Description de la Chine (La Haye)/Dynasties/Vingt-unième Dynastie, Ming

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Scheuerleer (Tome Premierp. 443-466).


VINGT-UNIÈME DYNASTIE
NOMMÉE MING,


Qui compte seize empereurs dans l’espace de deux cent soixante-seize ans.


TAI TSOU IV ou HONG VOU. Premier empereur.
A régné trente-un ans.


Tai tsou se mit en possession de l’empire avec un applaudissement général la quarante-sixième année du cycle, et établit sa cour à Nan king, capitale de la province de Kiang nan. L’année suivante il se rendit maître de Peking dont le siège ne dura qu’un jour. Il érigea cette contrée en souveraineté qu’il donna à son quatrième fils. Ensuite il honora du titre d’empereur son père, son aïeul, son bisaïeul, et son trisaïeul.

Il fit plusieurs ordonnances pour maintenir la tranquillité dans l’empire. Par ces ordonnances il était réglé :

1° Que ceux qui possèdent des souverainetés, n’étendront point leur pouvoir au-delà de leur territoire, et ne se mêleront point des affaires publiques.

2° Que les eunuques ne posséderont aucune charge ni civile ni militaire.

3° Qu’il ne sera jamais permis aux femmes de se faire bonzesses, ni aux hommes d’entrer dans un monastère de bonzes, pour se consacrer à cette profession avant l’âge de quarante ans.

4° Que les lois anciennes et modernes seront rédigées dans un corps de trois cents volumes. Cet ouvrage fut un siècle entier à paraître.

5° Que les vingt-sept mois qu’on mettait à pleurer les parents défunts, seraient réduits à vingt-sept jours.

Sa cour fut bientôt remplie d’ambassadeurs qui vinrent de tous côtés le féliciter sur son avènement à la couronne. Parmi leurs présents, ils lui offrirent un lion, et c’est la première fois que les Chinois virent un animal de cette espèce. La Corée, le Japon, l’île Formose, le royaume de Siam, et les îles méridionales se distinguèrent par de célèbres ambassades.

La joie qui régnait à la cour de ce prince, fut bien troublée par la perte qu’il fît de sa femme nommée Ma, qui était montée avec lui sur le trône, et dont il faisait un cas infini, publiant hautement que c’était à la sagesse de ses conseils qu’il était redevable de sa couronne. Il en eut tant de regret, qu’il ne put jamais se résoudre à créer une autre impératrice.


Cycle LXIII. Année de J. C. 1384.

Une de ses principales attentions, fut de faire fleurir les lettres. Il donna les plus beaux privilèges au collège impérial, et il voulut assister lui-même aux examens où l’on conférait le degré de docteur. Il ne permit pas néanmoins qu’on rendît à Confucius les mêmes honneurs qu’on rend aux rois, ainsi qu’avaient fait quelques-uns de ses prédécesseurs ; mais il voulut qu’on l’honorât en qualité de Sien sseë, c’est-à-dire, de maître de l’empire.

Parmi les différentes maximes qu’on rapporte de ce prince, il y en a deux qui lui étaient fort familières : « Quand il y a du mouvement et des troubles dans l’empire, disait-il, n’agissez jamais avec précipitation. Si tout y est tranquille, prenez garde de traiter vos peuples avec trop de sévérité, et de vous attacher à des minuties. »

D’autres fois il disait, que comme le Ciel et la terre produisent tout ce qui est nécessaire à l’entretien des hommes, de même un sage empereur ne doit songer qu’aux moyens de pourvoir aux nécessités de ses sujets, et que quand même dans cette vue il diminuerait les impôts, et modérerait les dépenses, il doit toujours craindre que le nécessaire manque à son peuple.

Dans un temps de grande sécheresse, il prit ses habits de deuil, et alla sur une haute montagne, où il demeura pendant trois jours à implorer la clémence du Ciel. La pluie, qui après ces trois jours survint en abondance, fut regardée comme l’effet de la prière.

Lorsqu’il visitait les provinces de l’empire accompagné de son fils aîné, il fit un jour arrêter son char au milieu des campagnes, et se tournant du côté de son fils : « Je vous ai fait venir avec moi, dit-il, afin que vous soyez témoin des sueurs et des travaux des pauvres laboureurs, et que la compassion qu’une condition si pénible excitera dans votre cœur, vous porte à ne jamais les surcharger d’impôts. »

La mort inespérée de ce fils, qui arriva peu après, accabla l’empereur de tristesse : il le pleura, et en porta le deuil pendant trois ans contre la coutume, et nomma son petit-fils pour hériter de sa couronne.

Un jeune homme nommé Soui, voyageant avec son père et sa femme, tomba malheureusement entre les mains des voleurs. Ceux-ci se disposaient à tuer le bon vieillard, lorsque son fils se mit au devant, et les conjura avec larmes de le faire mourir lui-même à la place de son père. Comme ils voulaient faire violence à la femme et en abuser : « Seriez-vous capables de faire une action si infâme, leur dit-elle, pendant que mon mari est plein de vie ? » Il y avait un grand feu allumé près d’eux, ils prirent le jeune homme, et l’y jetèrent ; sur quoi la femme se précipita aussitôt dans les flammes, et embrassa fortement le corps de son mari avec lequel elle fut réduite en cendres.

L’empereur fit ériger un beau monument à leur gloire, pour conserver le souvenir de leur piété et de leur fidélité. Mais il punit en même temps très sévèrement un autre jeune homme, qui, pour obtenir la santé de sa mère mourante, avait sacrifié son propre fils à une idole.

Ce prince mourut la quinzième année du cycle, âgé de soixante-onze ans. Son petit-fils nommé Kien ven ti, qui n’avait que treize ans, lui succéda.


KIEN VEN TI. Second empereur.
A régné quatre ans.


Tout jeune qu’était le nouvel empereur, il commença son règne par une action de clémence, qui lui attira la bénédiction de ses sujets. Il remit la troisième partie des impôts qu’on levait sur le peuple, et il donna d’autres marques de la bonté de son naturel, et de sa compassion pour les malheureux, qui promettaient un règne des plus fortunés. Mais il fut troublé dès les commencements par les prétentions ambitieuses des oncles de ce prince, qui étaient les propres fils du défunt empereur.

Ils ne purent souffrir qu’on eût jeté les yeux sur un enfant préférablement à tant de princes d’un âge mûr, et capables de gouverner par eux-mêmes l’empire. Ils attribuèrent ce choix, qu’avait fait leur père, aux menées secrètes des colao, dont ils avaient découvert en partie les intrigues.

Celui qui parut le plus irrité, fut le quatrième fils de Tai tsou, qui était roi de Peking : il prit les armes pour venger, disait-il, cette injustice, et en punir les auteurs. La cour fit partir une grosse armée, pour s’opposer à ses projets. Il se livra un long et rude combat, où il y eut beaucoup de sang chinois répandu : on offrit la paix ; mais Yong lo (c’est ainsi que s’appelait le roi de Peking) rejeta toute proposition, jusqu’à ce qu’on lui eût livré les ministres de l’empereur, et sur le refus qu’on en fit, il poursuivit sa marche, et arriva avec son armée près de la ville impériale.

Un traître nommé Li king long lui en ouvrit les portes. Il se fit dans la ville un grand carnage, et le palais de l’empereur fut mis en cendres. On apporta au vainqueur le corps du jeune empereur à demi brûlé : il ne put refuser des larmes à ce spectacle, et il lui fit faire des obsèques convenables à sa dignité.

Ce fut principalement sur les ministres que tomba toute la colère du vainqueur : il en fit expirer un grand nombre dans les tourments : plusieurs prévinrent par une mort volontaire les supplices auxquels ils étaient destinés. D’autres se firent raser la tête, et échappèrent à sa fureur sous des habits de bonzes.

Ainsi périt cet empereur à l’âge de dix-sept ans, la quatrième année de son règne, et la vingtième du cycle. Yong lo, qui prit le nom de Tching tsou, s’empara du trône de son neveu.


TCHING TSOU ou YONG LO. Troisième empereur.
A régné vingt-trois ans.


Ce prince eut de la grandeur d’âme, et une sagesse peu ordinaire, mais il se rendit d’abord redoutable par les cruels exemples qu’il donna de sa sévérité. Il établit ses frères dans leurs dignités, et les maintint dans la possession de leurs revenus. Il récompensa avec la même libéralité tous ceux qui l’avaient aidé à monter sur le trône, à la réserve du traître Li king long.

Ce malheureux commit un nouveau crime, et ayant été condamné à la mort, il eut l’insolence de reprocher à Tching tsou, qu’il récompensait bien mal un homme à qui il était redevable de sa couronne : « Règneriez-vous, lui dit-il, si je ne vous avais pas ouvert les portes de la ville ? » « Traître, lui répondit l’empereur, c’est à ma bonne fortune, et non pas à ta perfidie, que je dois ma couronne. Tout autre que moi, s’il se fût présenté avec les mêmes forces, ne lui aurais-tu pas ouvert les portes ? »

Un grand nombre de jeunes gens s’étant consacrés à la secte des bonzes avant l’âge de quarante ans, contre la loi qu’avait porté son père, il les fit tous sortir de leurs monastères. Il fit aussi brûler tous les livres de chimie qui traitaient du prétendu secret de se rendre immortel.

L’année septième de son règne il quitta la ville de Nan king où était sa cour et la transporta à Peking ; il laissa son fils héritier à Nan king avec un nombre de tribunaux et de mandarins pareils à ceux qui étaient établis à Peking.

Un jour on vint lui offrir des pierres précieuses trouvées dans une mine qui avait été découverte dans la province de Chan si : il la fit fermer aussitôt, ne voulant point disait-il, fatiguer son peuple d’un vain travail, d’autant plus que ces pierres, toutes précieuses qu’elles paraissaient, ne pouvaient, ni nourrir, ni vêtir son peuple dans un temps de stérilité. Il fit fondre cinq cloches d’airain qui pesaient chacune 120 mille livres.

L’année treizième du cycle il chargea quarante-deux docteurs de la cour nommés Han lin, de donner des explications plus amples aux anciens livres classiques, et de s’attacher aux idées des deux auteurs nommés Tching tse et Tchu tse, qui les avaient interprétés à leur manière, environ trois cents ans auparavant sous la dynastie des Song.

Ces docteurs firent un autre ouvrage intitulé Sing li ta tsuen, c’est-à-dire, la philosophie naturelle, où paraissant ne point s’écarter de l’ancienne doctrine, ils tâchaient de l’accommoder aux inventions d’un vain système, qui la renversait totalement.

Comme cet ouvrage fut imprimé par autorité de l’empereur, que les auteurs tenaient un rang distingué dans l’État, et qu’il y a des esprits avides de tout ce qui a l’air de nouveauté, il n’est pas surprenant que quelques lettrés aient embrassé une doctrine aussi peu sensée dans ses principes, qu’elle est dangereuse pour les mœurs.

Yong lo, ou Tching tsou, mourut la quarante-unième année du cycle, âgé de soixante-trois ans. Son fils Gin tsong lui succéda.


GIN TSONG. Quatrième empereur.
N’a régné que quelques mois.


Il signala son avènement à la couronne par un trait admirable de sa tendre affection pour ses sujets. La famine étant devenue générale dans la province de Chan tong, il résolut d’y envoyer le colao Yang tse kié ; mais le colao ayant représenté qu’il serait bon de consulter les tribunaux sur les moyens d’assister un si grand peuple : « Point tant de délibérations, répondit l’empereur, quand mon peuple souffre, il faut voler à son secours avec autant de célérité et de promptitude, que s’il s’agissait d’éteindre un incendie ou d’arrêter une inondation subite. »

Quelques-autres lui ayant remontré, qu’il fallait faire le discernement de ceux qui avaient plus ou moins besoin de secours : « A la bonne heure, répliqua le prince, mais qu’on se garde bien d’entrer dans un trop grand détail, et qu’on ne craigne point d’aller au-delà de mes intentions par trop de libéralité. »

Il donnait beaucoup dans l’astrologie judiciaire. Un jour après avoir passé la nuit à observer les astres, ayant aperçu quelque changement dans les étoiles, il fit appeler deux de ses colao : « C’en est fait de ma vie, leur dit-il, vous avez été témoins de tout ce que j’ai eu à souffrir de la part de mes ennemis pendant vingt ans que j’ai demeuré dans le palais oriental : c’est vous qui m’avez soutenu par votre fidélité et par votre union ; recevez ce gage de mon amitié : » En disant ces paroles, il leur donna à chacun un sceau, où il avait fait graver ces deux caractères : Tchong Tching, c’est-à-dire, ministre fidèle et intègre. Ils reçurent, les larmes aux yeux, cette marque de distinction ; et c’est de ce sceau qu’ils cachetèrent dans la suite toutes leurs dépêches.

Depuis ce temps-là l’empereur ne fit que languir. On dépêcha un courrier à son fils, qui tenait sa cour à Nan king : il partit en poste, mais il n’eut pas la consolation d’entendre les dernières paroles de son père : il le trouva mort.

Ce prince qui était âgé de quarante-huit ans, mourut la quarante-deuxième année de ce cycle, et cette année fut attribuée au règne de son fils Suen tsong, contre la coutume de la Chine, qui veut que l’année où meurt l’empereur, soit comptée parmi les années de son règne.


SUEN TSONG. Cinquième empereur.
A régné dix ans.


Il porta un édit dès le commencement de son règne, qui défendait de conférer le degré de licencié à tout lettré, qui n’aurait pas atteint l’âge de vingt-cinq ans. Peu après son oncle s’étant révolté, et ayant été fait prisonnier dans un combat, il le condamna à une prison perpétuelle. Les Tartares furent aussi punis d’une irruption qu’ils avaient faite sur les terres de l’empire ; Suen tsong se mit à la tête de son armée, leur livra bataille, et les défit entièrement.

Le roi de la Cochinchine qui avait été nommé à cette dignité par l’empereur, fut tué trois ans après par une troupe de rebelles. Ils envoyèrent aussitôt des ambassadeurs à la cour de l’empereur, pour implorer sa clémence, et lui demander pardon.

L’empereur était assez disposé à venger cet attentat : mais parce qu’il fallait envoyer une armée dans un pays assez éloigné, ce qui ne pouvait se faire, sans qu’il en coûtât beaucoup à ses sujets, il changea de résolution, et renvoya même les ambassadeurs avec des titres honorables.

Environ ce temps-là le feu prit au palais, et y dura quelques jours. Une quantité prodigieuse de cuivre, d’or, et d’étain y fut fondue, et il s’en forma une masse, dont on fit un grand nombre de vases, qui sont aujourd’hui fort estimés à la Chine, et d’un très grand prix.

L’année cinquante-deuxième du cycle, Suen tsong mourut âgé de trente-huit ans. Il eut pour successeur son fils aîné nommé Yng tsong.


YNG TSONG. Sixième empereur.
A régné quatorze ans.


Comme ce prince n’avait que neuf ans, il fut mis sous la tutelle de l’impératrice et du principal eunuque. Il commença par faire rebâtir les neuf portes de la ville impériale, et la troisième année de son règne il fit un édit, par lequel il défendait de rendre aucun honneur à Confucius dans les temples des idoles. Cependant les Tartares profitant de la jeunesse du nouvel empereur, firent de continuelles excursions dans les provinces de la Chine voisines de leur pays, et y exercèrent toutes sortes de brigandages.


Cycle LXIV. Année de J. C. 1444.

La sixième année de ce cycle, et la quatorzième de son règne l’empereur, tout jeune qu’il était, se mit à la tête d’une grosse armée, et marcha contre les Tartares au-delà de la grande Muraille. Mais cette armée s’étant fort affaiblie par la disette des vivres, ne put soutenir le choc de l’ennemi, et fut entièrement défaite. L’empereur fut fait prisonnier, et conduit dans le fond de la Tartarie.

Cette nouvelle consterna toute la cour. On mit sur le trône son fils, qui n’avait que deux ans, et on donna à cet enfant pour tuteur King ti, frère aîné du prisonnier, lequel usurpa bientôt, et le titre, et l’autorité d’empereur.

Cependant l’impératrice envoya quantité d’or, d’argent, et de soieries pour la rançon de l’empereur : le roi tartare reçut ce qu’on lui présenta, et fit conduire son prisonnier jusqu’aux confins de la Chine, comme s’il eût consenti à le rendre. Mais après quelques jours il trouva que cette rançon n’était pas proportionnée à la dignité d’un si grand prince, et il le ramena dans la Tartarie.


KING TI. Septième empereur.
Règne sept ans à la place de son frère.


L’année septième du cycle King ti occupa le trône de son frère, qui était prisonnier en Tartarie. On était pourtant convenu avec le Tartare du retour de ce prince, et on envoya des Grands pour le recevoir : mais le Tartare trouva qu’ils n’étaient pas d’un rang assez distingué pour accompagner un si puissant empereur, et que tout ce qu’il y avait de plus grand dans l’empire devait venir à sa rencontre.

Il fut conduit avec une nombreuse escorte jusque sur les frontières de la Chine, près de la montagne de Tang kia lin, et c’est de là que ce prince écrivit à sa cour qu’il renonçait à l’empire, pour vivre désormais en repos dans la solitude, et qu’ainsi l’on ne fît aucun préparatif pour sa réception : afin même d’éviter tout cortège, il entra dans la ville par une autre porte, que par celle où naturellement il devait passer.

Les deux frères se rencontrèrent, et après s’être embrassés tendrement et avec larmes, King ti suivi de tous ses courtisans, mena son frère dans le palais du midi, qu’il avait choisi pour le lieu de sa retraite.

King ti continua donc de régner : il songeait même à déclarer son fils héritier de l’empire, il avait fixé le jour de la naissance de ce jeune prince pour cette cérémonie. S’entretenant un jour avec un de ses colao : « La naissance du prince héritier, lui dit-il, arrive le second jour de la septième lune. » « Permettez-moi de vous dire, répondit le colao, que c’est le premier jour de la onzième lune ; » il désignait par-là le jour de la naissance du fils de Yng tsong qui était l’empereur légitime.

Ces paroles fermèrent la bouche à King ti, et il ne fut plus question de déclarer son fils héritier. Mais ce fils ne vécut qu’un an, et King ti lui même fut attaqué d’une maladie mortelle. On alla aussitôt chercher Yng tsong au palais du midi, et on le fit remonter sur son trône avant la mort de King ti qui n’arriva qu’un an après.


YNG TSONG. Septième empereur.
Remonte sur le trône, et règne de nouveau huit ans.


Dès que ce prince eut expiré, on présenta une requête à l’empereur, pour lui persuader de flétrir sa mémoire, et de biffer son nom de tous les actes publics, pour le punir d’avoir usurpé la couronne. L’empereur rejeta cette proposition, et il se contenta de ne lui faire rendre à ses obsèques, que les honneurs dûs à un prince du sang, qui est frère de l’empereur.

Yng tsong mourut âgé de trente-un ans la vingt-unième année du cycle. Il eut pour successeur son fils aîné nommé Hien tsong.


HIEN TSONG. Huitième empereur.
A régné vingt-trois ans.


Ce prince, qui était né de la seconde reine, dut sa couronne à la stérilité de l’impératrice. Tout ce qu’on dit de lui, c’est qu’il était fort attaché à la secte des bonzes ; que l’année vingt-troisième du cycle il défit une armée de séditieux dans la province de Hou quang ; que la trente-sixième il tailla en pièces l’armée des Tartares, qui de temps en temps venaient piller des provinces de la Chine ; et que l’année suivante le roi de Corée ayant proposé une voie plus courte et plus facile de rendre son hommage, que par celle d’une ambassade, il n’y voulut jamais donner son consentement.

Il mourut âgé de quarante-un ans, la quarante-quatrième année du cycle. Son fils aîné Hiao tsong, qui s’appelait Hong tchi, fut son successeur.


HIAO TSONG ou HONG TCHI. Neuvième empereur.
A régné dix-huit ans.


Dès la cinquième année de son règne, il déclara solennellement le prince qu’il avait choisi pour héritier de sa couronne. On blâme ce prince de son attachement pour les ridicules superstitions des bonzes, de son entêtement pour la chimie, et de son inclination pour les flatteurs.

La cinquante-deuxième année du cycle on amena à la cour le plus considérable des bonzes, qui s’était mis à la tête d’une troupe de séditieux, et qui fut fait prisonnier dans un combat. Tout bonze qu’il était, il eut la tête tranchée.

La Chine fut affligée sous ce règne de bien des calamités. La famine fut si grande dans les provinces d’occident, qu’on vit des pères manger leurs propres enfants. La peste, qui est un mal presque inconnu à la Chine, ravagea les provinces du midi vers l’Orient, et il y eut des tremblements de terre si affreux, que plusieurs milliers d’habitants y furent engloutis.


Cycle LXV. Année de J. C. 1504.

La première année de ce cycle fut remarquable par le regret que causa la mort de l’impératrice, et par les irruptions que firent les Tartares sur les terres de l’empire, et le grand butin qu’ils en remportèrent ; l’année suivante le fut encore davantage par la perte qu’on fit de l’empereur même. Il eut pour successeur son fils nommé Vou tsong.


VOU TSONG. Dixième empereur.
A régné seize ans.


Les commencements de ce règne furent malheureux par les nouvelles calamités qui le désolèrent. Le colao nommé Tao prit de là occasion de présenter un mémorial à l’empereur, par lequel il l’avertissait de s’appliquer sérieusement au gouvernement de son État, de réprimer ses saillies de colère, de modérer sa passion pour la chasse, de chasser de sa cour les flatteurs, et une jeunesse débauchée qui y dominait, et de faire venir à leur place des gens sages, et zélés pour le bien public ; que c’était là le moyen d’apaiser la colère du Ciel, et de mériter le retour de sa protection.

L’année sixième du cycle les Tartares se mirent encore à ravager les terres de l’empire, et l’année suivante un petit souverain prince du sang royal s’étant révolté, fut fait prisonnier dans un combat, et puni de mort.

Cependant la famine qui désolait les provinces de Chan tong et de Ho nan, et les impôts dont les peuples étaient surchargés, les réduisirent à un tel excès de misère, que de désespoir ils prirent les armes, et formèrent divers corps d’armée qui avancèrent jusque dans le territoire de Peking. On les appelait Lieou tse, parce que semblables à un torrent impétueux, ils se répandaient tout à coup dans les provinces, où ils portaient la désolation. On envoya contre eux des armées qui ne firent qu’arrêter leurs efforts, et assoupir pour un temps leur rébellion, car on les vit reparaître à la première conjoncture favorable.

L’année quinzième du cycle Vou tsong forma le dessein d’aller combattre les Tartares, mais sans se faire connaître, et ne prenant d’autre qualité que celle de généralissime des troupes ; les ministres lui représentèrent vivement que ce déguisement ne pourrait se faire sans un grand risque pour sa personne, et sans donner lieu à des révoltes.

Cette résistance mit le prince en si grande fureur, qu’il tira son sabre pour frapper ceux qui s’opposaient à sa résolution. A l’instant un de ses colao lui présenta sa tête. Cette fermeté apaisa la colère de l’empereur, et il changea de dessein.

L’année suivante, comme il se disposait à se retirer dans les provinces du midi, c’est-à-dire, dans celle de Kiang nan ou de Tche kiang, ses colao lui firent de nouvelles remontrances par des mémoriaux qu’ils lui présentèrent, où ils marquaient que les Tartares ne manqueraient pas de regarder ce voyage comme une fuite honteuse, qu’ils en deviendraient plus fiers et plus insolents, et que son absence leur ouvrirait la porte des provinces septentrionales.

De si sages conseils ne firent que l’irriter, et pour les punir de leur témérité, il les laissa cinq jours entiers exposés à l’air à genoux devant la porte de son palais : il en fit même emprisonner quelques-uns.

Une inondation subite qui arriva alors, et qui lui parut de mauvais augure, le radoucit entièrement ; il renvoya ses ministres dans leurs maisons, et il quitta toute pensée d’aller dans les provinces du midi.

Ce prince se trouvant fort mal l’année dix-huitième du cycle, fit venir les Grands de sa cour, et en leur présence il déclara qu’il chargeait l’impératrice de la tutelle de son second fils, lequel n’avait que treize ans, et qu’il avait nommé son successeur à l’empire. Il mourut à l’âge de trente-un ans.


CHI TSONG ou KIA TSING. Onzième empereur.
A régné quarante-cinq ans.


La conduite de ce prince, dès le commencement de son règne, donna des idées favorables de la sagesse de son gouvernement ; mais la fin ne répondit pas à de si beaux commencements. Il examinait de temps en temps lui-même les requêtes qui lui étaient présentées. Dans un temps de stérilité, il voulut qu’on l’avertît des fautes auxquelles il était sujet, et il fit tirer du trésor impérial des sommes considérables pour le soulagement de ses peuples. Il fit réparer la grande Muraille qui sépare la Chine de la Tartarie. Il renouvela la loi, par laquelle le fondateur de cette dynastie ordonnait de ne donner à Confucius que le titre de Sien sseë, c’est-à-dire, de maître de l’empire.

Deux jeunes filles qui s’étaient aperçues que l’indigence portait leur père à les vendre et à les prostituer, évitèrent ce déshonneur en se précipitant dans le fleuve. Chi tsong leur fit élever un beau mausolée, avec cette inscription : Les deux illustres Vierges.

Ce qu’on blâme en ce prince, c’est sa passion pour la poésie, et la crédulité avec laquelle il adopta les rêveries superstitieuses des bonzes, et fit chercher dans toutes les provinces le breuvage d’immortalité que promettait la secte de Tao.

L’année dix-huitième de son règne il eut la pensée d’abdiquer la couronne, et de la remettre à son fils. Mais il en fut détourné par les Grands de sa cour, qui, dans différents mémoriaux le pressèrent, quoiqu’inutilement, d’exterminer les sectes de Fo et de Lao kiun.

L’année quarante-septième du cycle les Tartares s’approchèrent de Peking avec une armée de soixante mille hommes ; mais elle fut taillée en pièces par l’armée chinoise, et plus de deux cents de leurs officiers furent faits prisonniers.

L’année suivante le roi Tartare envoya un ambassadeur à la cour, pour demander pardon à l’empereur, et pour le supplier de permettre à ses sujets l’entrée dans ses États pour y vendre des chevaux. L’empereur y consentit d’abord : mais ayant éprouvé dans la suite que cette permission accordée aux Tartares, était une semence continuelle de querelles entre les mandarins et les marchands, et que souvent elle causait des révoltes, il défendit absolument ce commerce.

Ce fut l’année quarante-neuvième de ce cycle, la trente-unième du règne de Chi tsong, et la quinze cent cinquante-deuxième de l’ère chrétienne, que saint François Xavier, apôtre de l’orient, mourut le second de décembre dans l’île de Chang tchuen chan, ou comme on l’appelle communément de Sancian, dépendante de la province de Quang tong, à l’âge de quarante-six ans.

L’année cinquantième, des pirates sous la conduite d’un chef nommé Hoang tche, infestèrent les côtes de la Chine avec une flotte de cent barques et sommes chinoises.

La cinquante-deuxième année les Japonais, qui venaient auparavant en qualité de vassaux de l’empire apporter leurs présents, commencèrent à secouer ce joug, et à faire une guerre ouverte aux Chinois. Ils firent une descente au nombre de quatre mille sur les côtes de la province de Tche kiang ; mais ils y furent mal reçus : on leur tua plus de dix-huit cents hommes, et les autres qui prirent la fuite pour aller gagner leurs vaisseaux, périrent dans la mer. L’année suivante ils revinrent au nombre de dix mille. Kao ling capitaine chinois, à la tête seulement de neuf cents hommes, les repoussa vivement avec perte, et donna le temps aux troupes de venir à son secours. Les Japonais furent investis des troupes chinoises, et aucun d’eux ne put échapper pour aller porter la nouvelle de leur défaite.

Ces pertes ne ralentirent pas l’ardeur japonaise. Quelques années après, de nouvelles troupes firent une troisième descente sur les côtes de la province de Fo kien ; mais ce fut avec aussi peu de succès. Le chef qui commandait les Chinois, nommé Tsié, vint fondre sur les Japonais lorsqu’ils s’y attendaient le moins, et en fit un grand carnage.

En même temps Lieou han général de l’armée chinoise, passa la grande Muraille, et entra sur les terres de Tartarie. Au bruit de son arrivée les Tartares prirent la fuite, et allèrent se cacher dans leurs forêts. Il n’y eut que vingt huit Tartares de tués dans cette expédition, et le général chinois n’amena pour tout butin que cent soixante-dix chameaux.


Cycle LXVI. Année de J. C. 1564.

L’année troisième de ce cycle on mit entre les mains de l’empereur un mémorial, par lequel on l’avertissait de veiller avec plus d’attention à sa conduite, et aux besoins de l’empire. On lui représentait que depuis plus de vingt ans les lois perdaient insensiblement leur vigueur, et que l’empire penchait vers sa ruine ; qu’il n’entretenait que rarement le prince héritier ; que ses vassaux les plus fidèles et les plus intègres, étaient ou méprisés, ou maltraités sans sujet, et sur de très légers soupçons ; qu’il passait sa vie dans les délices et dans l’oisiveté, avec une troupe de concubines, au mépris de l’impératrice sa légitime épouse ; qu’il mettait à la tête des armées des hommes peu versés dans le métier de la guerre, et plus avides d’or et d’argent, que d’honneur et de gloire ; que les finances s’épuisaient tous les jours par les folles dépenses qu’il faisait, soit à bâtir des palais et des jardins, soit à fournir aux frais des extravagantes cérémonies des bonzes, et à la recherche du breuvage de l’immortalité, que ces imposteurs publiaient être descendu du Ciel ; comme si, depuis cet heureux temps des empereurs Yao et Chun, il y ait eu personne qui se soit excepté de la fatale nécessité de mourir.

L’empereur ne put retenir sa colère en lisant ce mémorial, et il le jeta par terre. Peu après il le ramassa, et donna des marques d’un vrai repentir. Mais il n’eut pas le temps d’en profiter : peu de jours après la lecture de ce mémorial, il tomba malade, et à peine eut-il pris le prétendu breuvage d’immortalité, qu’il rendit le dernier soupir à l’âge de cinquante-huit ans. Son fils nommé Mo tsong lui succéda.


MO TSONG. Douzième empereur.
A régné six ans.


Il commença son règne par une action de clémence : il fit sortir des prisons ceux que son père y avait fait trop légèrement enfermer ; et à d’autres qu’il avait fait mourir, il conféra des titres d’honneur pour la consolation de leurs familles. Du reste, il ne pouvait souffrir que ses ministres lui donnassent des avis, et quelques-uns d’eux ayant pris cette liberté, furent abaissés à un rang inférieur.

Comme il est défendu par les lois de la Chine de posséder aucune magistrature dans la province où l’on est né, l’empereur modifia cette loi, et à la requête d’un colao, il permit aux mandarins de moindre considération, tels que sont les officiers qui ont inspection sur les lettrés et sur ceux qui lèvent le tribut, d’exercer ces emplois dans leur terre natale.

L’année neuvième du cycle ce prince tomba malade ; il déclara héritier son fils qui n’avait que dix ans, et le mit sous la tutelle de l’impératrice, et d’un colao nommé Tchang kiu tching. Ce jeune prince s’appelait Van lie, et sur le trône il s’appela Chin tsong.


CHIN TSONG II ou VAN LIE. Treizième empereur.
A régné quarante-huit ans.


Quoique ce prince n’eût que dix ans, il fit paraître dans toutes ses actions une prudence de conduite fort au-dessus de son âge. Il avait pour Tchang kiu tching son tuteur et son maître, une attention si respectueuse, que toutes les fois qu’il venait donner sa leçon, si c’était en été, il chargeait un domestique de le rafraîchir avec un éventail, et si c’était en hiver, il faisait étendre un double tapis sur le carreau. Il l’allait visiter quand il était malade, et lui présentait des médecines ou des bouillons de sa propre main.

Ce colao avait un fils, qui dans l’examen pour le doctorat, avait obtenu le premier rang du second ordre ; l’empereur en considération de son maître, l’éleva au second rang du premier ordre.

Ce beau naturel était soutenu d’un grand fonds de droiture et d’équité ; il avait d’ailleurs l’esprit vif et pénétrant, et une sorte d’inclination pour se rendre habile dans les sciences chinoises. Il régla que désormais ce serait aux frais de l’empereur que les licenciés se rendraient des quinze provinces à la ville impériale, pour y subir l’examen où l’on confère le degré de docteur : il assistait lui-même à cet examen.

Tous les jours, dès quatre heures du matin, il examinait et répondait les requêtes qu’on lui avait présentées la veille. Il ordonna pour la commodité du public, que tous les trois mois on imprimerait dans un livre le nom, le degré, et la patrie de chaque mandarin de l’empire ; et c’est ce qui s’observe encore aujourd’hui.

L’année onzième du cycle, les Tartares qui avaient fait une irruption dans le Leao tong, furent défaits à plate couture. L’empereur à la prière de sa mère, qui était fort affectionnée aux idoles, avait dessein d’accorder une amnistie générale dans tout l’empire ; mais son colao l’en détourna, en lui représentant que l’espérance de l’impunité ouvrirait la porte à toutes sortes de crimes, et qu’il devait imiter la conduite du seigneur du Ciel, qui tôt ou tard ne manque jamais de punir les scélérats.

On maria l’empereur l’année seizième du cycle, et aussitôt après son mariage, il créa sa femme impératrice.

L’année dix-huitième du cycle, qui était l’année mil cinq cent quatre-vingt-unième de l’ère chrétienne, mérite qu’on s’en souvienne, parce que c’est l’année où le père Michel Roger entra à la Chine. C’est le premier missionnaire de la compagnie de Jésus qui soit venu y prêcher l’Évangile.

L’année dix-neuvième il y eut une si grande stérilité dans la province de Chan si, qu’on ne peut compter le nombre de ceux qui y moururent de faim. On fit creuser en divers endroits environ soixante grandes fosses, qui contenaient chacune un millier de cadavres, et c’est pourquoi on les appelait Van gin keng.

Une femme voyant jeter dans une de ces fosses son mari, qui était mort de faim, s’y jeta aussi toute vivante. On l’en retira par ordre du mandarin ; mais inutilement, car ne pouvant survivre à la perte qu’elle venait de faire, elle mourut trois jours après.

La même année fut remarquable par deux évènements considérables : l’un fut la défaite des Tartares, dont dix mille furent tués par le général chinois nommé Li tchin ; et l’autre fut la perte que fit l’empereur de Tchang kiu tching, son colao et son maître. Il l’honora après sa mort du titre de Ven tchong, c’est-à-dire, homme distingué par sa science et par sa fidélité ; et il fit transporter son corps avec pompe dans la province de Hou quang, où était le lieu de sa sépulture.

Mais ces honneurs ne furent guère durables ; à peine vit-on écouler deux ans, que ses ennemis ayant fait valoir des accusations graves contre sa conduite, il fut dégradé de ses titres lui et sa postérité, et ses biens furent confisqués. Son fils, soit de chagrin, soit de crainte des supplices qu’on lui préparait, se donna la mort.

La vingtième année les rivières qui furent glacées, facilitèrent aux Tartares leurs excursions sur les terres de l’empire ; mais quoiqu’ils vinssent en grand nombre, les troupes chinoises les taillèrent en pièces. Ce fut la même année, c’est-à-dire, la 1583e de l’ère chrétienne que le père Mathieu Ricci entra à la Chine, où pendant vingt-sept ans qu’il y a demeuré, il s’est consumé de travaux et de fatigues. On le regarde, avec raison, comme le fondateur de cette belle mission.

La vingt-deuxième année fut funeste à l’empire par une grande stérilité. L’empereur donna plus que jamais des preuves de son affection pour ses sujets. Il implora souvent le secours du Ciel. Il remit une grande partie des impôts, et il envoya dans toutes les provinces des mandarins pour examiner la conduite des gouverneurs, et soulager la misère des peuples.


Il parut vers l’orient une comète l’année vingt-neuvième du cycle. À cette occasion un des colao, nommé Fong ngen, présenta une requête à l’empereur, et dit que la figure de cette comète l’avertissait qu’il eût à chasser de son palais quelques ministres, qui se laissaient corrompre par les présents, et qui ne se maintenaient dans leurs emplois que par de basses flatteries. Ses avis choquèrent l’empereur qui le fit mettre en prison, et le condamna à la mort. Mais son fils étant venu offrir sa vie pour sauver celle de son père, l’empereur fut touché et commua la peine de mort en un simple exil.

La trentième année du cycle la famine réduisit les habitants de la province de Ho nan à une telle extrémité, qu’on y vivait de chair humaine. Le trésor impérial fut aussitôt ouvert par ordre de l’empereur, pour apporter un prompt secours à cette malheureuse province.

Ce fut la même année que les Japonais entrèrent les armes à la main dans le royaume de Corée, où ils mirent tout à feu et à seng, et où ils s’emparèrent de plusieurs villes. Le roi fut contraint de prendre la fuite, jusqu’à ce qu’il eut reçu de l’empereur de Chine le secours qu’il avait fait demander par les ambassadeurs. Ce secours vint à propos, et il y eut un combat sanglant et opiniâtre, où les Japonais furent entièrement défaits.

Ceux-ci après leur défaite, implorèrent la clémence de l’empereur par une ambassade solennelle, où après avoir demandé pardon de leur faute, ils le suppliaient de vouloir bien honorer leur chef d’un titre qui autorisât ses prétentions. L’année suivante l’empereur lui accorda le titre de Ge puen vang, c’est-à-dire, de roi du Japon, avec défense d’envoyer désormais aucun ambassadeur à la Chine.

L’année trente-troisième l’empereur ordonna, contre l’avis de ses ministres, qu’on ouvrît des mines d’or et d’argent dans les provinces de Ho nan, de Chen si, et de Chan si ; mais six ans après il les fît fermer.

Ce fut l’année suivante et la 1597e de l’ère chrétienne qu’arriva la glorieuse mort des premiers martyrs du Japon, qui y furent crucifiés en haine de la foi. Quatre ans après le père Matthieu Ricci fut introduit pour la première fois dans le palais de l’empereur, qui lui témoigna beaucoup d’estime et de considération. Ce prince agréa tous ses présents, parmi lesquels il y avait un tableau du Sauveur, et un autre de la très sainte Vierge, qu’il fit placer dans un lieu honorable.

Cependant les Tartares Niu che, ou orientaux, commençaient à se faire redouter. Ils étaient partagés en sept ordres, ou dynasties différentes, qui après s’être fait longtemps la guerre les uns aux autres, furent enfin réunis sous l’obéissance d’un seul prince, qui se forma un royaume.

Pour ce qui est des Tartares Tan yu, ou occidentaux, ils demeuraient tranquilles dans leurs terres, et avaient cessé d’inquiéter les Chinois, comme ils faisaient auparavant, par des irruptions fréquentes et imprévues.

La quarante-septième année du cycle, c’est-à-dire, en l’année 1610, le père Matthieu Ricci mourut en odeur de sainteté à l’âge de cinquante-huit ans, après avoir établi plusieurs chrétientés ferventes dans les diverses provinces de la Chine, soit par lui même, soit par le secours des compagnons de son zèle.

L’empereur accorda pour sa sépulture un vaste emplacement hors de la ville, où il y avait un bâtiment et un jardin, qui avaient appartenu autrefois à un eunuque au temps de sa faveur, et qui lui furent ôtés depuis sa disgrâce.

L’année cinquante-deuxième un mandarin nommé Chin ki, par un faux zèle pour sa secte, suscita une persécution cruelle dans la province de Kiang nan. Les prédicateurs de l’Évangile furent les uns bâtonnés, les autres transportés à Macao ou dispersés de côté et d’autre, et obligés de se cacher. Mais cette persécution ne dura que six ans. Le persécuteur mourut dépouillé de ses dignités, et la religion n’en devint que plus florissante.

L’année cinquante-troisième les Tartares, que leurs forces réunies sous un seul chef, rendaient plus capables d’entreprises, ne songèrent plus à faire d’irruptions passagères sur les terres de l’empire, mais à s’emparer des villes qui pouvaient être à leur bienséance. Ils étaient irrités contre les Chinois, de ce que les mandarins traitaient indignement leurs marchands qui allaient commercer dans le Leao tong et de ce que par trahison ils s’étaient saisis de leur roi, et lui avaient fait trancher le tête.

Le fils de ce prince nommé Tien ming entra avec une forte armée dans le Leao tong, et prit la ville de Cai yuen. Il écrivit en même temps à l’empereur pour lui porter ses plaintes, en protestant qu’il était prêt de rendre la ville, et de mettre bas les armes, si Sa Majesté lui accordait une satisfaction convenable à une si cruelle injure.

L’empereur communiqua cette lettre aux mandarins que ces plaintes concernaient : ils n’en firent nul cas, et on ne daigna pas même faire de réponse. Ce mépris mit le Tartare en fureur, et il jura qu’il immolerait deux cent mille Chinois aux mânes de son père.

En effet à la tête de cinquante mille hommes il s’empara de la ville nommée Leao yang ; il entra en vainqueur dans la province de Pe tche li, il se préparait même a attaquer la ville impériale ; mais il fut repoussé par les troupes chinoises, et forcé de se retirer dans le Leao tong, où il prit hautement la qualité d’empereur de la Chine.

L’année cinquante-cinquième du cycle le roi tartare, sous prétexte d’une ambassade solennelle vers l’empereur, faisait défiler ses troupes sur les terres de l’empire. La ruse fut découverte, et l’armée chinoise alla à sa rencontre. Les Tartares prirent aussitôt la fuite, et ayant attiré les Chinois par cette feinte, ils les enveloppèrent, et en tuèrent un très grand nombre. Le général chinois fut trouvé parmi les morts.

L’année suivante l’empereur opposa aux Tartares une très nombreuse armée soutenue de douze mille hommes de troupes auxiliaires, que le roi de Corée lui avait envoyés. On livra le combat, et la victoire fut longtemps incertaine : mais enfin elle se déclara pour le Tartare qui s’approcha de la capitale.

La consternation y fut si grande, que l’empereur l’aurait abandonnée, et se serait retiré dans les provinces du midi, si son conseil ne lui eût représenté que cette retraite le déshonorerait, qu’elle ranimerait le courage des Tartares, qu’elle abattrait le cœur de ses sujets, et qu’elle causerait des troubles dans tout l’empire.

Ce prince mourut sur ces entrefaites âgé de cinquante-huit ans. Son fils nommé Quang tsong, qui s’appelait auparavant Tai tchang, fut son successeur.


QUANG TSONG II ou TAI TCHANG. Quatorzième empereur.
N’a régné qu’un mois.


Il n’y avait qu’un mois que ce prince était sur le trône, lorsqu’il mourut âgé de trente-huit ans. On attribue sa mort à l’ignorance et à la négligence de son médecin. Avant que de mourir, il déclara pour héritier son fils aîné Hi tsong, qui se nommait auparavant Tien ki.


HI TSONG ou TIEN KI. Quinzième empereur.
A régné sept ans.


La timidité naturelle de ce prince, et la trop grande confiance dont il honora les eunuques du palais, qui étaient au nombre de douze mille, firent craindre d’abord qu’il ne s’opposât pas assez vivement aux efforts des Tartares. Cependant il prit courage, et songea efficacement à contenir des voisins si redoutables.

Il grossit ses armées de quantité de nouvelles troupes, qu’il fit venir de toutes les provinces de l’empire. Il fit porter de magnifiques présents au roi de Corée, et lui demanda un secours de troupes encore plus considérable que celui qu’il avait envoyé à l’empereur son grand père : il arriva en même temps une amazone chinoise, car on peut appeler de ce nom une femme qui était à la tête de quelques mille hommes tirés du petit État, que son fils possédait dans les montagnes de la province de Se tchuen. Il fit équiper une flotte pour tenir la mer et avec tous ces préparatifs, il se mit en état de dompter l’orgueil des Tartares.

Ce fut alors que deux mandarins chrétiens de sa cour, lui conseillèrent de faire venir de Macao, des Portugais propres à servir l’artillerie, dont les Chinois avaient peu d’usage. Mais avant qu’ils arrivassent, les Tartares furent chassés de la province de Leao tong, et comme leur roi Tien ming était occupé en Tartarie dans une autre guerre, on eut d’autant moins de peine à recouvrer la capitale, dont ils s’étaient rendus maîtres, que tous les peuples de la ville et des environs détestaient sa cruauté.

Aussitôt que le roi tartare eut achevé son expédition en Tartarie, il rentra dans le Leao tong et en assiégea de nouveau la capitale. Les Chinois perdirent durant ce siège trente mille hommes, et les Tartares vingt mille. Enfin un traître leur livra la ville. Leur roi n’en fut pas plus tôt le maître, qu’il publia un édit, par lequel il était ordonné à tous les Chinois sous peine de la vie, de se raser la tête à la manière des Tartares. Il y en eut plusieurs mille qui aimèrent mieux perdre la tête et la vie que leurs cheveux.

Mao ven long un des plus habiles généraux chinois, fut envoyé contre les Tartares avec de nouvelles troupes. Il fortifia de telle sorte la citadelle de Chang hai qu’il en fit une place imprenable, et par cette précaution il ferma l’entrée de la Chine aux Tartares.

Cette même année, qui était la seconde du règne de Hi tsong, la ville de Macao, dont l’empereur avait récompensé le service important qu’avait rendu la nation portugaise, en purgeant les mers de la Chine des pirates qui les infestaient, eut à soutenir le siège que les Hollandais en firent par mer et par terre : mais les Portugais les mirent en fuite, et les forcèrent de rentrer au plus vite dans leurs vaisseaux avec une grande perte de leurs gens.


Cycle LXVII. Année de J. C. 1624.

La première année de ce cycle fut funeste à l’empire par les troubles qu’excitèrent de nouveau grand nombre de séditieux et de brigands, appelés Lieou tse. Ils se répandirent dans quatre provinces, où ils exerçaient leurs brigandages, et leur nombre s’augmentait chaque jour.

L’année deuxième fut célèbre par le monument de pierre qu’on tira de terre près de la capitale de la province de Chen si. On y lisait un abrégé de la loi chrétienne, les noms de soixante-dix prédicateurs de l’Évangile gravés en caractères syriaques. Ce fut un grand sujet de joie pour les néophytes, un témoignage irréfragable des vérités de la foi, que prêchaient les missionnaires de la compagnie de Jésus.

L’année quatrième l’empereur mourut âgé de trente-deux ans. Il eut pour successeur Hoai tsong, qu’on appelait Tsong tching, qui était son frère, et le cinquième fils de Quang tsong.

Tien ming roi des Tartares, qui s’était signalé par sa férocité, mourut la même année. Il eut pour successeur son fils nommé Tien tsong, qui était bien différent de son père ; car c’était un prince d’un caractère plein de douceur, de clémence, et de bonté.


HOAI TSONG ou TSONG TCHING. Seizième empereur.
A régné dix-sept ans.


C’est avec ce prince que va finir la domination chinoise, pour faire place à celle des Tartares, qui gouverne encore maintenant ce vaste empire avec une autorité absolue. Hoai tsong aimait fort les sciences, et écrivait les caractères avec une grande propreté.

Quoiqu’il eût pris des sentiments favorables pour la loi chrétienne, et qu’il la protégeât en diverses occasions, il continuait toujours d’être extrêmement attaché aux bonzes. Il réprima le luxe qui commençait à s’introduire, surtout dans les vêtements. Il était doux, chaste, et modéré, mais très lent à prendre ses résolutions, et d’un caractère défiant. Il ne se fiait pas même à ses plus fidèles ministres. Il défendit aux mandarins toute liaison avec les eunuques.

Ceux-ci ayant introduit des soldats dans le palais, l’empereur leur donna un mois de congé pour aller revoir leur patrie et leurs amis ; il leur fournit même de l’argent pour leur voyage, et ensuite il leur défendit de revenir. Il avait souvent conseillé à son frère de se défaire du chef de ses eunuques nommé Guei tsong, lequel dominait dans le palais avec une fierté et une insolence qui faisait tout craindre.

Ce scélérat ne vit pas plutôt Hoai tsong sur le trône, qu’il prit du poison, et prévint, par la mort qu’il se donna à lui-même, le supplice que méritaient ses crimes. Son cadavre fut mis en pièces par le peuple, on confisqua ses richesses, qui étaient immenses, et l’on rasa ou l’on brûla plusieurs temples que ses flatteurs avaient élevés en son honneur.

Les troupes impériales étant occupées du côté de la Tartarie, les séditieux se multipliaient dans les provinces, et l’on ne pouvait trop se hâter de les réprimer. C’est pourquoi l’empereur résolut de faire la paix avec les Tartares. Il mit à la tête d’une nouvelle armée un eunuque, nommé Yuen, qu’il envoya en Tartarie, avec plein pouvoir de traiter des conditions de la paix.

Cet eunuque était un fourbe et un traître, qui s’étant laissé gagner à force d’argent, conclut le traité aux conditions les plus honteuses. L’empereur refusa de le ratifier, et le traître, pour l’y forcer, prit les mesures suivantes.

Mao ven long, dont la fidélité était à toute épreuve, commandait l’année chinoise. Yuen l’invita à un grand festin, et l’empoisonna ; il conseilla ensuite aux Tartares d’aller droit à Peking par une route différente de celle qu’il occupait avec son armée, ce qu’ils exécutèrent sans obstacle, et ils assiégèrent la ville impériale.

On donna promptement ordre à Yuen de venir au secours de la ville avec ses troupes : il partit sans hésiter, et sans avoir le moindre soupçon que sa trahison pût être découverte. Mais dès qu’il fût entré dans la ville, on lui donna la question, et après avoir été convaincu de sa perfidie, il fut étranglé. Le Tartare ne fut pas plutôt informé de cette mort, qu’il leva le siège, et s’en retourna dans le Leao tong, chargé d’un riche butin.

L’année huitième du cycle, qui fut la 1631e de l’ère chrétienne, les révérends pères dominicains entrèrent à la Chine pour y prêcher l’Évangile : ils furent suivis peu après des révérends pères franciscains.

Deux ans ensuite mourut le célèbre docteur Paul Siu qui de premier président du tribunal des rits, était parvenu à la dignité de colao. Il fut dans ce haut rang un des plus fermes appuis du christianisme, et dans un temps de persécution il composa une belle apologie pour la défense de la religion, où il consentait de perdre ses dignités, ses biens, et sa vie même, si l’on pouvait rien trouver dans la doctrine de cette religion, qui ne fût très saint. Il proposa le père Adam Schall à l’empereur pour la réformation du calendrier.

Ce fut en ce même temps que du consentement de l’impératrice, des principales dames du palais furent instruites de la loi chrétienne, et reçurent le baptême.

L’année douzième du cycle arriva la mort du roi Tartare nommé Tien tsong : il eut pour successeur dans ses États son fils nommé Tsong té, père du fondateur de la dynastie suivante.

Tsong té était un prince plein de douceur et d’affabilité. Il avait été élevé en cachette dès son enfance parmi les Chinois ; et s’étant instruit de leur langue et de leurs sciences, il avait pris encore leur génie et toutes leurs manières. C’est ce qui lui avait attiré l’estime et l’amitié des généraux et des mandarins chinois, qui se détachaient insensiblement de l’empereur, dont les malheureux succès avaient gâté le naturel et qui était devenu sombre, inquiet, rêveur, et cruel.

Cette année, et toutes les suivantes, ce ne furent plus que guerres intestines, que meurtres, et que brigandages. Une multitude prodigieuse de séditieux et de mécontents formèrent jusqu’à huit corps d’armées : ils avaient chacun leur chef mais dans la suite ils furent réduits à deux seulement, qui eurent toute l’autorité sur les troupes, et qui s’appelaient, l’un Li, et l’autre Tchang.

Pour ne se point nuire l’un à l’autre, ils convinrent ensemble de partager entr’eux les provinces. Tchang prit pour lui les provinces occidentales de Se tchuen, et de Ho quang ; et Li, qui passa dans les septentrionales, s’empara d’une grande partie de la province de Chen si, et après être entré dans celle de Ho nan, il assiégea Cai fong, qui en est la capitale, mais il fut obligé de lever le siège avec perte. 

Six mois après il l’assiégea de nouveau, et la résistance des assiégés fut si opiniâtre, qu’ils se réduisirent à vivre de chair humaine, plutôt que de se rendre. Les troupes impériales eurent le temps de venir au secours de la place. Le général de l’armée chinoise crut qu’en rompant les digues du fleuve Jaune, il ferait périr infailliblement dans les eaux l’armée des rebelles ; mais ceux-ci trouvèrent un asile sur les montagnes et ce que le général chinois n’avait pas prévu, ce fut la ville même, qui étant beaucoup plus basse que le fleuve, fut entièrement submergée. Trois cent mille habitants y périrent.

Cependant Li se rendit tout à fait maître des provinces de Ho nan et de Chen si. Il en fit mourir tous les mandarins, et tira des sommes considérables de tous ceux qui avaient possédé des charges : il n’y eut que le peuple qu’il traita avec bonté, et pour le mettre dans ses intérêts, il le délivra de toutes sortes d’impôts.

Cette conduite attira à son parti un grand nombre de soldats de l’armée impériale et il se vit si puissant, qu’il ne fit plus difficulté de prendre le titre et le nom d’empereur. Il s’avança ensuite vers la ville impériale où il y avait soixante-dix mille hommes de garnison. Mais il était sûr de n’y trouver nulle résistance : il savait les divisions qui y régnaient entre les mandarins et les eunuques, et d’ailleurs un grand nombre de ses soldats déguisés avaient pénétré dans la ville, et s’étaient assurés d’un gros parti qui lui en ouvrirait les portes.

En effet, dès le troisième jour qu’il y fut arrivé, les portes s’ouvrirent, et il y entra comme en triomphe à la tête de trois cent mille hommes. L’empereur était alors enfermé dans son palais, tout occupé des ridicules superstitions des bonzes, et ne sachant pas même ce qui se passait au dehors. Il ne put l’ignorer longtemps. Dès qu’il s’aperçut qu’il était trahi, il voulut sortir de son palais avec six cens de ses gardes, mais il s’en vit abandonné.

Alors dépourvu de toute ressource, et préférant la mort à la honte de tomber vif entre les mains des rebelles, il se retira dans son jardin, et après avoir écrit ces paroles sur le bord de sa veste, Mes sujets m’ont lâchement abandonné, fais de moi ce qui te plaira, mais épargne mon peuple, il fit tomber à ses pieds sa fille d’un coup de sabre, et se pendit à un arbre à l’âge de trente-six ans. Le premier colao, les reines, et ses plus fidèles eunuques imitèrent cet exemple, et se donnèrent la mort. On chercha longtemps le cadavre de l’empereur, et après l’avoir trouvé, on l’apporta sous les yeux du tyran assis sur un trône, qui après l’avoir traité d’une manière indigne, fit trancher la tête à deux de ses enfants et à tous ses ministres. Son fils aîné évita la mort par la fuite.

Tout pliait sous la puissance de l’usurpateur. Il n’y avait que le prince Ou fan guey, qui commandait les troupes chinoises dans le Leao tong, dont il ne fut pas reconnu. Ce tyran part avec son armée, et après avoir assiégé la place où il commandait, pour le forcer à se rendre, il lui fait voir son père chargé de fers, en lui déclarant qu’il allait le faire égorger sur l’heure, s’il différait à se soumettre.

Ce grand homme voyant son père de dessus les murailles, se mit à genoux, et fondant en larmes, pria son père de lui pardonner, s’il sacrifiait sa tendresse naturelle à son devoir envers son prince et envers sa patrie. Ce généreux père loua la résolution de son fils, et se livra à la mort.

Ou fan guey, pour venger doublement la mort de son roi et de son père, ménagea la paix avec les Tartares orientaux ou Mantcheoux, et les appela à son secours contre les rebelles. Tsong té roi de ces Tartares, lui amena promptement 80 mille hommes, et les deux armées étant réunies, l’usurpateur leva le siège, se rendit au plus vite à Peking, où ne se croyant pas en sûreté, il pilla le palais, y mit le feu, et s’enfuit avec son armée dans la province de Chen si, enrichi des dépouilles de l’empire, et chargé de la malédiction publique.

Tsong té eut à peine mis le pied sur les terres de la Chine qu’il mourut : avant sa mort il déclara empereur son jeune fils qui n’avait que six ans, nommé Chun tchi, et il confia à son frère A ma van le soin de ce prince et de l’empire.

Le jeune prince fut conduit droit à Peking, et reçu aux acclamations des peuples, qui le regardaient comme le libérateur de la patrie : on n’entendit de tous côtés que ces cris de joie : Vive l’empereur, qu’il vive dix mille ans : Van soui, Van soui, expression chinoise qui signifie : qu’il vive longues années. C’est avec ce prince que commença la dynastie Tsing. Cette révolution arriva la vingt-unième année du cycle, qui est l’année 1644e depuis la naissance de Jésus-Christ.