mémoriaux, et à y répondre, et gouverne entièrement par lui-même : de sorte qu’il n’est pas possible de voir un maître plus absolu et plus redouté.

Dès la première année de son règne il fut prévenu contre les Européens par diverses requêtes que lui présentèrent les lettrés. Ils remontraient dans leurs requêtes que ces étrangers avaient trompé le feu empereur, et que ce prince avait beaucoup perdu de sa réputation, en leur permettant par trop de condescendance, de s’établir dans les provinces, qu’ils y ont élevé partout des églises, et que leur loi s’y répand avec rapidité, que les Chinois chrétiens ne reconnaissent que ces docteurs, et que dans un temps de trouble ils n’écouteraient point d’autres voix que la leur, etc.

Ces fâcheuses impressions furent fortifiées par un placet public que le tsong tou de Fo kien adressa à l’empereur, où après lui avoir rendu compte des raisons importantes qu’il avait eu de proscrire la religion chrétienne dans toute l’étendue de son gouvernement, il le suppliait pour le repos de l’empire et le bien des peuples, d’ordonner que ces étrangers soient renvoyés des provinces, et conduits ou à la cour, ou à Macao, et que leurs temples soient employés à d’autres usages.

Ce placet fut remis au tribunal des rits pour déterminer ce qu’il y avait à faire. La sentence de ce tribunal, fut de conserver à la cour les Européens qui y sont, et d’y conduire ceux des provinces qui peuvent y être utiles ; mais pour les autres, de les conduire à Macao, de changer les temples en maisons publiques, et d’interdire rigoureusement leur religion.

Cette délibération du tribunal fut confirmée par l’empereur, qui y ajouta seulement, que les vicerois des provinces leur donneraient un mandarin, pour les conduire à la cour ou à Macao, et pour les garantir de toute insulte.

Les missionnaires se donnèrent bien des mouvements auprès de leurs amis, et surtout auprès du treizième frère de l’empereur qui les protégeait, mais inutilement ; toute la grâce qu’on leur accorda, c’est qu’au lieu d’être renvoyés à Macao ils seraient conduits à Canton, encore ne leur permettait-on d’y demeurer, qu’au cas qu’ils ne donnassent aucun sujet de plainte.

En vertu de l’édit solennel de l’empereur, qui fut répandu dans tout l’empire, les missionnaires furent chassés de leurs églises, et tolérés seulement à Peking, ou à Canton ; plus de trois cents églises furent détruites, ou converties en usages profanes, et plus de trois cent mille chrétiens destitués de leurs pasteurs, se virent livrés à la rage des infidèles. On s’est servi, et on se sert encore, de tous les moyens qu’un zèle prudent et éclairé inspire, pour ranimer le plus souvent qu’il est possible la foi de toutes ces chrétientés, et pour les entretenir dans la ferveur.

A peine cet édit fut-il porté, que l’empereur fît sentir tout le poids de sa colère et de son indignation, à une illustre et nombreuse famille, qui avait embrassé la foi. Le chef de cette famille est un prince du sang, lequel descend du frère aîné de celui qui a fondé la dynastie régnante. Sans avoir égard ni à son rang, ni à sa vieillesse, ni aux services importants qu’il avait rendu à l’État, il l’exila en Tartarie, lui et ses enfants, qui sont au nombre de onze princes, et de seize princesses mariées à des princes mongols, ou à des mandarins de Peking.

Tous ces princes princesses qui avaient aussi chacun une nombreuse famille, ont été dégradez de leur rang, et ils n’ont eu d’autre demeure, qu’un lieu désert de la Tartarie, où ils sont étroitement resserrés et gardés à vue par des soldats. On vit partir ce vénérable vieillard pour se rendre au lieu de son exil, avec ses enfants, ses petits-fils au nombre de trente-sept, sans compter les princesses femmes ou filles qui égalaient presque ce nombre, et environ trois cents domestiques de l’un et de l’autre sexe, dont la plus grande partie avait reçu le baptême.

Toutes ces disgrâces n’ayant point été capables de les faire chanceler dans leur foi on fît venir les princes à Peking sur des charrettes, et toujours chargés de neuf chaînes, là ils eurent à subir plusieurs interrogatoires, où on leur promettait de les rétablir dans la splendeur de leur rang, s’ils renonçaient à la foi, sinon on les menaçait des plus affreux supplices. Mais comme ils ne cessaient de rendre témoignage aux vérités chrétiennes, sans que les promesses, ni les menaces, ni toute la puissance d’un grand empereur puissent ébranler tant soit peu leur confiance, les tribunaux les condamnèrent à la mort.

L’empereur changea cette peine en une prison perpétuelle. Quelques-uns furent enfermés dans d’étroites prisons, où trois font morts de pure misère. Les autres furent dispersés dans les provinces pour y finir leurs jours sous la pesanteur des chaînes, et dans l’obscurité d’un cachot. Deux ambassadeurs, l’un de Portugal, et l’autre de Moscovie, qui se trouvaient alors à la cour de Peking ont été les admirateurs de la confiance et de l’intrépidité de ces illustres confesseurs de Jésus-Christ.

Tout aliéné que ce prince paraisse de la religion, à laquelle il n’a pu cependant refuser son estime, on ne saurait s’empêcher de louer son application infatigable dans le travail : il pense nuit et jour à établir la forme d’un sage gouvernement, et à procurer le bonheur de ses sujets : c’est lui faire sa cour que de lui présenter quelque projet qui tende à l’utilité publique et au soulagement des peuples. Il y entre aussitôt et l’exécute sans nul égard à la dépense. Il a fait plusieurs beaux règlements soit pour honorer le mérite et récompenser la vertu, soit pour mettre de l’émulation parmi les laboureurs, ou pour secourir les peuples dans les années stériles. Ces qualités lui ont attiré en peu de temps le respect et l’amour de tous ses sujets.

La cinquantième année du cycle (1730) le treizième frère de l’empereur qui partageait avec lui tout le poids des affaires, mourut le dix-neuvième de juin purement de langueur, et s’étant consumé par l’excès du travail, auquel il se livrait jour et nuit. L’empereur a paru inconsolable de cette perte, et sa santé en a été même altérée.

Il a fait rendre à ce prince des honneurs extraordinaires dont il a bien voulu rendre compte au public dans de fréquentes déclarations, où il faisait connaître combien il souhaitait que tout le monde prît part à sa douleur, et assistât aux funérailles sans distinction de rang, laissant la liberté aux seigneurs et au simple peuple d’honorer le défunt, chacun à sa manière par des présents ou par des éloges, il ajoutait néanmoins qu’il ne voulait contraindre personne, et que ceux qui ne croiraient pas que ce prince méritât de pareils honneurs, pourraient se dispenser de les lui rendre, et cependant il avait chargé des Officiers de remarquer tous ceux qui s’acquitteraient de ce devoir, et rendre compte chaque jour.

Le corps fut exposé dans le grand ting où personne n’était admis que les princes du sang. Devant la première porte du palais on voit une grande cour, au milieu de laquelle on avait bâti une salle avec des nattes : on y plaça un trône, car le défunt n’était pas seulement regulo du premier ordre, il avait encore le titre de roi (Koue vang).

Devant ce trône était une petite table sur laquelle il n’y avait que deux chandeliers et une cassolette : la salle était fermée par une porte à deux battants, qui s’ouvrait à mesure que les officiers des tribunaux venaient faire chacun à leur tour leurs révérences. Ils y entraient un certain nombre à la fois d’abord ils se tenaient debout derrière des tables qu’ils posaient à terre aux côtés de la salle, puis ils se mettaient à genoux, se prosternaient jusqu’a six fois, et sans se relever, ils poussaient tous ensemble leurs gémissements, après quoi ils se retiraient en silence. D’autres leur succédaient, et faisaient la même cérémonie.

Quelque temps après on porta le corps à une grande demie lieue de la ville, dans un palais qu’on avait bâti exprès, où l’on fit les mêmes cérémonies. C’est où les mandarins de la ville, les marchands en corps, et le peuple sont allés lui rendre les derniers devoirs.

Après cent jours on le porta dans un autre endroit préparé de la même manière, où il demeura le même temps. Enfin il y eut cinq stations, chacune de cent jours, où les mêmes cérémonies s’observaient, après quoi il fut transporté au lieu de sa sépulture, que l’empereur avait fait construire, et qui a quatre lieues de circuit.

Les mandarins des provinces, ou sont venus eux-mêmes rendre ces devoirs, ou ont député leurs enfants à leur place. Ils ont fait ensuite élever dans leur district des monuments qui contiennent les plus grands éloges de cet illustre mort. L’empereur a fait placer son nom dans la salle des empereurs, distinction très rare, et qui ne s’accorde aux particuliers, que lorsqu’ils ont rendu les services les plus importants à l’État.

Peu après l’empereur fit arrêter son troisième frère, qui fut conduit par ses ordres dans une étroite prison, où il est enfermé, sans qu’on ait pu découvrir la cause de sa disgrâce. La famille de ce prince en a ressenti le contre-coup, et elle est entièrement déchue de son rang et de sa faveur.

Le 30 de novembre de l’année suivante 1731 La ville de Peking fut presque toute bouleversée par le tremblement de terre le plus extraordinaire qu’on ait encore éprouvé à la Chine. Les premières secousses se firent sentir un peu avant onze heures du matin si subitement et avec tant de violence, qu’on ne s’aperçut du tremblement que par la chute des maisons et des édifices, et par le fracas affreux qu’elles faisaient en s’écroulant. On eût dit qu’une mine universelle les faisait sauter en l’air, et que la terre s’abîmait sous les pieds. En moins d’une minute plus de cent mille habitants de cette grande ville furent écrasés sous leurs ruines, et encore beaucoup plus à la campagne, où des bourgades entières ont été tout à fait détruites.

Ce tremblement a été singulier, en ce qu’il n’a pas été égal dans la ligne qu’il a parcouru. Dans des endroits de cette ligne il a fait de grands ravages, et par des espèces de soubresaut, il a laissé des intervalles, où il ne s’est fait sentir que légèrement, et après ces intervalles il a repris toutes ses forces. Dans ces deux secousses contraires et si précipitées, rien n’a pu résister : plus les masses étaient solides, et plus l’effet était violent. Cette première secousse fut suivie en moins de vingt-quatre heures de vingt-trois autres plus légères.

L’empereur était à sa belle maison de plaisance à deux lieues de Peking qui tout à coup a été réduite à un si pitoyable état, qu’elle ne peut être réparée que par des sommes immenses. Il se promenait alors dans une barque sur un canal qui traverse ses jardins : il se prosterna aussitôt contre terre, et éleva les yeux et les mains au Ciel : il publia ensuite un édit, où il s’accusait soi-même, en attribuant ce fléau de la colère céleste à ses offenses, et au peu de soin qu’il a apporté au gouvernement de l’empire.

Ce prince a paru très sensible à l’affliction de son peuple : il a charge plusieurs officiers de dresser un état des maisons renversées, d’examiner le dommage que chaque famille a souffert : il a fait des largesses considérables pour leur soulagement. Les missionnaires de Peking ont eu part à ces libéralités, il les a admis à son audience, les a reçus avec bonté et leur a donné mille taëls pour aider à réparer leurs églises.

La 52e année du cycle (1732) les missionnaires, qui, dix ans auparavant avaient été chassés des provinces de l’empire, et relégués à Canton furent chassez de Canton même et renvoyés à Macao, petite ville qui appartient aux Portugais, mais où pourtant les Chinois sont les maîtres. On ne leur donna que trois jours pour se préparer au départ, et emporter leurs meubles. L’unique raison qu’on apporta, d’un traitement si dur, c’est qu’ils avaient contrevenu aux ordres de l’empereur, en publiant la loi chrétienne.

Ce fut le 20 août qu’on les fit embarquer au nombre de trente, et qu’ils mirent à la voile sous l’escorte de quatre galères, et de deux mandarins. Lorsqu’ils furent rendus à Macao les mandarins firent descendre à terre les domestiques et les chrétiens qui avaient suivi les missionnaires, et les renvoyèrent à Canton chargés de chaînes. Là on les traîna ignominieusement à divers tribunaux : les uns furent jetés dans les prisons, les autres reçurent la bastonnade quelques-uns furent condamnés à porter la cangue pendant un ou deux mois. Tous confessèrent hautement le nom de Jésus-Christ, et rendirent un témoignage public à la vérité et à la sainteté de la religion chrétienne.

C’est-là tout ce qui s’est passé jusqu’ici de plus remarquable sous cet empereur, qui commence la douzième année de son règne, et qui gouverne ses vastes États, avec une autorité absolue, et c’est aussi où je finis les fastes de cette grande monarchie.


Fin du premier volume.