Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments/Pont (Petit)

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Pont (Petit).

Situé entre la rue de la Cité, les quais de Montebello et Saint-Michel.

Sous la domination romaine, un pont existait en cet endroit. On le nommait Petit-Pont, pour le distinguer du Grand-Pont (aujourd’hui le pont au Change). En 1185, il fut rebâti en pierre, par la libéralité de Maurice de Sully, évêque de Paris. Emporté par une inondation en 1196, on le rétablit en 1206. Il éprouva le même sort en 1280, 1296, 1325, 1376 et 1393. En 1395 on le reconstruisit avec l’argent de plusieurs juifs qu’on avait condamnés à l’amende. Le roi Charles VI en posa la première pierre au mois de juin. Il ne fut achevé qu’en 1406, à la Saint-Martin. Cet édifice ne dura qu’un an et fut emporté par les eaux pour la septième fois. La cour et la ville se cotisèrent alors pour le faire rétablir ; il fut terminé le 10 septembre 1409. Après ce nouveau rétablissement, Sauval se tait sur la durée de ce pont. Le père Dubreuil et une inscription qu’il rapporte, font connaître qu’en 1552 les maisons qui étaient sur cet édifice furent rebâties de la même symétrie. Les grands débordements du fleuve pendant les années 1649, 1651 et 1658, le ruinèrent presque entièrement. L’inscription qui devait perpétuer le souvenir de ce dernier sinistre marquait que l’édifice avait été réparé à grands frais, sous la prévôté de M. de Sève, en 1656. L’année 1718 lui fut plus funeste encore. Le pont et toutes les maisons qui le couvraient furent détruits par un incendie. Voici quelle en fut la cause : à sept heures un quart du soir, on vit descendre deux grands bateaux enflammés et chargés de foin. On coupa imprudemment les cordes au-dessous du pont de la Tournelle ; les deux brûlots, libres alors, se suivirent de près et s’arrêtèrent sous une arche du Petit-Pont ; malgré la promptitude dés secours, le feu se manifesta aussitôt dans la maison d’un marchand de tableaux, près du petit Châtelet ; l’incendie augmentant d’intensité, le pont et les maisons s’écroulèrent dans les flots. On n’a jamais pu connaître au juste la cause de ce sinistre. Quelques auteurs l’attribuent à l’imprudence d’un fumeur qui laissa tomber de sa pipe une étincelle qui embrasa tout-à-coup les deux bateaux. D’autres historiens, et en plus grand nombre, croient que cet accident arriva par la crédulité d’une mère dont l’enfant s’était noyé au-dessous du pont de la Tournelle ; la malheureuse pria, supplia Dieu de lui rendre son fils ; dans l’exaltation de son amour maternel, elle eut recours à un pain de saint Nicolas de Tolentin, et plaça au milieu de ce pain un cierge allumé, qu’elle abandonna dans une sébille de bois au cours du fleuve ; la pauvre mère espérait que l’écuelle de bois s’arrêterait à l’endroit où le corps de son fils avait disparu. Cette sébille fut portée vers un bateau de foin auquel le cierge allumé mit bientôt le feu. Pour remédier à ce funeste accident, le parlement, par son arrêt du 3 mai 1718, ordonna que les contraintes par corps ne pourraient être exercées pendant six mois contre ceux qui avaient souffert dudit incendie, qu’il serait fait dans toutes les paroisses de la ville et des faubourgs de Paris une quête générale pour subvenir aux premiers besoins de ceux qui avaient été ruinés. Cette quête produisit 111,898 livres 9 sous 9 deniers ; la distribution en fut réglée par un arrêt du parlement, à la date du 20 août 1718. La reconstruction du Petit-Pont fut ordonnée par arrêt du 5 septembre suivant. On le rebâtit en pierre, mais sans maisons dessus. Cet édifice est composé de trois arches à plein ceintre, de 6 m. 40 c. à 9 m. 70 c. d’ouverture. Il n’offre rien de remarquable.